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Article de revue

Le docteur Féré (1852–1907) : une vie, une œuvre, de la médecine aux sciences sociales

Pages 59 à 69

Notes

  • [*]
    Doctorant en histoire, université de Rouen, 29, rue Blanqui, 76000 Rouen, France. <frederic.carbonel@wanadoo.fr>
  • [1]
    Fonds anciens de la bibliothèque de l’université de Rouen, section médecine : Fonds Féré (plus de 240 ouvrages inventoriés). Fonds iconographiques du musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen.
  • [2]
    Hôpital de la Salpêtrière, Paris 13e.
  • [3]
    Le portrait fut légué, avec une photographie du docteur Féré dans son laboratoire de Bicêtre, au musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen. Moïna Binet, née Allard à Marseille, débuta au Salon parisien de 1877. Son portrait du docteur Féré (signé de l’artiste sans date) a sans doute été réalisé au cours des années 1880-1890.
  • [4]
    Lettre 20 : Gabriel Tarde à N. Colajanni (Sarlat, 29 février 1889).
  • [5]
    Benjamin Ball (1833-1893) fut nommé, sous la IIIe République, en 1877 à la première chaire des maladies mentales et de l’encéphale de la Faculté de médecine de Paris.
  • [6]
    « Déraciné depuis plus de 30 ans de sa terre normande et transplanté à Paris, il ne parlait qu’avec une certaine émotion de la Normandie, de Rouen et de l’école où il avait commencé ses études » précise un des catalogues consacrés au médecin.
  • [7]
    En 1888, la Société ne regroupait que 150 psychiatres pour une population française estimée à 37 millions d’habitants.
  • [8]
    Parmi eux avant Féré : Pinel (1745-1826), Esquirol (1772-1840), Foville père (1799-1878), Baillarger (1809-1890), Legrand du Saulle (1830-1886).
  • [9]
    Paul Legendre poursuivait sa description du médecin ainsi : « Ce grand diable (j’entends celui de la Salpêtrière) cachait sous sa rudesse phlegmatique une raillerie narquoise et les assistants ne s’ennuyaient pas ».
  • [10]
    Franz-Anton Mesmer (1734-1815) : médecin magnétiseur suisse.
  • [11]
    Louis Boucher fut interne en médecine à Paris dans les services de l’hôpital Sainte-Anne puis de la Salpêtrière. Il était l’auteur d’une thèse sur l’Histoire de la Salpêtrière de sa fondation à Pinel.
  • [12]
    Armand Laurent fut nommé médecin-adjoint à l’asile des Quatre Mares en 1860 puis collaborateur du docteur Morel à Saint-Yon. Membre de la Société Libre d’émulation de Rouen, il fit des conférences, de 1883 à 1886, sur les ouvrages du philosophe Théodule Ribot. Elles avaient pour thème les principaux ouvrages du philosophe : Les maladies de la mémoire, Les maladies de la volonté et Les maladies de la personnalité.
  • [13]
    « Il ne faut pas croire que pendant cette période tous les observateurs aient été forcés de se rattacher aveuglément soit à l’école de la Salpêtrière, soit à l’école de Nancy. J’ai déjà signalé vers 1880 les débuts d’une troisième école que l’on pourrait appeler l’école de Charles Richet si ses membres n’avaient pas eu toujours autant d’indépendance. On peut rattacher à cette école les noms de Myers […], de Beaunis, de Binet, de Féré. » écrivait Pierre Janet en 1919.
  • [14]
    Étude de la « personnalité » par la forme des crânes et les altérations du cerveau.
  • [15]
    Ces convictions furent fortement caricaturées par le pamphlétaire de l’Action française Léon Daudet : « L’aliéniste Féré était […] un joli exemple de primaire, tatoué de connaissances anatomo-pathologiques ».
  • [16]
    La « Sociologia criminale ». Communication faite à la Société d’anthropologie de Bruxelles le 24 septembre 1894.
  • [17]
    Lettre du professeur A. Grafé du 4 novembre 1889.
  • [18]
    Les théories évolutionnistes du philosophe anglais Herbet Spencer (1820-1903), diffusées parallèlement à celles de Darwin, influençaient considérablement la biologie, la sociologie et la médecine mentale européenne au XIXe siècle.
  • [19]
    Ses premiers articles parus dans les Archives de neurologie datent de 1884.
  • [20]
    « L’aliéniste Féré […] ânonnait le syllabaire de la Salpêtrière, sans y changer un mot. Je plains les malheureux déments qui sont depuis tombés sous sa coupe, qu’il a camisolés, gavés, trempés dans l’eau froide ou chaude, nourris de morphine et de bromure, soumis aux exercices fallacieux qui sont d’usage dans les maisons de fous », écrivait Léon Daudet en 1915.

1Charles Féré fut un « chercheur extraordinaire ». « C’est un honneur pour la Normandie d’avoir produit le philosophe que fut Féré et aussi un honneur pour l’Ecole de Rouen de l’avoir compté parmi ses élèves. » Il « s’était fait un nom dans la médecine des maladies mentales » et « exerçait une influence marquée dans les études de biologie et de psychologie ».

2Les références au docteur Féré sont nombreuses et variées dans la bibliographie contemporaine. Il est ainsi cité dans des ouvrages aussi différents que La prison républicaine [2], le tome 4 de l’Histoire de la vie privée [19], la Nouvelle Histoire de la psychiatrie [22], Hypnose, suggestion et psychologie [5], Les filles de noce, misère sexuelle et prostitution aux XIXe et XXe siècles [9], la Naissance du psychanalyste [7], l’Histoire de l’eugénisme en France [4], L’introduction du Darwinisme en France [8], L’histoire de la criminologie française [15], Freud avant Freud [1], Les maladies dans l’art antique [12], L’Inconscient cérébral [11], et plus récemment dans Naissance d’une science humaine : la psychologie [21] ou l’Histoire de la psychologie française [17].

3En parcourant ces ouvrages, nous avons été étonné par le manque d’informations biographiques sur ce médecin, la faible prise en considération de l’ampleur de ses travaux scientifiques et, surtout, l’absence de vue d’ensemble et de mise en perspective. Or la carrière exceptionnelle du docteur Féré fut le produit d’un corps médical haut-normand extrêmement dynamique dans le domaine de la médecine mentale tout au long du XIXe siècle. De plus, jusqu’à une époque encore très récente, son nom apparaissait dans les colonnes de plusieurs grands dictionnaires régionaux et nationaux : dans la rubrique Sciences de la Revue encyclopédique en 1894, dans le supplément à la Nouvelle biographie normande en 1912 [61], dans le Larousse du XIXe siècle paru en 1930 et, surtout, dans le Dictionnaire encyclopédique Quillet, nouvelle édition puis le célèbre Dictionnaire de biographie française publiés respectivement en 1962 et 1975-1976. Une seule thèse de médecine tente de résumer brièvement ce parcours original [3]. Mais elle ne tient pas compte de l’ampleur des sources que nous avons pu découvrir en Seine-Maritime, ni des ouvrages imprimés et des sources manuscrites conservés dans les fonds anciens de la bibliothèque de l’université de Rouen, section médecine, ni des sources picturales et photographiques du musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen [1] ou de la bibliothèque Charcot [2].

