Notes
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SHU de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, 270 boulevard de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille
<clancon@mail.ap-hm.fr>
1Il est inacceptable qu’aujourd’hui la psychiatrie traite seulement la maladie mentale elle-même et non ses conséquences. Le handicap psychique est la conséquence de la maladie et dépend de l’intégration (ou de la nonintégration) de la personne malade, notamment dans les domaines du lieu de vie, du travail et des loisirs. La psychiatrie doit faire tout son possible pour prévenir et réduire ce handicap.
2Depuis une vingtaine d’années, des modules de réhabilitation et de développement des compétences sociales ont été mis au point [21]. Ils couvrent certains domaines de la réhabilitation, de l’hôpital psychiatrique à la vie indépendante, en passant par des structures intermédiaires. Ainsi, de tels modules couplés aux progrès pharmacologiques ont permis d’améliorer la qualité de vie des patients [24]. Les personnes malades traitées par antipsychotiques et ayant suivi ces programmes ont montré par exemple une bonne observance de leur traitement, une meilleure alliance thérapeutique et un bon niveau de compréhension de leur maladie. Ces progrès ont entraîné une amélioration générale de leur état [24]. Cependant, les problèmes liés à l’exclusion de la vie sociale, à la perte d’autonomie, à la solitude et à la stigmatisation de la maladie mentale sont peu pris en compte dans ce type de prise en charge alors que la souffrance qu’ils engendrent est pourtant bien présente [25].
3Pour toutes ces raisons, nous avons développé un programme psychoéducatif destiné à aider la personne souffrant de schizophrénie : le programme de renforcement de l’autonomie et des capacités (Pracs). L’idée était d’imaginer un programme permettant aux patients de trouver des solutions aux problèmes concrets de leur vie quotidienne et de les accompagner dans la réalisation de projets personnalisés. Ainsi, le Pracs a été défini comme ayant pour objectif principal d’amener les patients à retrouver un niveau d’autonomie compatible avec une vie sociale et relationnelle satisfaisante. Nos diverses expériences professionnelles et connaissances cliniques, l’ensemble des problématiques quotidiennes soulevées par les patients que nous suivons chaque jour dans le service et un important travail de recherche nous ont permis de mettre sur pied une première version test du Pracs [10, 13, 15, 20, 26, 31].
4Un des intérêts principaux du Pracs est la prise en charge mixte qu’il propose (basée sur du soutien individuel de projets et de psychoéducation de groupe). Cela évite ainsi toute forme de « placage », souvent reprochée aux programmes psychoéducatifs. De plus, les différents enseignements proposés dans le Pracs s’appuient sur des techniques d’apprentissage (résolution de problème, jeu de rôle…) fortement inspirées des techniques de remédiation cognitive, lesquelles stimulent les capacités mnésiques, attentionnelles et exécutives des patients. Ainsi, l’alliance de la psychoéducation et de la remédiation cognitive doit favoriser l’acquisition de compétences sociales et donc le niveau d’autonomie.
5Nous exposerons les principes de la psychoéducation et de la remédiation cognitive, qui sont la base de la réhabilitation psychosociale proposée aux patients psychotiques. Ensuite, nous présenterons le Pracs, son contenu, son fonctionnement et ses objectifs.
Remédiation cognitive
6Depuis les années 1980, le mouvement de réhabilitation cognitivocomportementale n’a cessé de se développer. À côté de l’entraînement aux habiletés sociales et des thérapies cognitivocomportementales, la remédiation cognitive et la psychoéducation des patients et de leur famille occupent désormais des places à part entière.
7Dès lors, l’existence d’un programme thérapeutique tel que le Pracs (basé sur les techniques de la psychoéducation et de la remédiation cognitive) doit faciliter le processus de réhabilitation psychosociale.
8Les troubles cognitifs sont particulièrement fréquents au cours de la schizophrénie [7] (85 % des cas) ; ils existent dès la phase prodromique [30], sont corrélés au pronostic fonctionnel et peu contrôlés par la pharmacothérapie. Enfin, ils limitent l’impact des stratégies thérapeutiques. Un grand nombre d’études [9] décrivent un déficit cognitif assez global, d’intensité fluctuante selon les patients, prédominant sur l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire verbale, fonctions impliquées dans les capacités d’apprentissage et le fonctionnement psychosocial.
9La remédiation cognitive consiste à restaurer ou à développer une fonction défaillante. Plusieurs approches sont utilisées : l’entraînement par stimulation générale avec des exercices répétés, la réorganisation fonctionnelle avec le développement de capacités alternatives (comme par exemple l’utilisation de la mémoire visuelle quand la mémoire verbale est défaillante, l’imagerie mentale), l’apprentissage en exploitant de façon optimale les fonctions résiduelles.
