La migration bouleverse les pays européens qui se sont longtemps pensés terre d’émigration (Noiriel, 1988). En découle une réflexion qui inonde la pensée contemporaine et privilégie la perspective du reflux des exilé·es hors des frontières de l’Europe au détriment d’un raisonnement centré sur l’accueil. Ce bousculement des institutions européennes par la migration révèle aussi des États et leurs institutions qui peinent à combiner principe de solidarité et réalité de l’ouverture sur le vaste monde – ce que l’essayiste David Goodhart (2004) appelle le « dilemme du progressisme ».
Comment ce bouleversement se traduit-il à échelle microlocale de l’hôpital ? Représente-t-il un défi dans une institution qui prône la solidarité ?
Le passeport représente la puissance qu’ont les États-nations et leur capacité à contrôler les entrées sur leur territoire : il permet de garder une trace des personnes qui détiennent un passeport au sein des institutions administratives et organise le droit de circuler (Diaz, 2014 ; Noiriel, 2012). Ainsi, dès le XIXe siècle, les individus dépourvus de papiers d’identité sont punis. Le criminologue Alphonse Bertillon, créateur de l’anthropométrie judiciaire, cartographie les corps, et les données recueillies servent à établir des fiches signalétiques. Nomades, vagabond·es, usurpateur·rices d’identité tel·les que les incarne Martin Guerre, peuvent alors être emprisonné·es ou expulsé·es. Aujourd’hui, le rapport à l’identité est un enjeu des politiques migratoires : quand les exilé·es vivent dans le secret, les forces de sécurité sont au service d’une vérification des identités (photo, empreintes…), démarche susceptible de déclencher une procédure « Dubli…
Date de mise en ligne : 21/06/2023