Le croisement historique entre sociologie de la santé et migration est apparu à la fin du XIXe siècle et – comme le rappelle Didier Fassin (2019) – quatre approches ont été mobilisées pour penser la santé des exilé·es depuis cette époque et jusqu’aujourd’hui : elles se succèdent dans le temps, « se sédimentent et se superposent ». La première est hygiéniste ; elle est le résultat de la lutte contre les microbes et les pandémies. Elle met en place le contrôle sanitaire des populations, surtout des étrangèr·es venu·es servir de main-d’œuvre après la guerre et que l’on suspecte d’être des vecteurs de maladies dites d’importation. La deuxième est exotique et se réfère au développement de la clinique tropicale et de la parasitologie ; la grille nosologique de celle-ci sert alors d’outil pour traiter et catégoriser les immigré·es. La troisième approche est culturaliste : les comportements jugés déviants par rapport à la norme médicale trouveraient des explications et des réponses dans la culture d’appartenance ; l’ethnopsychiatrie est à cet égard une discipline évocatrice. La dernière approche est épidémiologique et repose sur des études et enquêtes statistiques, sur des questions de santé publique privilégiant le collectif à l’individu. À l’inverse de ces approches, qui tendent à singulariser une population, Didier Fassin espère un nouveau temps : celui de « la désingularisation » de la population en migration, rappelant que l’essentiel des pathologies et troubles de santé chez les exilé·es ont une cause sociale…
Date de mise en ligne : 21/06/2023