L’émergence, à partir des années 1990, de la santé globale comme champ d’action sanitaire mondialisée n’est pas une création ex nihilo du nouvel ordre international : il s’agit de la phase la plus récente de mondialisation de la santé. Elle s’inscrit dans une histoire de plus longue durée, objet de ce chapitre, qui est moins celle de la montée en puissance de la santé comme enjeu de la diplomatie et des négociations internationales entre puissances [Chiffoleau, 2012] que celle du gouvernement sanitaire des grands empires coloniaux et de ses transformations durant l’entre-deux-guerres [Borowy, 2009] et après la Seconde Guerre mondiale sous l’effet de la décolonisation, de la création des nouveaux États-nations en Asie et en Afrique et de la création d’une gouvernance internationale dominée par les institutions des Nations unies. Ce chapitre aborde les continuités entre colonial et postcolonial de deux façons : d’une part, il analyse le décentrement du regard porté sur la santé hors Europe et sur le fait colonial résultant de la montée en puissance des analyses subalternes ou postcoloniales ; d’autre part, il discute le caractère relatif des ruptures introduites par la Seconde Guerre mondiale et les décolonisations en partant de l’historiographie récente de la santé publique internationale.
Le dernier tiers du xixe siècle est une période très particulière dans l’histoire de la médecine et de la santé. Les micro-organismes sont reconnus, en Europe et en Amérique du Nord, comme causes de la plupart des maladies infectieuses, le laboratoire devient un point de passage obligé dans la définition des moyens d’action contre ces dernières, et enfin la médecine clinique et la santé publique sont pour partie redéfinies à l’aune des nouveaux savoirs des germes [Gaudillière, 2006]…
Date de mise en ligne : 19/10/2023