Couverture de INPSY_8607

Article de revue

Une conception élargie du rétablissement

Pages 579 à 589

1Le traitement des troubles psychiatriques représente un des principaux axes d’intervention et de recherche en santé mentale. L’amélioration de la maladie mentale marque le retour progressif à la santé et fait référence à une vision pathogénique qui conçoit la santé mentale en tant qu’absence de psychopathologie. Bien qu’importante, cette vision de la santé mentale demeure incomplète et la précision d’éléments de définition, allant au-delà de l’absence de la maladie et mettant en relief la notion de bien-être, a été l’objet d’importants travaux scientifiques depuis plus de 60 ans [1]. De récentes synthèses sur ces travaux [2, 3] ont proposé de découper le bien-être subjectif en une dizaine de dimensions clés (tableau 1), et des analyses factorielles ont confirmé leur répartition en deux grandes composantes, le bien-être émotionnel et le fonctionnement positif, et cela autant chez les adultes [4] que chez les adolescents [5, 6]. Alors que le bien-émotionnel (ou hédonie) correspond à des sentiments positifs à l’égard de la vie, comme la perception de satisfaction ou de bonheur dans la vie, le fonctionnement positif (ou eudaimonie) se définit par une vie personnelle et sociale qui est enrichissante et bien remplie, aspects relevant du bien-être psychologique et social [7, 8].

Tableau 1

Facteurs et 13 dimensions liés à la santé mentale florissante

Tableau 1
Hedonia (c.-à-d. bien-être émotionnel)Affect positif : intéressé par la vie, de bonne humeur, heureux, plein de vie. Qualité de vie déclarée : plutôt satisfait ou très satisfait de sa vie ou de certains domaines dans sa vie.Fonctionnement psychologique positif (c.-à-d. bien-être psychologique)Acceptation de soi : conserve une attitude positive envers soi-même et accepte la plupart des aspects de sa personnalité. Croissance personnelle : reconnaît son propre potentiel et la possibilité de se développer ; démontre de l’ouverture à de nouvelles expériences. Sens à la vie : donne une direction et un sens à sa vie. Maîtrise de l’environnement : exerce sa capacité à gérer et organiser son environnement pour satisfaire ses besoins personnels. Autonomie : fait preuve d’autodétermination en ayant ses propres standards ; peut résister aux pressions sociales. Relations positives avec les autres : a des relations chaleureuses, satisfaisantes et confiantes ; démontre de l’empathie et est capable d’intimité.Fonctionnement social positif (c.-à-d. bien-être social)Acceptation sociale : garde une attitude positive envers les autres ; reconnaît et accepte les différences chez les autres. Actualisation sociale : croit que les gens, les groupes sociaux et la société ont du potentiel et peuvent évoluer ou se développer positivement. Contribution sociale : voit sa vie comme étant utile à la société et ses activités comme étant appréciées par la société et les autres. Cohérence sociale : s’intéresse à la société et à la vie sociale ; trouve que le monde dans lequel il vit est intelligible, prévisible et signifiant. Intégration sociale : a un sentiment d’appartenance à la communauté ; se sent soutenu par les gens et la communauté.

Facteurs et 13 dimensions liés à la santé mentale florissante

2La santé mentale positive repose sur une vision salutogénique [9] et celle-ci est reflétée dans la définition suivante : « un état de performance réussie de fonction mentale s’exprimant par des activités productives, des relations enrichissantes avec les autres et la capacité de s’adapter au changement et au stress [traduction libre] » [10]. Cette vision positive de la santé mentale est à la base des interventions et de la recherche en promotion de la santé mentale [11]. Dans ce domaine, les mesures utilisées pour évaluer la santé mentale positive varient grandement d’une étude à l’autre [12]. Elles couvrent une ou plusieurs des dimensions représentées dans le tableau 1 et ne retiennent, le plus fréquemment, que des éléments liés au bien-être émotionnel (par ex., satisfaction de vie), ignorant largement l’évaluation du fonctionnement positif. Toutefois, un consensus est en émergence à l’égard de la valeur heuristique du bien-être hédonique et eudaimonique pour davantage structurer et guider les travaux cliniques et de recherche axés sur la promotion de la santé mentale positive [11]. À ce titre, les diverses versions du Mental Health Continuum Form [5, 13] sont de plus en plus utilisées pour évaluer la santé mentale positive ou encadrer le développement de nouveaux outils de mesure [14].