4Ces nouvelles sources ont été en partie inventoriées : 11 textes manuscrits, 161 dédicaces manuscrites Au docteur Féré de médecins, psychologues, psychiatres, philosophes, anthropologues, criminologues français et étrangers, près de 2000 livres, brochures, thèses, articles français et étrangers passés de la bibliothèque du docteur Féré à celle de l’École de médecine de Rouen au début du XXe siècle. Deux énormes catalogues inédits ont aussi été retrouvés [44]. Composés de plusieurs centaines de pages chacun, ils ont été sans doute réalisés en 1907 par les élèves et professeurs en médecine de Rouen. Ils rassemblent des papiers, des autographes, des pensées inédites ainsi que les allocutions prononcées en hommage au médecin au cours de sa carrière et lors de ses obsèques. On peut ajouter à ces sources, imprimées et manuscrites, un portrait découvert dans les réserves du musée Flaubert de Rouen, peint par l’artiste Moïna Binet, la mère du célèbre psychologue Alfred Binet (1857-1911) [3].

Un oublié normand de la psychologie française

5Ces sources, normandes, nombreuses permettent de mieux connaître le personnage. Elles nous ont permis de dresser une liste des revues françaises et étrangères où sont parus ses nombreux travaux (1856 citations ou parutions dans 48 revues dont 9 étrangères) mais aussi de montrer l’étendue de son réseau médical qui, au tournant du siècle, comptait au moins 201 correspondants dont 60 étrangers (des Allemands, des Italiens, des Anglais, des Belges, des Suisses mais aussi des Américains, des Polonais, des Espagnols, des Tchèques, un Russe…). Charles Féré n’avait laissé aucun descendant direct. Il était tombé brusquement dans l’oubli comme l’indique une lettre du 22 novembre 1916 envoyée à la Bibliothèque municipale de Rouen [48].

6Deux exemples éclairants montrent cette surprenante indifférence. L’un est une erreur d’identification des personnages représentés sur la célèbre peinture d’André Brouillet (1857-1914), Une leçon clinique à la Salpêtrière. Destinée initialement au Salon de Paris en mai 1887, la toile montre Charcot hypnotisant une hystérique devant un public composé de ses meilleurs élèves, d’écrivains, de philosophes et d’hommes politiques influents sous la IIIe République. Toujours visibles au Musée d’histoire de la médecine de Paris, lors de l’exposition organisée par le musée en l’an 2000, les notices qui présentaient les différents personnages avaient inversé celle de Charles Féré avec celle du neurologue Gilles de la Tourette (1857-1904) ! L’autre est l’absence de note biographique sur « Féré » dans un article sur la correspondance retrouvée du juriste et sociologue Gabriel Tarde (1843-1904) [25]. Pourtant, dans une lettre du 29 février 1889, ce dernier savait comment joindre le docteur Féré, un des scientifiques français les plus publiés de son vivant : « Vous me demandez l’adresse de Féré. Je l’ignore, mais adressez votre lettre à la librairie Alcan 108 boulevard St Germain avec prière de faire remettre à M. Féré. Cela parviendra à coup sûr » [4].

7Quelles sont les raisons de cet oubli ? Sa vie familiale reste très peu connue. Au début du XXe siècle, elle était marquée par des soucis de santé et des problèmes financiers. De plus, au sein de la médecine mentale, ses préoccupations étaient multiples et complexes. Charles Féré avait la particularité d’appartenir à la génération des médecins qui avait vécu l’institution de la psychiatrie comme spécialité médicale à part entière sous la IIIe République [5]. D’abord neurologue puis aliéniste, il s’était rapidement intéressé, dès les années 1880, à la recherche en psychologie. Enfin, son itinéraire, pionnier, à relier aux réseaux médicaux haut-normands, notamment rouennais, semble la cause principale de l’ingratitude : le personnage énigmatique avait été négligé tout comme l’a été l’étude de l’importante « École médicale rouenno-havraise » dans le domaine de la pathologie mentale au XIXe siècle.

8Charles Samson Féré était né le 13 juin 1852 dans la petite commune d’Auffay, canton de Tôtes, arrondissement de Dieppe, en Seine-Inférieure [49]. Il était l’unique enfant d’une famille de paysans normands aisés. Ses parents s’étaient mariés un an auparavant. Le menuisier et l’instituteur du village étaient les témoins de la cérémonie. Leur présence avait été une façon pour les époux de montrer leur attachement à la promotion sociale dans une commune normande dynamique d’environ un millier d’habitants.

9Au tournant du XIXe et du XXe siècle, la carrière de ce fils de paysans du Pays de Caux était emblématique pour l’« École médicale haut-normande ». Elle était qualifiée d’extraordinaire. Le docteur Féré allait marquer par ses travaux la naissance des sciences humaines sous la IIIe République. Il allait participer, grâce à ses réseaux normands, français, européens et américains, à l’établissement de la psychologie française. Chercheur, aux domaines précurseurs, il allait préparer, à sa manière, l’entrée de la psychanalyse en France [14, 28].

Une carrière exceptionnelle grâce au dynamisme des réseaux savants rouennais

10Dès l’âge de 10 ans, en octobre 1862, Charles Féré faisait son entrée dans la plus prestigieuse maison d’instruction du département : le lycée impérial de Rouen. Il obtenait son bac ès sciences et ès lettres à 16 ans. Il était considéré comme un bon élève, voire très bon, mais « capricieux ». Cependant, dans l’atmosphère studieuse du lycée, il décidait de devenir médecin comme de nombreux autres élèves de cette institution avant lui [24]. En 1876, la plupart des anciens élèves du lycée se regroupaient en association, un réseau influent au sein des milieux médicaux, administratifs et culturels sous la IIIe République. Il fera partie des adhérents à la carrière la plus brillante [59].

11De 1868 à 1870, nous perdons sa trace. En 1870, il entrait à l’École de médecine de Rouen. Trois professeurs de médecine marquaient profondément ses premières années d’étude : Louis Duménil (1823-1890), spécialiste de clinique chirurgicale, Achille Flaubert (1813-1882), frère de l’écrivain, chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Rouen, et Émile Leudet (1825-1887), un des premiers correspondants nationaux de la Société de Biologie et de l’Académie Nationale de Médecine.

12Formé dans un réseau médical rouennais influent, Charles Féré recevait une solide expérience de clinicien. En novembre 1872, il sortait de l’école avec les éloges du secrétaire directeur pour ses bons soins donnés aux enfants malades. La Normandie venait de sortir de la rude occupation prussienne. Très estimé et fort de ses liens, il devenait le candidat naturel de l’École rouennaise au concours de l’internat des hôpitaux de Paris.

