Si l’on suit le sociologue québécois Guy Rocher, selon lequel la culture est un ensemble de « manières de penser, de sentir et d’agir » que partagent les individus d’un même groupe culturel, on imagine aisément qu’une différence de culture entre un intervenant et un usager puisse affecter la qualité de l’intervention que mène le premier auprès du second (en travail social ou en soin, par exemple). Cette situation semble en réalité si plausible qu’elle est parfois suspectée un peu trop vite quand une difficulté dans une intervention est mise sur le compte d’une différence culturelle moins réelle que supposée tandis que sont occultées d’autres explications plus pertinentes. Comment et pourquoi la culture est-elle ainsi accusée par excès ? Et pour quelles conséquences ?
Pour proposer quelques réponses à ces questions, ce chapitre nous emmène sur le terrain de l’accès aux soins en Guyane, en suivant l’origine comme fil directeur : seront présentées des situations où un intervenant met les difficultés qu’il rencontre dans une intervention sur le compte des traits culturels qu’il prête à l’usager et qu’il attribue à l’histoire de son groupe d’origine. L’altérité qu’il construit ainsi chez l’usager n’est alors pas simplement culturelle, elle est ethnique : l’usager est vu comme différent du fait de son appartenance ethnique, c’est-à-dire son appartenance à un groupe caractérisé par une origine, commune à tous ses membres, dont découle une culture qui leur est propre. On parle d’ethnicisation…