3La conception globale de la santé, reposant sur l’absence de la maladie et la présence de bien-être, remonte à plus d’un demi-siècle [15]. Le manque de repères conceptuels et opérationnels a longtemps freiné l’étude de la santé mentale à partir de cette perspective. Une récente avancée dans ce domaine concerne la proposition de critères spécifiques pour évaluer les états de santé mentale complète, reposant sur la combinaison d’indicateurs de maladie mentale et de santé mentale positive. Cette méthodologie a été développée au cours des dix dernières années dans le cadre d’études se rapportant au modèle de santé mentale complète, ou le modèle des deux continuums [7, 16]. Ces travaux de recherche ont permis, entre autres, de confirmer l’hypothèse de base du modèle, soit la maladie mentale et la santé mentale positive comme représentant deux entités indépendantes.

4Parmi les personnes qui ont des troubles mentaux, un bon nombre d’entre elles sont activement engagées dans la quête d’une vie heureuse, épanouissante et significative, en d’autres mots la recherche d’une santé mentale florissante. Pourtant, la santé mentale positive, définie par le bien-être subjectif, est un aspect du rétablissement qui a été largement négligé de même que les conceptions de la santé mentale qui sous-tendent la compréhension actuelle de cette expérience. Cet article propose une relecture du rétablissement et le redéfinit comme une expérience de santé mentale complète. Un bref aperçu du modèle de Keyes est tout d’abord présenté et l’expérience de rétablissement est ensuite discutée de façon plus détaillée. Les définitions les plus courantes du rétablissement ainsi que l’attention accordée à certaines dimensions de la santé mentale positive dans les écrits sur le rétablissement permettent d’introduire une nouvelle conception de cette expérience. Celle-ci repose sur la complémentarité de deux expériences, soit la restauration à l’égard de la maladie mentale et l’optimisation de la santé mentale positive, et qui font référence à la fois à des aspects processuels et des indicateurs de résultats. Une approche typologique est proposée pour évaluer l’état de rétablissement à partir de la santé mentale complète. Des orientations de recherche sont ensuite suggérées pour stimuler le développement de connaissances sur le rétablissement en tant qu’expérience de santé mentale complète.

Conception élargie de la santé mentale

5Le modèle de santé mentale complète a déjà fait l’objet d’une description détaillée dans d’autres articles [7, 17]. Un bref rappel des indices de mesure de la santé mentale positive et un aperçu global des travaux de validation du modèle sont ici présentés.

Diagnostics de santé mentale positive

6Keyes [2, 5] définit la santé mentale positive comme un syndrome de bien-être subjectif fondé sur des symptômes d’hédonie et d’eudaimonie. Comme en miroir, ils font référence aux deux groupes de symptômes qui sont à la base du diagnostic de l’épisode de dépression majeure dans le DSM-III-R [18], les symptômes d’hédonie de la santé mentale positive correspondant aux indices d’anhédonie de la dépression et ceux d’eudaimonie (fonctionnement positif) au dysfonctionnement (par ex., insomnie).

7Le tableau 1 présente l’ensemble des symptômes qui sont évalués pour poser le diagnostic d’un état de santé mentale florissante. Celui-ci est un des trois diagnostics de santé mentale positive, les autres correspondant à la santé mentale positive modérée et la santé mentale languissante [7, 17, 19]. Le diagnostic de santé mentale florissante est posé lorsqu’un score élevé (« chaque jour » ou « presque chaque jour » durant les deux dernières semaines) est atteint sur au moins une mesure du bien-être hédonique et au moins 6 des 11 mesures du fonctionnement positif. Le diagnostic de santé mentale languissante repose sur la présence d’un score bas (« jamais » ou « une ou deux fois » durant les deux dernières semaines) sur au moins une mesure du bien-être hédonique et au moins 6 mesures du fonctionnement positif. Les personnes qui se situent entre une santé mentale florissante et languissante reçoivent un diagnostic de santé mentale positive modérée.

Validation du modèle de santé mentale complète

8Les données recueillies dans le cadre de la « Study of Midlife in the United State » (Midus) [20] ont largement contribué à la validation du modèle de santé mentale complète. Réalisée en 1995, cette enquête nationale visait à mieux comprendre le développement humain et le vieillissement réussi. Elle reposait sur un échantillon représentatif composé de 3 032 adultes âgés de 25 à 74 ans et résidant dans 48 États.