Une intégration rapide dans le prestigieux monde médical parisien

13« Déraciné », il restait un « émotif » issu de la campagne [6]. Il ne réussit le concours de l’internat parisien qu’en 1877, à la cinquième tentative. Mais, dans les milieux carabins de la capitale, il fit des rencontres utiles. Elles participeront à ces orientations futures. Ainsi, il restera, pendant longtemps, un proche de Charles Richet (1850-1935) qui effectuait son internat au cours des mêmes années.

14Reçu interne, il entrait au service de Paul Broca (1824-1880), un ami des médecins rouennais. Le professeur Broca avait été un des premiers français à réintroduire la pratique de l’hypnose comme moyen anesthésique (1859). Fondateur de la Société d’Anthropologie (1859), il avait créé l’École d’anthropologie de Paris en 1876. Il était considéré comme le spécialiste français des localisations cérébrales avec ses travaux sur l’aphasie, les centres du langage et l’inégalité fonctionnelle des hémisphères cérébraux.

15Charles Féré poursuivait ses années d’internat dans les services de grands hôpitaux parisiens. Il complétait sa formation en biologie, en pédiatrie, en gériatrie mais aussi en urologie. Il devenait un assistant du biologiste Charles Bouchard (1837-1915) et travaillait au service des enfants assistés de l’hôpital Necker. Il y rencontrait une des premières femmes médecins, l’Américaine Augusta Klumpke (1859-1927), et son futur mari, le neurologue Jules Déjérine (1849-1917). Le couple et le médecin se fréquenteront, quelques années plus tard, dans les services de la Salpêtrière et de Bicêtre. Même s’il fut récompensé par l’obtention du prix Civiale en 1880 pour un mémoire sur le cancer de la vessie, l’interne Féré n’avait pas encore, à cette époque, trouvé sa réelle spécialité médicale.

16En 1881, il rentrait dans le service spécialisé de l’hôpital de la Salpêtrière pour les maladies du système nerveux dirigé par Charcot (1825-1893). Charcot connaissait la réputation des professeurs de médecine normands, notamment Louis Duménil et « Leudet de Rouen ». D’autres normands avaient servi auprès du « maître » Charcot. Charles Nicolle (1866-1936), prix Nobel de médecine en 1928, n’en conservait presque que de mauvais souvenirs au contraire de Charles Féré qui fut vite admis dans le cercle restreint des « intimes » de la famille Charcot [56].

17En 1881, Charles Féré était photographié au centre du groupe des internes de La Salpêtrière, le seul assis. En 1882, année de fondation d’une chaire de neurologie pour Charcot, il soutenait, sous les éloges, sa thèse de médecine sur les troubles de la vision par lésion cérébrale. Le docteur devenait rapidement, dans cette première clinique des maladies nerveuses, le spécialiste des travaux anatomopathologiques, des autopsies et de la conservation de pièces anatomiques. Il recueillait les cours de son « maître ». Ceux sur l’aphasie, qu’il prenait en note assidûment, seront prémonitoires pour la naissance d’une discipline de psychologie clinique. L’année suivante, il devenait un des directeurs de publication du « patron » avec les fonctions de quasi-secrétaire particulier. Il était dès lors régulièrement associé aux soirées de l’hôtel du boulevard Saint-Germain, propriété de la famille Charcot. Il était souvent invité à leur table.

Un spécialiste de l’« hystéro-épilepsie » et de la criminologie

18Repéré pour ses études sur « l’hystéro-épilepsie », ensemble de maladies au centre des recherches de « l’École de la Salpêtrière », il était élu à la doyenne des sociétés de psychiatrie française, la Société médico-psychologique (SMP), en 1883 [42]. Ses travaux anatomiques de dissection des crânes furent mis en avant ainsi que ses premières expériences d’hypnotisme. En 1878, Charcot s’était montré favorable à l’hypnose comme champ d’expérimentation psychologique. À la SMP, le docteur Féré pouvait côtoyer d’autres aliénistes normands : le rouennais Achille Foville fils (1831-1887) par exemple, ancien directeur de l’asile pour aliénés des Quatre Mares en Seine-Inférieure et président de la SMP pour l’année 1884 [7]. Charcot ne se revendiquait pas de la psychiatrie mais de la neurologie. Il trouvait en Charles Féré un allié précieux qui était reçu au prestigieux concours des médecins aliénistes en 1884 et qui recevait la charge du service des aliénées et épileptiques, réservé aux femmes, de la Salpêtrière. Seulement 27 aliénistes auront eu cette responsabilité au XIXe siècle ! [8]

19À partir de 1885, le docteur Féré travaillait parallèlement comme médecin-adjoint au service des aliénés de la Préfecture de Police de Paris dirigé par un des premiers criminologues français [15] : Legrand du Saulle (1830-1886). Il stimulait les premières thèses de criminologie française comme celle de l’étudiant en médecine Augustin Planès en 1886 : Quelques considérations sur la folie à Paris observée à l’Infirmerie spéciale du dépôt de la Préfecture de Police (1872-1885). Il faisait alors la connaissance de l’inventeur de l’anthropométrie judiciaire et de l’empreinte digitale : Alphonse Bertillon (1853-1914) qui lui dédicaçait son intervention du 22 novembre 1885 au Congrès pénitentiaire de Rome. Le docteur Féré, dit « le Grand ferré », ne passait jamais inaperçu « parce que sa haute stature, sa carrure imposante évoquait le souvenir de ce paysan patriote qui, pendant la guerre de Cent Ans, occit moult Anglois à coup de maillet ou de fléau » ! [57] [9]

20De 1887 à son décès, Charles Féré exerça en tant que médecin en chef du service, réservé aux hommes, des aliénés et épileptiques de Bicêtre. Il s’attachait, parallèlement à son service public, une clientèle privée avec un système de consultations à son domicile parisien : au 22 avenue Bugeaud puis au 37 boulevard Saint-Michel, le mardi, le jeudi et le samedi de 13 heures à 15 heures Ses patients n’étaient pas que parisiens. En 1896, une mère écrivait de Lille pour le traitement des crises de sa fillette !

Un chercheur attaché à la naissance des sciences humaines [16] et un initiateur des thérapies psychologiques

21De 1884 à 1886, C. Féré faisait paraître une série d’articles sur la « médecine d’imagination » dans Le Progrès Médical [37]. Les médecins de la pathologie mentale s’opposaient alors sur l’hypnose et son utilisation [18]. D’un côté, Charcot et les partisans de l’École de la Salpêtrière, étaient favorables à cette pratique en tant que domaine d’expérimentation psychologique et thérapeutique sur les hystériques. De l’autre, Hyppolyte Bernheim (1849-1919) et les médecins de l’École de Nancy dénonçaient « l’hypnotisme de culture » de la Salpêtrière. Ils n’y voyaient qu’un effet de « suggestion » possible sur tous.