10Trois programmes de remédiation sont actuellement sur le devant de la scène :
- l’IPT de Brenner [2], programme intégratif dont le premier module est consacré à la remédiation cognitive, les autres étant consacré à aux compétences sociales ;
- le Reha-Com de Cochet [5], programme de traitement assisté par ordinateur, qui vise à stimuler l’attention, la mémoire, le raisonnement logique, l’attention spatiale et les capacités de réaction
- le Reco (S) de Vianin [27], programme développé à partir de la cognitive remediation therapy de Delahunty et Morice [8].
11Différentes études suggèrent l’intérêt de ces thérapies de remédiation cognitive chez des patients souffrant de schizophrénie [16]. En effet, la plupart des résultats déficitaires aux tests de l’attention, de la mémoire et des fonctions exécutives avant le début de la prise en charge sont mieux réussis après la phase de remédiation cognitive (8 mois plus tard environ).
12Les mécanismes d’amélioration cognitive ne sont pas élucidés à l’heure actuelle mais ils pourraient résulter d’une réorganisation de fonctions cérébrales spécifiques.
13Des études contrôlées sont nécessaires pour valider l’intérêt de ce type de prise en charge. On doit aussi s’intéresser à la question de la généralisation des acquis (repérés à travers les épreuves neuropsychologiques) aux domaines de la vie quotidienne, laquelle semble encore trop souvent modeste.
Psychoéducation des patients et de leur famille
14Actuellement, il existe des programmes psychoéducatifs bien codifiés et présentés sous forme de manuels pour les patients et les thérapeutes. Les modules adaptés en français couvrent les domaines suivants : éducation au traitement neuroleptique, gestion des symptômes, travail et recherche d’emploi, loisirs, et un programme spécifique pour la famille et les proches de la personne souffrant de schizophrénie.
Psychoéducation des patients
15Des patients bien informés sont plus motivés pour accepter un traitement à long terme. Un autre avantage des groupes psychoéducatifs est de permettre aux participants de partager leurs vécus émotionnels et de s’entraider pour résoudre certains problèmes. Parmi les programmes mis en place dans notre service depuis une dizaine d’années, Éducation au traitement neuroleptique (ETN) et Éducation au contrôle des symptômes (ECS) de Liberman [21, 22] prouvent leur efficacité quant à l’alliance thérapeutique et l’amélioration de la qualité de vie des patients qu’ils engendrent.
• Éducation au traitement neuroleptique (ETN)
16Ce module a été le premier créé par le programme Habiletés de vie sociale et indépendante de R.P. Liberman à Los Angeles. Il vise à rendre les patients plus responsables et actifs dans la gestion de leurs traitements et à augmenter leurs compétences et leurs adhésions. Les patients apprennent notamment à faire face aux effets secondaires et à collaborer avec leur médecin pour obtenir le maximum d’avantages et le minimum d’inconvénients de leur traitement. Ce module est divisé en quatre domaines d’apprentissage visant à l’acquisition de connaissances et d’habiletés spécifiques.
• Éducation au contrôle des symptômes (ECS)
17Ce module apprend aux patients souffrant de schizophrénie des méthodes pour réduire la fréquence ou la gravité des rechutes et pour mieux contrôler l’impact des symptômes persistants sur la vie quotidienne. Les patients apprennent à reconnaître les signes précurseurs de l’apparition de symptômes, à chercher de l’aide auprès des professionnels de santé, à identifier les symptômes persistants, à apprendre des stratégies pour réduire leurs impacts sur la vie quotidienne et à comprendre les dangers de la consommation d’alcool et de drogue.
18Dans ces modules, tous les aspects de la maladie sont expliqués de manière claire et détaillée afin que les patients et leurs familles comprennent la maladie et son traitement.
19D’autres programmes, moins utilisés en France, s’intéressent plus particulièrement à développer les compétences sociales du patient. Il s’agit des modules :
- Compétences élémentaires à la conversation [22]. Ce programme est conçu pour apprendre aux patients les habiletés sociales nécessaires pour commencer, maintenir et terminer adéquatement une conversation ;
- Évaluation et entraînement à la résolution de problèmes interpersonnels [12]. Le groupe d’entraînement à la résolution de problèmes vise à enseigner à des patients psychiatriques une méthode pour résoudre les situations interpersonnelles problématiques qui surviennent dans la vie de tous les jours.