9Le diagnostic de la maladie mentale a été établi à partir des critères du DSM-III-R et le Composite International Diagnostic Interview Short Form (Cidi-SF) a été utilisé pour évaluer la présence de troubles mentaux au cours des 12 derniers mois. Les indicateurs de maladie mentale comprenaient 4 mesures distinctes, soit le nombre d’épisode de dépression majeure, de trouble d’anxiété généralisée, de trouble de panique et de dépendance à l’alcool. Le diagnostic de santé mentale positive a été établi à partir des critères précédemment introduits et il reposait sur l’utilisation de trois mesures (tableau 1) : l’échelle de bien-être émotionnel (énoncés évaluant la satisfaction dans la vie et les émotions positives), l’échelle de bien-être psychologique (énoncés évaluant chacune des 6 dimensions) et l’échelle de bien-être social (énoncés évaluant chacune des 5 dimensions). Le croisement des diagnostics de maladie mentale et de santé mentale positive a conduit à l’identification de six états de santé mentale complète, soit la présence de maladie mentale jumelée à chacun des 3 diagnostics de santé mentale positive (florissante, languissante, modérée) et un pareil assemblage pour l’absence de maladie mentale.

10Des analyses factorielles confirmatoires ont été effectuées pour vérifier l’indépendance des mesures de maladie mentale et de santé mentale positive, et cela en testant deux modèles. Le premier modèle, à un seul facteur, stipulait que l’absence de maladie mentale impliquait la présence de santé mentale positive, les mesures de maladie mentale et de santé mentale positive représentant un facteur latent unique. Le second modèle, à deux facteurs, suggérait que la santé mentale positive était plus que l’absence de maladie mentale, les mesures de maladie mentale et de santé mentale positive formant deux facteurs latents distincts. Les résultats de l’enquête nationale ont soutenu le modèle à deux facteurs. Comme chez les adultes [16], cette structure a été récemment confirmée chez les adolescents [19].

11Les résultats empiriques ont aussi rapporté une corrélation de - 55 entre le facteur latent de maladie mentale et celui de santé mentale positive. Cela indique que même si la santé mentale positive tend à augmenter avec l’amélioration des symptômes de maladie mentale, l’association demeure modérée. En d’autres mots, l’absence de maladie mentale n’implique pas la présence de santé mentale positive ; et la présence de maladie mentale n’implique pas l’absence de santé mentale positive.

12Les personnes ayant une santé mentale languissante présentaient le taux le plus élevé de prévalence pour n’importe lequel des 4 troubles mentaux ou pour la présence de deux troubles mentaux ou plus. À titre d’exemple, le risque d’épisode de dépression majeure était cinq fois plus élevé chez les adultes ayant une santé mentale languissante que chez ceux ayant une santé mentale florissante. Ce sont ces derniers qui avaient le moins de chances d’avoir un des 4 diagnostics de troubles psychiatriques. Ces résultats soulignent l’importance d’étudier davantage la santé mentale languissante comme un facteur de risque de la maladie mentale.

13D’autres résultats ont exploré la relation entre l’état de santé mentale complète et le fonctionnement psychosocial. Ce dernier était évalué à partir de plusieurs facettes, dont la productivité au travail (mesurée par le nombre de jours au cours du dernier mois où la personne aurait pu travailler ou se voyait comme incapable de travailler en raison de difficultés liées à sa santé mentale), la performance d’activités de la vie quotidienne (par ex., épicerie, nettoyage de la maison) ou l’utilisation des services de santé (par ex., médication, hospitalisations, visites médicales). Parmi les personnes qui n’avaient aucun trouble mental, celles ayant une santé mentale languissante fonctionnaient moins bien que celles ayant une santé mentale positive modérée qui elles, à leur tour, fonctionnaient moins bien que les personnes ayant une santé mentale florissante. De plus, parmi les 23 % qui avaient au moins un des quatre troubles mentaux, les 1,5 % ayant une santé mentale florissante fonctionnaient mieux que les 14,5 % ayant une santé mentale positive modérée, qui elles, à leur tour, fonctionnaient mieux que les 7,0 % ayant une santé mentale languissante. Bref, les personnes qui avaient une santé mentale florissante et aucun trouble mental étaient celles qui fonctionnaient le mieux. En tout dernier lieu, il convient de préciser que l’approche dimensionnelle a aussi été utilisée pour étudier les états de santé mentale complète. Les résultats ont conduit aux mêmes conclusions que celles reposant sur l’approche typologique.

Rétablissement

Introduction

14Le rétablissement est un des principes directeurs qui guident les plans d’action en santé mentale de plusieurs pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre, l’Écosse et les États-Unis [21]. Bien que le rétablissement ne soit pas un concept nouveau en santé mentale, ce qui l’est concerne des éléments différents de définition initialement proposés par les personnes utilisatrices, entre autres dans leurs récits autobiographiques [22], et qui ont ensuite été repris par des chercheurs et cliniciens.