22Partisan de l’hypnose thérapeutique, le docteur Féré ne rejetait pas le terme de « suggestion ». Il justifiait sa position : « Si la médecine d’imagination était la meilleure, pourquoi ne ferions-nous pas de la médecine d’imagination ? Ce n’est pas parce que cette proposition a été formulée par un disciple de Mesmer […][10], qu’il faut nous croire obligé de la rejeter sans examen. Il ne s’agit nullement d’innovation : quand on fait avaler certaines boulettes dites fulminantes, c’est bien de la suggestion que l’on administre sous forme pillulaire […]. Et il convient de remarquer que nous ne préconisons cette médecine d’imagination que contre une catégorie de troubles bien déterminés, contre les troubles d’origine psychiques ». Ses écrits avaient des échos jusque dans les sociétés savantes rouennaises, notamment à la Société Libre d’émulation de Rouen, auprès des docteurs Louis Boucher (1857-1940) [11] et Armand Laurent (1832-1917) [12], deux fidèles correspondants du médecin. Le docteur Boucher publiait, à son tour, dans le Journal des médecins de la Seine-Inférieure, des comptes rendus d’expériences menées à l’Hôtel-Dieu de Rouen. Ils seront, grâce à Féré, commentés jusqu’à Berlin.

23Le thème constant des travaux du docteur Féré était les rapports entre la physiologie et la psychologie. Dès octobre 1885, il était un des premiers français, avec le médecin de Nancy, Ambroise Liébault (1823-1904), à adhérer à la Society For Psychical Research (SPR) de Londres [53]. Cette société avait été créée à Cambridge dans les milieux estudiantins et universitaires anglais de l’époque victorienne. Ses premiers animateurs étaient le philosophe anglais Henry Sidgwick (1838-1900) et le psychologue anglais Frédérick Myers (1843-1901). Ce dernier avait proposé la candidature du docteur Féré lors d’un congrès à Londres. La Society initiait alors des expériences de psychologie et de parapsychologie dans toute l’Europe. Ses membres expérimentaient sur des cas de double personnalité, de dissociation de la conscience et sur les hallucinations. Le docteur Féré participait à l’élargissement du comité des correspondants français de la SPR avec Charles Richet et Pierre Janet (1859-1947) jusqu’en 1889. Pierre Janet, jeune agrégé de philosophie au lycée du Havre, réalisait au même moment sa thèse sur L’Automatisme psychologique, avec l’aide d’un groupe de médecins de l’hôpital du Havre animé par le docteur Gibert (1829-1899). Seul Pierre Janet aura l’audace de parler d’une « troisième école », entre celle de Nancy et de La Salpêtrière, pour distinguer les premiers travaux en psychologie de ces « chercheurs indépendants ». Il y intégrait Féré car le savant était réellement un pilier de ce mouvement scientifique européen en faveur de la psychologie expérimentale [51] [13].

24En novembre 1885, le docteur Féré était un des principaux organisateurs en France de la Société de psychologie physiologique. Cette Société avait été constituée par le neurologue Charcot, président, le physiologiste Charles Richet, secrétaire général, les philosophes Théodule Ribot (1839-1916) et Paul Janet (1823-1899), vice-présidents. Le docteur Féré était un des deux premiers secrétaires à l’organisation. La société et les soirées qui lui étaient associées se réunissaient souvent dans un hôtel du boulevard Saint-Germain, demeure de la famille Charcot : « Des quelques séances qui se tinrent […] chez le maître de la Salpêtrière, ne sortit ni un travail original, ni une vue neuve » selon l’ancien étudiant en médecine et futur écrivain nationaliste Léon Daudet (1867-1942). Le même écrivait d’ailleurs : « les psychophysiologistes écoutaient passivement une communication du triste primaire Féré sur les mouvements spontanés du fœtus, échangeaient quelques banales observations, puis se séparaient avec des mines doctes » [45].

25En 1886, après avoir mis en évidence les mécanismes de la polarisation psychique, Féré écrivit avec son ami Alfred Binet Le Magnétisme animal [32]. L’ouvrage fut un brûlot. Il résonnait comme une provocation puisqu’il faisait remonter l’origine de l’hypnose au magnétisme animal de l’Ancien régime. Or ces magnétiseurs avaient été condamnés, sous Louis XVI, pour charlatanisme. En 1784, une commission royale de médecins avait rendu illégale la pratique du magnétisme. Pour Binet et Féré, les séances d’hypnotisme des médecins républicains poursuivaient la « médecine d’imagination » condamnée par les rois. Une de ces curieuses expériences était citée dans Du sommeil non naturel : ses diverses formes, thèse à l’agrégation de médecine parue en 1886 : « Une hystérique, étant en somnanbulisme, le docteur Féré feint de lui brûler son fichu, avec la cendre incandescente de son cigare ; elle est désolée et court tremper son vêtement dans le pot à eau ». Puis « réveillée », elle s’exclamait : « il me semble que j’ai rêvé que quelqu’un m’avait brûlé mon fichu » !

Un psychiatre républicain, spécialiste de la « famille névropathique »

26Charles Féré poursuivait les travaux psychiatriques sur la « dégénérescence » de Bénédict-Augustin Morel (1809-1873) [20]. Depuis la Révolution française, l’idée de régénérescence dominait les esprits des savants sur l’organisation des êtres vivants. Dans la première moitié du siècle, la phrénologie [14] avait été fondée sur les bases d’une anthropologie positive avec les médecins Gall (1758-1828) et Broussais (1772-1838). Le mouvement phrénologique avait marqué la première psychiatrie française. Sous la monarchie de Juillet, les aliénistes avaient été majoritairement républicains, libres penseurs et anticléricaux. Ils avaient postulé en la « régénérence » des malades mentaux. Au milieu du siècle, la chute de la seconde république avait mis fin aux idées nées du « geste libérateur » et « mythique » de Philippe Pinel (1745-1826) cherchant à prouver qu’une amélioration de la condition du malade mental était possible et sans limite. Le psychiatre, chrétien, Morel, médecin chef à l’asile Saint-Yon de Rouen, avait réalisé une nouvelle classification des maladies mentales autour du rôle des facteurs héréditaires et du concept de « dégénérescence ». Nouveau paradigme, la « dégénérescence » avait été vulgarisée sous le Second Empire. Ce schéma théorique se nourrissait de l’importation progressive du darwinisme en France [8]. Les notions de « sélection naturelle » et d’« évolution » pouvaient s’adapter facilement à celle d’« hérédité » humaine puis d’« hérédité morbide ». Toutes ces idées avaient un regain d’intérêt au sein de la psychiatrie française sous la IIIe République. Le docteur Féré contribuait au débat dans sa première étude sur La famille névropathique [35]. Fervent républicain [15], il restait attaché à l’appropriation scientifique de « l’hystéro-épilepsie » réalisée par l’École de la Salpêtrière : les « folies » avaient pour origine des troubles neurologiques ou mentaux et non le diable, les sorcières, les miracles ou la dégénérescence résultant du « pêché originel ». Charles Féré proposait donc de renouveler la classification de Morel tout en s’appuyant sur l’idée directrice : l’hérédité des maladies [30]. Son projet rencontrait un large écho, notamment chez les républicains radicaux. Paul Bert (1833-1886) s’empressait d’en faire les éloges [55]. Son ouvrage principal était même traduit en russe. Le docteur Féré divisait les maladies nerveuses observables dans les familles névropathiques en deux grands groupes avec des ramifications empruntant parfois aux symptômes des deux branches principales : les maladies neuropathologiques (organiques) et les maladies psychopathologiques (psychiques). Diagnostiquer les symptômes de la seconde catégorie restait subjectif. Le docteur Féré avait le mérite d’en tirer toutes les conséquences : « Les frontières de la santé et de la maladie psychique ne peuvent être qu’arbitraires » !

