Pour commencer, il nous faut régler la sempiternelle question de la confusion entre « chiffre » et « nombre », termes qui ont souvent le même sens dans les emplois courants. C’est en effet par abus de langage – qu’on ne peut blâmer, car la langue aime les raccourcis – que les journalistes évoquent « les chiffres du chômage » à la fois pour parler des données écrites fournies par le ministère, et du nombre de chômeurs selon des catégories précises. Les véritables chiffres correspondent en fait aux premières ; il s’agit de symboles graphiques conventionnels auxquels on associe une valeur numérique. Il faut donc opérer une distinction entre le signe écrit sur un support et le concept de nombre. Du point de vue étymologique, le mot « chiffre » provient de l’arabe ṣifr (« vide »), calqué sur le sanskrit śhûnya, de même sens, et introduit en Europe dans sa forme latinisée zephirum par le mathématicien italien Leonardo Fibonacci (Léonard de Pise) dans son Liber Abaci, le « Livre du calcul », en 1202, ce qui a donné l’italien zefiro et, en français, le mot « zéro ».
Les répertoires de chiffres sont le fruit de conventions qui ont leur propre histoire et qui dépendent non seulement des diverses aires culturelles, mais également des différents domaines d’usage des nombres, comme le calcul, le dénombrement ou encore la divination. Pour dire 586, un Chinois emploie actuellement la succession de cinq signes suivants : 五百八十六, qui correspond littéralement à 5, 100, 8, 10, 6. En outre, les manières d’écrire les nombres dépendent étroitement du contexte ; en France, on écrit « 5 » si on réalise un calcul à la main, « cinq » s’il s’agit de l’énoncé d’un texte, « V » si l’on souhaite désigner le volume d’une encyclopédie, ou encore « //// » si on énumère des objets sur une ardoise…
Date de mise en ligne : 21/03/2024