15Deux visions du rétablissement coexistent actuellement et même si l’on insiste sur leur complémentarité, d’importantes tensions continuent d’alimenter le débat en cours. La première vision, ou la traditionnelle, est fondée sur une approche pathogénique, concevant le rétablissement comme une absence de psychopathologie. L’accent est ici mis sur l’évolution du trouble mental, ou du rétablissement, et repose sur l’utilisation d’indicateurs de la maladie mentale, comme ceux évaluant l’état symptomatique ou fonctionnel [23]. Un important objet de controverses demeure le degré de rémission que la personne doit atteindre pour être considérée rétablie. Alors que certains [24] considèrent qu’un état de rémission partielle est suffisant, d’autres soutiennent qu’une rémission totale s’avère nécessaire, associant le rétablissement à la guérison [25].

16La seconde vision met l’emphase sur les transformations positives que vit la personne au fil de son rétablissement ainsi que sur les facteurs environnementaux qui les facilitent ou les entravent. Elle est à la base des définitions proposées par les personnes utilisatrices de services (consumers-oriented definitions) [23] et sous-tend l’expérience de se rétablir « dans » la maladie (recovering “in” mental illness) [26]. Sur le plan individuel, les diverses transformations sont orientées vers un nouveau rapport à la maladie et impliquent un important travail de redéfinition de la relation au soi, aux autres, à la société et à la vie en général [27]. Une des dimensions clés du rétablissement concerne la reconstruction d’une vision fonctionnelle du soi (functional sense of self), reposant entre autres sur la restauration des capacités altérées par la maladie [28]. La recherche de sens dans l’expérience de la maladie et le renouvellement d’un sentiment d’espoir à l’égard d’une évolution positive du trouble mental ou d’une vie meilleure représentent d’autres cibles de transformations [29]. Le pouvoir d’agir (empowerment) face à la maladie est une autre dimension centrale et recoupe plusieurs éléments, dont la motivation, l’autodétermination, le sentiment d’efficacité personnelle ainsi que des stratégies efficaces d’adaptation qui englobent la revendication et la restauration de droits [30]. Au plan environnemental, l’accent est mis sur la lutte contre les préjugés et la discrimination sociale à l’égard de la maladie mentale [31]. De plus, un rapport dynamique entre la personne et l’environnement caractérise cette vision du rétablissement, soulignant l’importance d’intervenir à ces deux niveaux [29]. À titre d’exemple, soutenir la personne dans la restauration de rôles normaux implique également des actions dans le milieu afin de promouvoir l’accès à des ressources et des services dans la communauté (par ex., programmes de soutien à l’emploi, au logement) et d’offrir des arrangements lorsque cela est requis, que ce soit dans le travail ou dans d’autres domaines. Bref, le développement de ressources individuelles et environnementales qui contribue à la prévention des rechutes et à la restauration du fonctionnement psychosocial représente un volet très important de cette seconde vision du rétablissement. Il fait largement écho aux facteurs de protection du modèle de stress-vulnérabilité-compétence [31] et sous-tend une conception pathogénique du rétablissement où la restauration de la santé est vue sous l’angle de la maladie.

17La seconde vision du rétablissement fait aussi allusion à des dimensions qui sont à la base du diagnostic de santé mentale florissante (tableau 1). Une conception salutogénique du rétablissement est donc présente dans les écrits, bien qu’en filigrane. Quelques exemples tirés des domaines de l’instrumentation et de l’intervention sont ici rapportés pour illustrer qu’un resserrement des liens entre le rétablissement et la santé mentale positive est possible, voire prometteur.