27Treize ans après la Commune de Paris, l’analyse pouvait être réutilisée à des fins politiques pour justifier les premières tentatives de psychologie des foules : « parmi ceux qui ont pris une part active à l’insurrection de 1871 plusieurs sujets […] ont été traités comme aliénés ou […] avaient des aliénés dans leur famille » [55]. Depuis 1871, les débuts de la « psychologie criminelle » alimentaient les discours politiques en France et à l’étranger : « Monsieur Féré et ses adeptes ont soutenu que la misère physiologique constitue la condition pathogène primordiale du vice et du crime ; Les révolutions politiques, comme le constate Féré, constituent en quelque sorte la pierre de touche de la criminalité[16] ». Ces études de Féré sur la dégénérescence furent à l’origine de nombreuses réflexions du philosophe allemand Nietzsche (1844-1900) [13].

Un criminologue, animateur de l’École d’anthropologie française, favorable à la réhabilitation des effets du social

28Ancien interne de Broca et condisciple de Legrand du Saulle, Charles Féré était, au sein de l’École d’anthropologie de Paris, un des principaux opposants français aux théories propagées par l’École d’anthropologie positive italienne. En 1876, Cesare Lombroso (1836-1909) avait publié le livre fondateur de l’école italienne : L’homme délinquant. L’ouvrage voulait montrer que, dans les stigmates anatomiques et physiologiques des « dégénérés », se retrouvaient des états moraux ou psychologiques. Il distinguait les dégénérés primaires (criminels, malfaiteurs, délinquants…) des supérieurs (hommes de génie, artistes, personnages politiques…). L’école italienne prônait un déterminisme physiobiologique qui permettait de classer les différentes catégories de criminels et de dégénérés. Les études craniométriques, les statistiques sur la forme des oreilles (droite et gauche) ou la morphologie des visages et des mains fourmillaient sous la IIIe République. Lombroso avait-il vu juste pour reconnaître les criminels ? Pour les Français, les causes « environnementales » du crime n’étaient pas suffisamment prises en compte par les Italiens car le milieu social et économique avait un rôle de premier plan dans les prédispositions à la criminalité. De plus, les facteurs physiologiques de la mauvaise santé physique et mentale ne s’accompagnaient-ils pas des maladies de la malnutrition et de la mauvaise hygiène liée à la marginalité ?

29Pour le docteur Féré, les anthropologues italiens utilisaient à mauvais escient les travaux de Morel sur la « dégénérescence ». Morel était un familier des milieux populaires rouennais de la rive gauche de la Seine. Ces quartiers semblaient les plus frappés par l’aliénation mentale liée à l’alcoolisme, la misère et ses nombreuses conséquences physiologiques ou morales. Dans Dégénérescence et criminalité, publié en 1888 [33], si le docteur Féré ne niait pas les prédispositions physiologiques, il s’attaquait vigoureusement aux Italiens qui donnaient à la biologie un rôle trop déterministe : « on ne peut, dans l’état actuel, établir aucune relation entre une anomalie cérébrale et la criminalité et la folie ». D’ailleurs que devenait le « libre arbitre », valeur sur laquelle s’était fondée la démocratie républicaine ? La position du médecin paraissait paradoxale. Elle critiquait les idées italiennes du « criminel né » mais s’embarrassait de phrases ambiguës : « Les criminels et les délinquants sont des anormaux aussi bien au point de vue psychique, qu’au point de vue physique. Dans l’état actuel de la science […] il est impossible […] de donner la preuve objective du libre arbitre » ! Cependant, le docteur Féré fut un des principaux artisans de la riposte française aux certitudes italiennes. Lors du Congrès international d’anthropologie criminelle, tenu à Paris, du 1er au 8 août 1889, il était un des quatre membres du comité français désigné pour préparer ce grand congrès avec les aliénistes Benjamin Ball (1833-1893), Jules Falret (1824-1902) et Valentin Magnan (1835-1916). Clinicien, physiologiste, neurologiste, psychiatre, psychologue, anthropologue, Charles Féré faisait une carrière remarquée de « socio-crimino-psychologue » dont les travaux étaient commentés jusqu’aux États-Unis !

Un psychologue, célèbre par ses travaux précurseurs en psychologie expérimentale

30Brillant élève de « l’École médicale rouenno-havraise », Charles Féré était une figure emblématique pour les médecins regroupés autour de la revue La Normandie médicale [54]. Tandis qu’il restait attaché à ses premiers formateurs, les « maîtres » de Rouen, il avait conquis l’estime des principaux acteurs scientifiques parisiens de son temps. Au cours des années 1880, il était le principal ami d’Alfred Binet [23, 29]. La rencontre s’était faite dans les cercles soigneusement sélectionnés de Charcot à la Salpêtrière. Babinski (1857-1932) l’avait présenté à Alfred Binet, le futur inventeur des tests mentaux pour les enfants. Féré avait organisé la première rencontre entre Alfred Binet et le professeur Charcot. Babinski connaissait bien Féré [23].

31De 1883 à 1886, Binet et Féré écrivaient de nombreux articles en commun sur les « hystéro-épileptiques », les paralysies psychiques, la découverte du « transfert » ou des images mentales. Dans son service de la Salpêtrière, le docteur Féré accueillait de nombreuses personnalités européennes : le magnétiseur et mathématicien belge Joseph Delbœuf (1831-1896) ou Sir Thomas Clouston (1840-1914), aliéniste écossais qui était venu en France au nom du comité sur l’hypnotisme de l’Association des médecins britanniques. En 1886, Alfred Binet dédiait son ouvrage, La psychologie du raisonnement : « Au docteur Charles Féré, médecin de la Salpêtrière, son Ami ». En 1889, il le citait dans son introduction au recueil américain On Double Consciousness : « Monsieur Féré actuellement médecin de Bicêtre, s’est distingué ses dernières années par ses multiples recherches en psychologie expérimentale ». En 1894, Alfred Binet fondait L’Année psychologique. La Normandie médicale, journal de l’Association des médecins de la Seine-Inférieure, soutenait matériellement la parution de cette première revue intégralement consacrée à la psychologie en ouvrant une souscription auprès de ses lecteurs.