- Jeu Compétence [11]. Ce jeu facile à utiliser permet de familiariser les patients à l’entraînement des habiletés sociales. Il requiert un minimum de quatre joueurs dont un professionnel.
20Ces programmes durent de 4 à 6 mois, à raison de deux séances d’une heure et demie par semaine. Ils contribuent à une meilleure compréhension de la part de toutes les personnes concernées par la maladie, de ses causes, de sa forme, de son traitement et de ses conséquences sur le quotidien.
Psychoéducation des familles
21La famille du patient constitue un partenaire essentiel de l’équipe soignante pour la réussite d’un programme de réadaptation sociale. Mais elle peut être débordée par le fardeau émotionnel que représente la présence au domicile de l’un des siens souffrant de schizophrénie. Le stress engendré par ces relations difficiles peut entraîner des rechutes chez le patient. Le programme Pro-famille [6] permet alors aux soignants de travailler avec la famille pour l’aider à restaurer l’alliance thérapeutique, réduire les tensions intrafamiliales et mieux gérer les situations conflictuelles entre proches. Il fournit aux familles l’ensemble des informations nécessaires à une connaissance adéquate de la schizophrénie et de ses différentes formes de traitement ainsi qu’au développement des habiletés de vie et répond au besoin d’échange et de soutien de ces familles.
Limites des programmes psychoéducatifs
22Ces programmes ont montré leur efficacité et on a pu constater, chez les patients les ayant suivis, une bonne observance de leur traitement, une meilleure alliance thérapeutique, un bon niveau de compréhension de leur maladie [24] et une baisse du taux de rechute [14].
23La plupart de ces programmes s’intéressent spécifiquement à la maladie et ce qui s’y rattache (le traitement, les symptômes, l’alliance thérapeutique, les habiletés de communication pour le patient et sa famille…). Par ailleurs, la vie quotidienne des patients n’y est pas concrètement abordée. De plus, toutes les séances se font en groupe et aucune prise en charge individualisée n’est proposée, ce qui, selon nous, n’incite pas réellement les patients à construire des projets dans leur vie de tous les jours.
24Face à ces limites, il était important de mettre en place une prise en charge orientée sur la réalisation sociale et personnelle des patients basée sur un suivi individuel et des séances de groupe. Ainsi, on donne un enseignement et on fournit des informations quand on est en groupe et on retravaille les différents acquis en individuel à travers des projets personnels.
25Un programme tel que le Pracs offre, une fois la maladie comprise et acceptée, la possibilité de retrouver une vie en dehors de l’univers psychiatrique et un minimum d’autonomie.
Le Pracs
26Le Pracs est destiné à aider les patients à trouver des solutions concrètes aux problèmes de la vie quotidienne, à les amener à un niveau d’autonomie sociale satisfaisant. Son intérêt porte sur le lien qui existe entre ce qui est travaillé en séances thérapeutiques et la vie au quotidien, ce qui renforce l’estime de soi et le sentiment de responsabilité. Il s’adresse à des patients souffrant de schizophrénie présentant une symptomatologie stabilisée. Il est également intéressant pour d’autres patients psychiatriques intégrés dans un programme de réhabilitation.
Les quatre domaines de compétence sociale travaillés
27Le Pracs aide les personnes à repérer, dans certains domaines de leur vie quotidienne, ce qui ne les satisfait pas et qui fait obstacle à leur autonomie. Ainsi, il s’agit de repérer les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés dans quatre domaines de compétence sociale spécifiques puis d’y apporter des solutions efficaces permettant de les surmonter. Le Pracs s’articule autour de quatre domaines de compétences sociales :
- Gérer son argent. Ce domaine de compétence vise à apprendre aux participants à gérer un budget, à avoir de meilleures notions du coût de la vie, à augmenter leurs connaissances sur leurs droits et devoirs financiers. Des renseignements quant aux documents administratifs (technique d’archivage, durée de conservation des différents documents…) sont également dispensés.
- Gérer son temps. Ce domaine de compétence vise à apprendre aux participants à mieux gérer leur temps au quotidien. L’objectif est de leur faire prendre conscience de certains déséquilibres (périodes de creux, d’ennui) pouvant apparaître dans leurs journées et de certains impératifs à respecter (être à l’heure aux rendez-vous, payer ses factures dans les délais…).
- Développer ses capacités de communication et ses loisirs. Ce troisième domaine de compétence vise à renforcer les habiletés sociales et relationnelles des participants, à proposer un cadre pour mettre en place des sorties sans l’intervention du personnel soignant ou thérapeutique, à amener les participants à s’inscrire dans une activité enrichissante sur le plan personnel et à orienter certains d’entre eux (ceux pour lesquels cela est possible et souhaitable) en dehors du milieu psychiatrique.