Rétablissement et santé mentale positive

18Le concept de santé mentale positive, évalué à partir des conceptions hédonique et eudaimonique du bien-être, n’a pas encore fait l’objet d’études dans le rétablissement. Toutefois, certaines de ses dimensions s’apparentent à différentes facettes du rétablissement qui, elles, ont été mesurées dans le passé. Par exemple, la qualité de vie subjective, ici associée à la satisfaction dans la vie, fait écho au bien-être hédonique et est fréquemment retenue comme mesure du rétablissement dans les études cliniques [32]. Le Recovery Assessment Scale [33] est un autre questionnaire qui est largement utilisé dans les études sur le rétablissement et qui évalue des dimensions centrales de cette expérience, comme la confiance personnelle et l’espoir, l’ouverture à demander de l’aide, l’engagement dans la poursuite de buts, le soutien des autres, et l’absence de la domination des symptômes dans la vie de la personne. Ces facteurs chevauchent plusieurs dimensions de la santé mentale positive, incluant la maîtrise de l’environnement, le sens à la vie, l’autonomie et les relations positives avec autrui (tableau 1). Un dernier exemple de mesure concerne le concept de la croissance post-traumatique [34]. Celui-ci est particulièrement utilisé pour mesurer les changements positifs à l’égard du rapport à soi, aux autres, au monde et à la vie en général qui émergent tout au long du rétablissement [29]. Les trois composantes de la croissance post-traumatique chevauchent les six dimensions du bien-être psychologique [8]. De façon plus spécifique, la première composante, soit le regard porté sur la vie, recoupe les dimensions d’autonomie et de sens à la vie du bien-être psychologique. La seconde composante se rapporte à la perception de soi et reflète trois autres dimensions du bien-être psychologique, c’est-à-dire la maîtrise de l’environnement, la croissance personnelle et l’acceptation de soi. La dernière composante évalue les relations avec autrui et fait écho à la dernière dimension du bien-être psychologique, soit les relations positives avec les autres. Ainsi, cette mesure du bien-être psychologique a ainsi été particulièrement recommandée pour étudier les trajectoires de croissance post-traumatique au fil du temps [35]. Bien que la santé mentale florissante considère le bien-être psychologique comme une dimension importante, elle englobe également d’autres volets positifs de la vie, soit les émotions positives et l’épanouissement l’épanouissement dans la vie sociale (tableau 1).

19Parmi les nouveaux programmes d’intervention orientés vers le rétablissement qui ont été développés au cours de la dernière décennie, certains ciblent des composantes liées à la santé mentale positive. À titre d’exemples, le programme de soutien à la socialisation [36] propose des activités sociales et récréatives qui concourent à la promotion du bien-être émotionnel, comme des sentiments de plaisir, de joie ou de bonheur. D’autres innovations programmatiques s’attardent au bien-être psychologique et offrent des activités thérapeutiques qui visent à promouvoir chacune de ses dimensions (tableau 1). Dans cette optique, un programme d’autogestion combiné à du soutien offert par les pairs a été récemment développé [37]. La Well-Being Therapy [38] est un autre modèle d’intervention axé sur le bien-être psychologique et qui s’adresse aux personnes aux prises avec des dépressions récurrentes. Ce modèle a aussi été utilisé comme guide pour intégrer un volet portant sur la promotion du bien-être psychologique à un programme cognitivo-comportemental visant à contrôler les hallucinations persistantes et à améliorer le fonctionnement psychosocial de personnes ayant la schizophrénie [39]. De plus, le modèle de la Well-Being Therapy s’avère prometteur pour développer des interventions qui ciblent les dimensions du bien-être social chez les personnes en voie de rétablissement, un aspect du fonctionnement positif qui a été négligé jusqu’à maintenant.

20Bien que les écrits sur le rétablissement fassent écho au concept de santé mentale positive, celui-ci demande à être mieux articulé dans le cadre de cette expérience. En tant que cadre intégrateur, le modèle de Keyes offre des bases pour combiner les indicateurs de résultats du rétablissement qui sont liés à la maladie mentale et à la santé mentale positive. Le reste de cet article propose une approche conceptuelle au sein de laquelle la maladie mentale et la santé mentale positive sont vues comme deux cibles complémentaires de rétablissement, la personne ne se rétablissant pas que du trouble mental mais aussi d’une santé mentale languissante.

Rétablissement de la santé mentale complète

21Le modèle des deux continuums [7] permet de revisiter le rétablissement à partir d’une conception élargie de la santé mentale. Il est ici redéfini comme une expérience de santé mentale complète qui est orientée à la fois vers la restauration à l’égard de la maladie mentale et l’optimisation de la santé mentale positive. Respectivement, ces deux volets font référence à des processus et des indicateurs de résultats qui reposent sur une conception pathogénique et salutogénique de la santé mentale. Bien que le modèle de Keyes souligne l’importance d’intervenir sur les facteurs qui contribuent à l’amélioration de la maladie mentale d’une part et à la promotion d’une vie florissante d’autre part, il porte essentiellement sur l’évaluation des états de santé mentale complète. La conceptualisation des deux processus de rétablissement provient d’une relecture des écrits sur le rétablissement et fait ici l’objet d’un bref survol.