32Le docteur Féré était aussi devenu un fidèle collaborateur de La Revue Philosophique de la France et de l’Étranger dirigée par Théodule Ribot [41]. En 1885, dans ses correspondances avec le spécialiste des sociétés animales Alfred Espinas (1844-1922), Ribot évoquait « Féré » comme un des parrains de la fondation d’une Société de psychologie physiologique sur Paris [27]. En 1889, Grafé, professeur à l’Athénée Royale de Liège et auteur d’un Essai de psychologie expérimentale, s’adressait en ces termes au docteur : « Croyez-vous que mon pauvre opuscule mérite les honneurs d’une petite critique dans la Revue Philosophique ? Et dans l’affirmative, pourrais-je vous demander de bien vouloir vous charger de ce soin ?[17] ».

33Cette position influente dans les milieux scientifiques et culturels parisiens fit de Charles Féré le premier désigné pour rédiger une notice nécrologique sur le « patron » de la Salpêtrière dans la Revue des Deux Mondes en 1894 : Charcot et son œuvre [38]. Le docteur avait su perpétuer son aura de la Salpêtrière à son laboratoire de Bicêtre. Il correspondait avec les plus célèbres psychiatres européens : le flamand Peeters, médecin inspecteur de la colonie familiale pour aliénés belges de Gheel ou l’italien Sante De Sanctis (1862-1935). Sa correspondance et sa bibliothèque témoignent de la constitution de réseaux denses de l’École de médecine de Rouen au laboratoire parisien : les dédicaces manuscrites balisaient chacune des étapes du parcours professionnel.

34En 1895, Charles Féré était nommé vice-président de la Société de Biologie. L’année précédente, il avait voulu montrer les liens entre l’œuvre de Darwin (1809-1882) et la médecine mentale [39]. L’année 1895 couronnait ses débuts dans le milieu des « néo-lamarckiens » français rassemblés autour d’Alfred Giard (1846-1908), principal animateur de la Revue scientifique. Il avait sans doute participé au cours des années 1880 au groupe des « dîners Lamarck » (1744-1829). Il possédait une des œuvres de vulgarisation évolutionniste les plus encensées au cours de ces agapes : le Dictionnaire des sciences anthropologiques (Doin, Flammarion, 1886-1889). Il attirait, surtout, l’attention des chercheurs avec des expériences de tératologie sur les poules. En cette « fin de siècle », il était un farouche partisan de l’utilisation des concepts de l’évolutionnisme organiciste dans l’analyse des sociétés humaines. Ces thèses d’origine spencérienne [18] étaient défendues en 1897 par des biologistes belges : Jean Demoor, Émile Vandervelde, respectivement agrégé et chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles, et Jean Massart, professeur à l’Institut des hautes études de Bruxelles. Ils lui dédicaçaient leur ouvrage : L’évolution régressive en biologie et en sociologie [10].

Une réputation européenne et outre-Atlantique

35La réputation européenne et outre-Atlantique du docteur Féré ne cessait de grandir depuis ses publications sur les épilepsies, les hystéries, les névroses et les maladies du système nerveux [43]. Des articles importants paraissaient dans la revue neurologique anglaise Brain et dans la Revue de la Société de médecine mentale de Belgique à laquelle il avait adhéré dès 1888 [40]. Ses ouvrages publiés en sept langues devenaient des best-sellers dans la plupart des communautés de médecins, spécialistes de psychiatrie et de psychologie. En 1888, il avait été un des quatre correspondants de l’allemand Max Dessoir (1867-1947) qui réalisait à cette époque une bibliographie complète des travaux sur l’hypnotisme en Europe. Dix-sept ans plus tard, en 1905, les références à ses publications étaient plus nombreuses que celles de Freud (1856-1939) dans la bibliographie du Dictionary of Philosophy and Psychology dirigée par le psychologue américain James Baldwin (1861-1934) [47].

36Au cours de sa carrière, le docteur Féré avait abordé de nombreux thèmes : les maladies psychiques (en 1897 les études sur Hysteria, epilepsy and the spasmodic neuroses étaient publiées à New York), la psychologie des enfants, les rêves et les hallucinations (il était l’inventeur du terme autoscopie), la sexologie (en 1899 paraissait L’instinct sexuel [36] qui fut traduit en tchèque en 1902), l’action des toxiques (l’alcoolisme et la toxicomanie), les pulsions (conscientes et inconscientes), le sadisme et la tauromachie, mais aussi la linguistique avec l’étude des tropes et des métaphores (« enflammé de désir », « échauffé par la colère », « glacé d’horreur »). L’étendue de ses travaux marquait l’esprit des contemporains : « il ne se ménageait pas, ne craignant pas de se prendre lui-même comme sujet en s’injectant les médicaments les plus variés » [26]. Nombre de ses études se retrouveront dans la bibliothèque de Freud [63]. Elles pourront contribuer à la genèse des principaux concepts du médecin viennois. Freud avait suivi les leçons de Charcot au moment où Charles Féré faisait connaître ses études sur la Famille névropathique[19] [1].

Une carrière dédiée à « ses maîtres de Rouen » et à l’École de médecine normande

37En novembre 1885, le docteur Féré avait adhéré à la Society For Psychical Research et à la Société de psychologie physiologique. Au même moment, il avait soutenu la parution de La Normandie médicale. Cette première revue des médecins normands se constituait grâce aux réseaux des docteurs Raoul Brunon (1854-1929) de Rouen et Joseph Gibert du Havre. Mais, en 1900, le corps médical haut-normand se scindait avec l’apparition d’une revue concurrente : La Revue médicale de Normandie animée par Charles Nicolle. Le docteur Féré marquait sa fidélité à La Normandie médicale. Il devenait membre de son comité de rédaction avec son ami l’aliéniste Jules Séglas (1856-1939). Séglas était né dans l’Eure et avait été interne dans les hôpitaux de Rouen. Les réseaux médicaux rouennais avaient joué un rôle de premier plan dans l’émergence de la psychiatrie française pour son institutionnalisation lors de son premier congrès national tenu à Rouen en août 1890.

38Si Charles Féré faisait sa carrière médicale en tant que médecin parisien, ses liens avec le corps médical haut-normand n’étaient jamais oubliés. Il avait su dès sa formation initiale les utiliser de façon judicieuse. En 1897, il adhérait officiellement à la Société de médecine de Rouen. Sa candidature avait été présentée par Raoul Brunon. Il léguait, les dix dernières années de sa vie, entre 1897 et 1907, quasiment toute sa bibliothèque à l’École de médecine de cette ville, soit environ 2000 ouvrages, traités, articles, thèses de médecine, dictionnaires et mélanges. Son ambition était de renforcer au sein de l’École rouennaise, parmi les professeurs et les étudiants, son groupe d’élèves et d’amis. Cette préoccupation existait déjà aux débuts de sa vie parisienne. Dès 1887, le normand Charles Bataille, de Déville-lès-Rouen, réalisait une thèse remarquée à la faculté de médecine de Paris sous la direction du « maître » Féré. Elle avait pour thème Traumatisme et névropathie. De plus, le docteur Féré conservait des liens tenaces avec les anciens élèves du lycée de Rouen. Il participait activement à la constitution de la filiale de l’association des anciens élèves à Paris. Elle regroupait jusqu’à 150 membres : des médecins mais aussi des hommes de lettres. Parmi les plus célèbres, l’écrivain Hector Malot (1830-1907). En 1906, s’y était adjoint un « demi-rouennais », le psychologue Henri Beaunis (1830-1921) [60].

