Des travaux en mathématiques particulièrement féconds au cours du xixe siècle s’emploient à repenser et à asseoir sur d’autres bases des théories parfois anciennes, et conduisent à une véritable « crise des fondements » de cette discipline au début du xxe siècle. Cela donnera notamment lieu à la création de trois courants philosophiques majeurs, souvent associés à trois figures : David Hilbert (1862-1943), Bertrand Russell (1872-1970) et Luitzen Brouwer (1881-1966). Des « géométries non euclidiennes » sont par exemple créées en rejetant les postulats énoncés dans les Éléments d’Euclide. La « théorie des groupes », dont l’émergence a été complexe, ne manipule pas directement des nombres, mais des objets à la croisée des notions d’ensemble et de fonctions. La pensée sur le nombre a évolué depuis la période moderne (chap. iii) : le nombre s’est progressivement détaché de son statut d’entité opérante dans le cadre d’un raisonnement géométrique ou d’un calcul algébrique, pour devenir un objet indépendant auquel pouvaient s’appliquer des règles de calcul et de logique pure. Le nombre entier apparaît de moins en moins comme le corrélat de l’acte de compter et perd son aspect « naturel ». Dans son ouvrage Theory of Conjugate Functions : On Algebra as the Science of Pure Time (1835), le mathématicien et astronome irlandais William Hamilton (1805-1865) prône notamment la nécessité de se soustraire complètement au monde physique et de rester dans un cadre purement formel pour comprendre les nombres et leurs propriétés…
Date de mise en ligne : 21/03/2024