22Au plan individuel, le processus de restauration implique l’apprentissage et l’utilisation de stratégies pour gérer les symptômes et diminuer les déficits associés au trouble mental. Un autre volet important concerne la restauration de rôles sociaux et des droits civiques. À cet égard, la primauté de la personne et de ses choix en matière de projets de vie demeure au centre de l’accompagnement, et la reprise de rôles dans des cadres normatifs est vue comme une option et non une obligation [29]. Ce processus repose aussi sur d’importantes transformations subjectives à l’égard du rapport à la maladie, dont la redéfinition du soi, l’appropriation du pouvoir d’agir, l’espoir ou la quête de sens. L’activation du processus de restauration requiert également des interventions qui visent à lutter contre l’exclusion sociale (par ex., accès limité au logement ou au travail) et les représentations sociales négatives à l’égard de la maladie mentale (par ex., préjugés, discrimination). Ce court aperçu reprend donc des éléments de l’expérience positive de la maladie qui ont été précédemment introduits dans le cadre de la seconde vision du rétablissement. Il convient ici de souligner que le processus de restauration déborde du cadre « mécanique » de la réduction de symptômes et de déficits et met également l’accent sur l’expérience subjective à l’égard de la maladie mentale et la mobilisation de ressources dans la communauté pour diminuer l’exclusion sociale.

23Au cours du processus d’optimisation, les personnes développent des moyens pour lutter contre les obstacles qui freinent leur quête de plaisir et de satisfaction dans la vie ainsi que leur participation dans des activités et des rôles qu’elles perçoivent comme enrichissants. Le soutien à la socialisation et la Well-Being Therapy sont des exemples de programmes d’intervention, précédemment introduits, qui concourent à cet apprentissage. Le développement optimal des forces et des talents de la personne fait également partie du processus d’optimisation. Dans ce domaine, d’importants travaux scientifiques ont conduit à l’élaboration d’une typologie détaillée des forces de caractère et d’un questionnaire permettant de les évaluer [40]. Ce dernier a été utilisé, entre autres, pour aider les personnes aux prises avec des troubles mentaux à mieux connaître leurs forces personnelles et l’expérience s’est avérée positive, renforçant leur sentiment de fierté et leur estime de soi [41]. D’autres changements positifs liés au processus d’optimisation visent à promouvoir une vie interpersonnelle florissante [42] et implique le renforcement de compétences et d’attitudes relationnelles (par ex., empathie) ainsi que l’offre d’opportunités pour développer des relations intimes [43]. Des actions axées sur le développement communautaire sont aussi entreprises pour favoriser l’inclusion sociale des personnes ayant des troubles mentaux. Elles font appel à des initiatives visant à favoriser leur accès à des structures participatives, que ce soit dans des ressources en santé mentale ou dans d’autres secteurs, cela contribuant à les soutenir dans leur participation sociale et citoyenne en vue d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble de la communauté [43]. D’autres interventions qui relèvent du domaine de la promotion de la santé mentale sont également pertinentes pour les personnes ayant des troubles mentaux, comme la réduction de la pauvreté ou l’accès à diverses ressources (par ex., éducation, emploi, logement abordable) [11]. Dans le domaine de la réhabilitation psychosociale, le Strengths Model [44] vise à la fois le développement de forces personnelles et environnementales chez des personnes en voie de rétablissement, et bien que son efficacité sur la promotion de la santé mentale positive reste à démonter, il s’avère prometteur.

24De plus, la complémentarité des processus de restauration et d’optimisation souligne l’importance de stratégies qui visent l’amélioration de la maladie mentale et la promotion de la santé mentale positive (tableau 2). Cela requiert le développement de nouveaux modèles d’intervention axés sur la santé mentale complète et suggère un rapprochement entre les approches de traitement ou de réhabilitation sociale d’une part, et de promotion de la santé mentale d’autre part. Toutefois, le programme de soutien à l’emploi [45] est ici digne de mention, ciblant des éléments associés aux deux processus. En effet, ce modèle d’intervention aide la personne à trouver et à garder un travail sur le marché régulier et l’emploi est choisi en fonction de ses aspirations, forces et déficits. Il offre aussi des arrangements, lorsque cela est nécessaire, pour moduler les conditions et le milieu de travail au profil de la personne. Une discussion plus détaillée des stratégies impliquées dans l’activation de l’un ou des deux processus déborde du cadre de cet article et il en va de même des transformations d’ordre personnel et environnemental qui y sont reliées.