Le témoignage des contemporains entre oubli, « critique » et reconnaissance

39Charles Féré décédait le 22 avril 1907 [31, 52]. Les premiers hommages français étaient rendus lors d’une sobre cérémonie funéraire organisée dans l’église Saint-Honoré d’Eylau de Paris par Maurice Letulle (1853-1929), de la Société médicale des Hôpitaux de Paris, et le nosologiste hors pair Philippe Chaslin (1857-1923) [26]. Ils étaient poursuivis dans la petite commune normande d’Auffay où le docteur était enterré par ses amis [62]. Au fait de sa carrière médicale, le médecin avait pu s’enorgueillir d’avoir été parmi les grands aliénistes à avoir compté pour l’exposition universelle de 1889 au Champ de Mars, au Trocadéro et sur l’esplanade des Invalides. Dans le pavillon attribué aux travaux des médecins de la capitale, les 32 351 000 visiteurs français et étrangers pouvaient comptabiliser ses plus brillantes recherches entre la tour Eiffel, l’éclairage à l’électricité et l’exposition d’un village africain [50]. En 1907, le sort réservé dans la presse nationale à ce pionnier de la psychiatrie et de la psychologie françaises était étonnant : aucun article remarquable. Celui qui avait rencontré, pour ses travaux, Pathologie des émotions [34], Monsieur de Goncourt (1822-1896) [6], allait même subir, quelques années plus tard, l’acrimonie d’un ancien interne en médecine proche puis opposant farouche de Charcot, un ami de Charles Nicole, Léon Daudet. Ce familier de la Salpêtrière et des milieux littéraires parisiens dressait du psychologue un portrait corrosif : « sommaire, taciturne, brutal », « colosse velu », « Huron rempli de lectures », « dévot du néant », « servant du matérialisme [46] » [20] !

40Le docteur Féré paraissait mieux compris dans les pays anglo-saxons. Peu après son décès, les médecins britanniques publiaient une notice nécrologique élogieuse dans le British Medical Journal. Les professeurs, les étudiants et les médecins de Rouen étaient offusqués de la brusque amnésie des milieux scientifiques parisiens. Les idées défendues par le docteur Féré en matière d’hérédité et d’eugénisme auraient pu l’expliquer [4, 30]. Mais au tournant du siècle, elles furent, paradoxalement, couramment admises au sein du monde médical français. Ainsi, elles étaient partagées par Charles Richet nommé prix Nobel de médecine en 1913. Cette interprétation réduirait donc de façon trop caricaturale le personnage. Elle minimiserait l’écho rencontré par ses recherches et leur large réception de son vivant. Vingt-cinq ans après sa disparition, en 1932, les travaux de sexologie du docteur Féré étaient traduits aux États-Unis. C’est dire sa postérité outre-Atlantique complètement oubliée en France ! Au début du XXe siècle, le corps médical normand tentait de conserver l’essentiel des archives du savant. Un rapport pour le Musée et la bibliothèque de l’École de médecine de Rouen, année 1905-1906, avait spécifié : « parmi les donateurs […] Monsieur le docteur Charles Féré qui a continué comme les années précédentes ses envois de livres ». Depuis plusieurs années, le docteur Féré avait fait partager sa « générosité » et le fruit de sa carrière à la bibliothèque communale d’Auffay qu’il avait contribuée à fonder. Il avait reçu, dès 1903, les remerciements du maire et du conseil de la commune « à l’unanimité ». Le mois suivant son inhumation, sa femme faisait un don de 110 volumes et 20 brochures au bourg du Pays de Caux [58]. Lorqu’elle décédait le 8 septembre 1913, elle léguait 20 000 francs ainsi que « tous les livres et tous les manuscrits de son mari » à l’École de médecine de Rouen. Depuis avril 1907, étudiants et professeurs s’étaient efforcés de rassembler les ouvrages ponctuant le parcours « extraordinaire » du médecin non sans bévues : des dédicaces ont été découpées des livres légués !

Conclusion

41La carrière du docteur Féré était exemplaire. Malgré les articles dans les journaux locaux et le nom d’une rue qui lui avait été dédiée dans son village natal, il risquait de rester méconnu. Or, les cercles médicaux rouenno-havrais participaient depuis longtemps à l’essor de la médecine mentale française. Ils avaient voulu conserver un maximum de ses archives personnelles.

42Au moment de la spécialisation croissante des « sciences humaines », ils se devaient de rappeler qu’ils avaient propulsé, dans le dernier quart du XIXe siècle, le « lauréat » de l’École de médecine de Rouen au cœur de la psychiatrie et de la psychologie françaises.

Références

  • Ouvrages généraux

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  • Articles spécialisés

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      Séglas J, Féré C. In : L’Informateur des aliénistes et des neurologistes. 10 mai 1907 : 153 ; (2).
  • Principaux ouvrages et articles du docteur Féré

    • 32
      Féré C. Le magnétisme animal. Paris : Alcan, 1887 ; (avec A. Binet).
    • 33
      Féré C. Dégénérescence et criminalité, essai physiologique. Paris : Alcan, 1888.
    • 34
      Féré C. La pathologie des émotions : études physiologiques et cliniques. Paris : Alcan, 1892.
    • 35
      Féré C. La famille névropathique : théologie tératologique de l’hérédité et de la prédisposition morbides et de la dégénérescence. Paris : Alcan, 1894.
    • 36
      Féré C. L’instinct sexuel, évolution et dissolution. Paris : Alcan, 1899.
    • 37
      Féré C. La médecine d’imagination. Progrès Médical 1884, 1886.
    • 38
      Féré C. Charcot et son œuvre. Revue des Deux Mondes, 1894.
    • 39
      Féré C. L’hérédité morbide. Revue des Deux Mondes, 1894.
    • 40
      Féré C. Contribution à l’étude du choc moral chez les enfants. Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, 1894.
    • 41
      Féré C. Civilisation et névropathie. Revue Philosophique de la France et de l’Etranger, 1896.
  • Témoignages des contemporains (souvenirs, archives, dictionnaires, journaux et revues)