- Améliorer sa présentation. Ce domaine de compétence vise à apprendre aux participants à améliorer leur présentation. Le travail est axé sur l’hygiène, la tenue vestimentaire et la posture. En effet, la stigmatisation de la maladie passe, entre autres, par l’image que l’on renvoie aux autres. Cette stigmatisation « surajoutée » est un obstacle de plus à franchir en termes de réhabilitation psychosociale. Ce domaine permet aux participants de réfléchir sur les codes sociaux liés à « la présentation » et sur la nécessité d’adapter cette dernière aux circonstances de la vie.
28Le Pracs doit permettre aux participants de gagner en autonomie à l’intérieur de chacun de ces quatre domaines de compétence. L’objectif est de leur faire prendre conscience de certaines améliorations possibles dans la gestion de leur argent, de leur temps, dans leurs activités de loisirs et capacités de communication et dans leur présentation. Un des intérêts du Pracs est que c’est un programme basé sur une psychoéducation de groupe (où l’on fait l’apprentissage de diverses techniques et supports nécessaires à l’autonomisation) et sur une prise en charge individuelle (où l’on travaille des objectifs personnels à chacun des participants, prenant en compte les possibilités et les envies des personnes).
Déroulement
29Les quatre domaines de compétences sont travaillés en individuel avec, pour chaque participant, des objectifs personnels à atteindre et en groupe selon plusieurs techniques d’apprentissage (résolution de problèmes, jeux de rôle, prescription de tâches hors séance…).
30Les groupes, de 4 à 8 participants, sont animés par deux animateurs qui se partagent à tour de rôle (une séance sur deux) la fonction d’animateur et de co-animateur. L’animateur est celui qui anime la séance et qui doit favoriser les échanges, l’interactivité, l’entraide et la convivialité au sein du groupe. Le co-animateur a un rôle de soutien auprès de l’animateur et n’intervient pas (ou très peu) verbalement lors de la séance. Il doit écrire sur le tableau les points importants soulevés par l’animateur et être proche des participants.
31Un support d’animation, le Manuel de l’animateur, est destiné aux deux animateurs et sert de guide pour le déroulement de chaque séance.
32Le Pracs est composé d’une trentaine de séances. À raison de deux par semaine (une séance de groupe et une séance individuelle), il s’étend sur 3 à 4 mois. La durée des rencontres est de 2 heures pour les séances de groupe et d’une demi-heure pour la séance individuelle. Sont également prévues, à la fin du module, des séances de rappel à raison d’une rencontre en groupe tous les 6 mois pendant 2 ans.
33Le contenu de chaque domaine de compétence se déroule selon le même principe. Lors d’une première séance, les participants sont reçus par un des deux animateurs en individuel pour identifier, par le biais de questions prédéfinies, les acquis et les déficits (selon le domaine de compétence travaillé), les objectifs, obstacles et solutions à envisager. Puis alternent 5 à 6 séances en individuel ou en groupe.
34Les séances de groupe permettent aux participants d’acquérir des savoir-faire par le biais des techniques d’apprentissage telles que les jeux de rôle, les tâches hors séance, les exercices. C’est aussi à l’occasion des séances de groupe qu’un certain nombre d’informations utiles, relatives au domaine de compétence en cours, sont données et qu’il est possible de discuter à bâtons rompus des différents sujets abordés.
35Les séances individuelles permettent aux participants de travailler leurs objectifs personnels à partir de tout ce qu’ils ont pu retirer des séances de groupe et des activités effectuées. On peut définir un ou plusieurs objectifs par participant pour chacun des domaines de compétence abordés. Lors de ces séances, il est possible de revenir sur les difficultés rencontrées au cours des séances précédentes.
36C’est le même animateur qui suit en individuel les participants qu’il a reçus lors de la première séance d’entretien, tout au long du domaine de compétence. Les objectifs fixés doivent être établis en fonction du niveau de chacun des participants et doivent être réalisables. Il est clair que ce n’est pas en quatre séances que l’on trouve des solutions miracles. Un patient sous tutelle ne deviendra pas autonome financièrement après avoir suivi le Pracs mais pourra par exemple avoir de meilleures notions du coût de la vie, avoir une meilleure connaissance de ses ressources et de ses dépenses, même si elles sont gérées par la tutrice.
37Les séances de soutien sont des séances individuelles en plus.