Tableau 2

Exemples de stratégies de promotion du rétablissement

Tableau 2
Restauration à l’égard de la maladie mentaleOptimisation de la santé mentale positiveStratégiesAu niveau individuelGestion de la maladie mentalePromotion de la santé mentale positiveRéduction des déficits liés à la maladieDéveloppement de forces personnellesReprise de rôles et d’activitésPerformance de rôles et d’activités enrichissantesAu niveau de la communautéDiminution d’obstacles liés à l’exclusion socialeDéveloppement de forces dans la communauté favorisant l’inclusion sociale

Exemples de stratégies de promotion du rétablissement

États du rétablissement de la santé mentale complète

25Le modèle de Keyes propose d’évaluer les états de santé mentale complète à partir de critères qui permettent de les situer sur deux continuums, soit celui de la maladie mentale et de la santé mentale positive. Cette approche typologique est ici retenue pour offrir une compréhension globale des changements de l’état de santé mentale qui ponctuent la trajectoire non linéaire du rétablissement. Alors que le continuum de la santé mentale positive n’a pas été étudié dans le rétablissement, celui de la maladie mentale a été, entre autres, défini à l’aide de critères pour différencier les personnes rétablies et non rétablies de la schizophrénie [24]. Cette définition opérationnelle du rétablissement repose sur des indices de symptômes et de fonctionnement psychosocial et a été validée dans le cadre de plusieurs études. Elle demeure toutefois la cible d’importantes critiques, en raison de l’évacuation de toute mesure se rapportant à l’aspect subjectif de l’expérience de rétablissement. Cette lacune est ici comblée par l’ajout de la santé mentale positive, ou bien-être subjectif, dans l’évaluation de l’état de rétablissement. Le jumelage des critères de Liberman et Kopelowicz à ceux de Keyes est ici vu comme un premier exercice pour définir le rétablissement à partir d’une vision élargie de la santé mentale.

26En lien avec le modèle de Keyes, deux axes perpendiculaires sont utilisés pour illustrer les variations de la santé mentale complète dans le rétablissement (figure 1). L’axe horizontal comprend deux catégories, être rétabli et non rétabli du trouble mental, référant ici à la schizophrénie. Conformément aux critères de Liberman et Kopelowicz, le point central indique un niveau modéré de symptômes (c.-à-d. la note seuil de 4 sur les symptômes positifs et négatifs évalués à l’aide du Brief Psychiatry Rating Scale) et la restauration de rôles dans un cadre normatif. Concernant ce dernier volet, les personnes qui se situent à la droite du point central travaillent à temps partiel ou à temps plein sur le marché régulier de l’emploi alors que celles se retrouvant à la gauche travaillent dans des milieux adaptés ou sont sans emploi (extrême gauche). D’autres critères précisent que les personnes rétablies vivent de façon autonome, ne demandant aucune supervision, et participent au moins une fois par semaine à des activités sociales ou récréatives où elles sont en contact avec des personnes qui n’ont pas de troubles mentaux. Celles qui ne rencontrent pas ces derniers critères se situent à la gauche du point central. La personne est considérée comme rétablie lorsqu’elle remplit l’ensemble de ces critères pour une période minimale de deux ans et sans interruption. Conformément aux critères proposés par Keyes, l’axe vertical représente le continuum de la santé mentale positive défini à partir de ses trois catégories diagnostiques, soit la santé mentale languissante, modérée et florissante. Le croisement des deux continuums génère six états de rétablissement, mesurés à partir de la santé mentale complète, et ils sont maintenant brièvement abordés (figure 1).

Figure 1

États de rétablissement(*)

Figure 1

États de rétablissement(*)

(*) Rémission partielle ou totale selon les critères de rétablissement proposés par Liberman et Kopelowicz [24].

27Les personnes qui ne sont pas rétablies du trouble mental et qui ont une santé mentale languissante se retrouvent dans le coin inférieur gauche de la figure 1. Leur profil s’apparente à celui documenté dans la phase initiale de rétablissement, correspondant à une vie qui est totalement sous l’emprise du trouble mental [46]. Par rapport au continuum de la maladie mentale, les personnes sont peu motivées à s’engager dans des activités de traitement ou vivent un sentiment d’impuissance face à l’exercice d’un contrôle sur le trouble mental. Certaines d’entre elles sont en déni, alors que d’autres ne se définissent qu’en fonction du trouble mental, les autres aspects du soi étant engouffrés par la maladie [47]. Ces personnes ont aussi tendance à s’isoler et à se sentir déconnectées des autres et de la communauté. Par rapport au continuum de la santé mentale positive, elles errent dans la vie sans but et bien qu’elles soient insatisfaites de leur qualité de vie, elles éprouvent des difficultés à se projeter dans l’avenir. L’idée de s’impliquer dans des nouveaux projets et qui pourraient leur procurer du plaisir et un certain épanouissement leur est étrangère.