    • 42
      Annales Médico-psychologiques, 28 mai et 25 juin 1883.
    • 43
      British Medical Journal, 1907, n° 1.
    • Carbonel F. Le docteur Féré (1852–1907) : une vie, une œuvre, de la médecine aux sciences sociales. L’Information Psychiatrique 2006 ; 82 : 59-69
    • 44
      Catalogues dactylographiés : A Charles Féré.
    • 45
      Daudet L. Souvenirs et polémiques. Paris : R. Laffont, 1992.
    • 46
      Daudet L. Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux de 1880 à 1905, 1915. Paris : Rééd. Livre de Poche, 1968.
    • 47
      Dictionary of Philosophy and Psychology. New York, London, 1905.
    • 48
      Dossier 92 N (Bibliothèque municipale de Rouen).
    • 49
      Fichiers d’Etat civil (Commune d’Auffay, 1851-1852).
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      Index bibliographique des ouvrages. Exposition universelle de 1889. (Bibliothèque Interuniversitaire de médecine).
    • 51
      Janet P. Les médications psychologiques : études historiques, psychologiques et cliniques sur les méthodes de la psychotérapie. Paris : Alcan, 1919, 2 vol.
    • 52
      Journal de Rouen, 25 avril 1907.
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      Journal of Society For Psychical Research. 1885 à 1891.
    • 54
      La Normandie Médicale, 1er décembre 1897, 15 janvier 1907, 15 août 1909, 15 octobre 1913.
    • 55
      La République Française. La Famille névropathique, 1er avril 1884.
    • 56
      Le beau parterre médical français au temps du baobab Charcot, Mémoires de Charles Nicolle. Souvenirs. Manuscrit dactylographié.
    • 57
      Legendre P. Du quartier latin à l’Académie-Réminiscences. Paris : Charles Bouchard, 1930.
    • 58
      L’Impartial de Dieppe, 8 juin 1907.
    • 59
      Livre d’Or des anciens élèves du Lycée Corneille de Rouen.
    • 60
      Notre Vieux Lycée, Journal des Anciens élèves du Lycée Corneille (1906-1909).
    • 61
      Oursel N. Nouvelle Biographie Normande, Supplément. Rouen, 1912.
    • 62
      Séance du Conseil municipal d’Auffay du 28 août 1903.
    • 63
      The Complete psychological works of Sigmund Freud, 1974, 24 vol.

Mots-clés éditeurs : sciences humaines, histoire, névropathie, psychologie expérimentale, psychanalyse, psychiatrie, hypnotisme, criminologie

Date de mise en ligne : 22/02/2014

https://doi.org/10.3917/inpsy.8201.0059

Notes

  • [*]
    Doctorant en histoire, université de Rouen, 29, rue Blanqui, 76000 Rouen, France. <frederic.carbonel@wanadoo.fr>
  • [1]
    Fonds anciens de la bibliothèque de l’université de Rouen, section médecine : Fonds Féré (plus de 240 ouvrages inventoriés). Fonds iconographiques du musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen.
  • [2]
    Hôpital de la Salpêtrière, Paris 13e.
  • [3]
    Le portrait fut légué, avec une photographie du docteur Féré dans son laboratoire de Bicêtre, au musée Flaubert et d’Histoire de la médecine de Rouen. Moïna Binet, née Allard à Marseille, débuta au Salon parisien de 1877. Son portrait du docteur Féré (signé de l’artiste sans date) a sans doute été réalisé au cours des années 1880-1890.
  • [4]
    Lettre 20 : Gabriel Tarde à N. Colajanni (Sarlat, 29 février 1889).
  • [5]
    Benjamin Ball (1833-1893) fut nommé, sous la IIIe République, en 1877 à la première chaire des maladies mentales et de l’encéphale de la Faculté de médecine de Paris.
  • [6]
    « Déraciné depuis plus de 30 ans de sa terre normande et transplanté à Paris, il ne parlait qu’avec une certaine émotion de la Normandie, de Rouen et de l’école où il avait commencé ses études » précise un des catalogues consacrés au médecin.
  • [7]
    En 1888, la Société ne regroupait que 150 psychiatres pour une population française estimée à 37 millions d’habitants.
  • [8]
    Parmi eux avant Féré : Pinel (1745-1826), Esquirol (1772-1840), Foville père (1799-1878), Baillarger (1809-1890), Legrand du Saulle (1830-1886).
  • [9]
    Paul Legendre poursuivait sa description du médecin ainsi : « Ce grand diable (j’entends celui de la Salpêtrière) cachait sous sa rudesse phlegmatique une raillerie narquoise et les assistants ne s’ennuyaient pas ».
  • [10]
    Franz-Anton Mesmer (1734-1815) : médecin magnétiseur suisse.
  • [11]
    Louis Boucher fut interne en médecine à Paris dans les services de l’hôpital Sainte-Anne puis de la Salpêtrière. Il était l’auteur d’une thèse sur l’Histoire de la Salpêtrière de sa fondation à Pinel.
  • [12]
    Armand Laurent fut nommé médecin-adjoint à l’asile des Quatre Mares en 1860 puis collaborateur du docteur Morel à Saint-Yon. Membre de la Société Libre d’émulation de Rouen, il fit des conférences, de 1883 à 1886, sur les ouvrages du philosophe Théodule Ribot. Elles avaient pour thème les principaux ouvrages du philosophe : Les maladies de la mémoire, Les maladies de la volonté et Les maladies de la personnalité.
  • [13]
    « Il ne faut pas croire que pendant cette période tous les observateurs aient été forcés de se rattacher aveuglément soit à l’école de la Salpêtrière, soit à l’école de Nancy. J’ai déjà signalé vers 1880 les débuts d’une troisième école que l’on pourrait appeler l’école de Charles Richet si ses membres n’avaient pas eu toujours autant d’indépendance. On peut rattacher à cette école les noms de Myers […], de Beaunis, de Binet, de Féré. » écrivait Pierre Janet en 1919.
  • [14]
    Étude de la « personnalité » par la forme des crânes et les altérations du cerveau.
  • [15]
    Ces convictions furent fortement caricaturées par le pamphlétaire de l’Action française Léon Daudet : « L’aliéniste Féré était […] un joli exemple de primaire, tatoué de connaissances anatomo-pathologiques ».
  • [16]
    La « Sociologia criminale ». Communication faite à la Société d’anthropologie de Bruxelles le 24 septembre 1894.
  • [17]
    Lettre du professeur A. Grafé du 4 novembre 1889.
  • [18]
    Les théories évolutionnistes du philosophe anglais Herbet Spencer (1820-1903), diffusées parallèlement à celles de Darwin, influençaient considérablement la biologie, la sociologie et la médecine mentale européenne au XIXe siècle.
  • [19]
    Ses premiers articles parus dans les Archives de neurologie datent de 1884.
  • [20]
    « L’aliéniste Féré […] ânonnait le syllabaire de la Salpêtrière, sans y changer un mot. Je plains les malheureux déments qui sont depuis tombés sous sa coupe, qu’il a camisolés, gavés, trempés dans l’eau froide ou chaude, nourris de morphine et de bromure, soumis aux exercices fallacieux qui sont d’usage dans les maisons de fous », écrivait Léon Daudet en 1915.

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