38Pour qu’un domaine de compétence travaillé soit considéré comme acquis pour chaque participant, il faut que les animateurs estiment que les applications des apprentissages sont bien mises en place au quotidien et que les objectifs sont atteints (ou en bonne voie de l’être). Si ce n’est pas le cas à la fin des séances prévues, on ajoute autant de séances individuelles qu’il est nécessaire par participant (c’est du cas par cas) en dehors des séances de Pracs. L’animateur qui suit le participant en individuel organise des séances de soutien afin qu’il puisse atteindre son (ou ses) objectif(s) et commencer, en même temps que les autres participants, le domaine de compétence qui suit.
Impact sur le quotidien des patients
39Les quatre domaines du Pracs ont une influence sur la qualité de vie des participants à différents niveaux.
- le domaine 1 permet d’être plus indépendant au niveau économique, ce qui peut amoindrir les tensions familiales et permet de mieux s’organiser pour effectuer certains achats ou projets (voyages, sorties, appartement…) ;
- le domaine 2 améliore le rythme des participants en diminuant les périodes d’ennui et en structurant la journée en différentes périodes ;
- le domaine 3 développe le réseau relationnel et les activités des participants ;
- le domaine 4 favorise la destigmatisation.
40Tout cela améliore donc différentes dimensions de la qualité de vie : l’autonomie, les relations familiales, amicales, le bien être psychologique et l’estime de soi.
41Le Pracs s’appuie sur certaines techniques de remédiation cognitive, utilisées dans les séances de groupe. Par exemple, dans le domaine 2, toute une séance est consacrée au travail de « l’agenda ». Cet outil, utilisé par tout le monde, devient ici un véritable outil de structuration et de planification du temps au quotidien.
42Une étude de validation du Pracs est actuellement en cours. Douze patients (6 hommes et 6 femmes) atteints de schizophrénie selon les critères du DSM-IV ont été recrutés dans le service psychiatrique du Pr Lançon de l’hôpital Sainte-Marguerite (Marseille). Ils sont âgés de 22 à 56 ans et reçoivent tous un traitement antipsychotique de nouvelle génération. Les critères d’exclusion sont une pathologie neurologique actuelle ou passée et/ou une toxicomanie associée.
43Différents tests et échelles sont appliqués aux sujets à deux reprises, avant et après le Pracs (avec 4 mois d’intervalle entre chaque passation). Pour l’évaluation clinique, nous utilisons la PANSS (positive and negative symptoms scale) [17, 18]. Pour l’évaluation cognitive, nous utilisons la batterie de tests suivante : la WMS-R (Wechsler forme révisée) [28], deux subtests de la WAIS-R pour adultes : Codes et similitudes [29], le test de fluence verbale [4], le TMT (trail making test) [23] et le test du D2 (test d’attention divisée) [3]. Pour l’évaluation psychosociale, nous utilisons l’échelle de qualité de vie, la S-Qol [1] et l’échelle d’autonomie sociale [19]. L’objectif est de trouver des différences significatives sur les performances cliniques, cognitives et fonctionnelles entre T0 (avant Pracs) et T1 (après Pracs) pour les participants ayant suivi le programme, en comparaison avec un groupe témoin de patients n’ayant suivi aucun groupe psychoéducatif.
Conclusion
44Les différents groupes de patients avec lesquels nous avons expérimenté le Pracs témoignent de l’influence positive de ce nouveau programme psychoéducatif sur leur état général. Ils manifestent un grand intérêt pour ce type de programme qui fait le lien entre la psychiatrie et la vie quotidienne. Ils apprécient l’alternance de séances en groupe lors desquelles ils reçoivent des informations et des savoirs-faire (qui les aident à développer leur niveau d’autonomie) et les séances individuelles qui leur permettent de faire aboutir des projets de vie. La plupart d’entre eux voient le Pracs comme l’aboutissement d’une prise en charge qui dure pour certains depuis plusieurs années.
45Avec l’étude présentée, nous sommes en train de valider les effets du Pracs sur la symptomatologie, les aspects cognitifs, le niveau d’autonomie sociale et la qualité de vie des patients souffrant de schizophrénie.
46Si les résultats de cette étude s’avèrent concluants, il faudra alors se poser la question d’une généralisation de l’application du Pracs dans la prise en charge des patients inscrits dans un processus de réhabilitation psychosociale.
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Mots-clés éditeurs : programme psychoéducatif, réhabilitation, autonomie, schizophrénie, remédiation cognitive
Date de mise en ligne : 15/02/2014
https://doi.org/10.1684/ipe.2007.0177Notes
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SHU de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, 270 boulevard de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille
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