28Le profil des personnes qui parviennent à la phase finale du processus de rétablissement, soit vivre au-delà du trouble mental [46], est semblable à celui des personnes qui sont rétablies du trouble mental et qui ont une santé mentale florissante (figure 1). À l’égard du continuum de la maladie mentale, ces personnes vivent une rémission qui est partielle ou totale. Elles ont recours à des stratégies pour prévenir les rechutes de la maladie et leur rôle actif dans la gestion du trouble mental les amène à effectuer d’autres changements dans leur vie, incluant la reprise d’activités et de rôles dans un cadre normatif. À l’égard du continuum de la santé mentale positive, l’engagement professionnel et dans d’autres secteurs (par ex., études, parentalité, loisirs) sont plutôt perçus comme des défis et des voies d’actualisation de leur potentiel [48]. Préserver leur qualité de vie, voire la bonifier, est priorisé ainsi que la recherche de sérénité et de bonheur. Des repères importants dans leurs choix de vie.

29D’autres états intermédiaires émergent du croisement des deux continuums. Parmi les personnes qui ne sont pas rétablies de la maladie mentale (figure 1), le passage d’un état de santé mentale languissante à florissante est possiblement facilité par le développement de forces personnelles et l’offre de soutien pour promouvoir les diverses dimensions de la santé mentale positive (tableau 1). Ce travail de reconstruction amène la personne à miser sur son côté sain, en dépit de la présence de la maladie mentale. À titre d’exemples, des activités artistiques, le bénévolat ou le travail adapté peuvent être des points de départ pour renouer avec des expériences procurant de la distraction, voire du plaisir et de la satisfaction, et favorisant l’émergence d’un sentiment d’épanouissement dans la vie.

30Concernant le continuum de maladie mentale, les personnes qui sont rétablies de la maladie mentale (figure 1) représentent des groupes hétérogènes, allant de la rémission partielle à totale. Les trois profils varient également sur le continuum de la santé mentale positive, allant d’une santé mentale languissante à florissante. Un aspect qui a été négligé dans la littérature sur le rétablissement mais qui ressort des travaux sur le modèle de santé mentale complète est le rôle potentiel de la santé mentale florissante pour prévenir les rechutes et la détérioration du trouble mental. Comme cela a déjà été mentionné, les personnes qui ont une santé mentale languissante fonctionnent moins bien au plan psychosocial que celles qui ont une santé mentale modérée, qui à leur tour, fonctionnent moins bien que celles qui ont une santé mentale florissante. De plus, le taux de prévalence de la maladie mentale tend à varier selon le diagnostic de santé mentale positive, étant le plus élevé pour les personnes qui ont une santé mentale languissante. Pour les personnes rétablies au sens pathogénique, soit les états 4, 5 et 6 de la figure 1, cela met en relief l’importance d’un travail continu et dirigé vers l’atteinte d’un niveau optimal de santé mentale positive, celle-ci pouvant avoir un impact sur la stabilité et la qualité du rétablissement de la maladie mentale.

Discussion

31L’originalité de cet article a consisté à proposer une relecture du rétablissement à partir d’une conception élargie de la santé mentale. Cette approche n’est pas exempte de limites, et celles qui se rapportent à l’opérationnalisation de l’état du rétablissement à l’aide de mesures de santé mentale complète sont ici brièvement discutées. De plus, des orientations en recherche sont suggérées en vue d’accroître les connaissances sur le rétablissement de la santé mentale complète.

Limites

32Dans cet article, la définition opérationnelle de Liberman et Kopelowicz [24] a été utilisée pour illustrer une façon de mesurer le rétablissement sur le continuum de maladie mentale. Même si les domaines de vie qu’elle cible, soit les activités de la vie quotidienne, le travail et les activités sociales, sont couramment retenus pour évaluer le rétablissement, les critères se rapportant à la vie sociale demandent à être raffinés pour tenir davantage compte des diverses formes d’engagement qui sont présentes dans la restauration d’un rapport aux autres et à la société. En plus du succès dans l’atteinte de critères, une récente approche typologique inclut également les efforts de la personne et ses avancées pour évaluer l’état du rétablissement [49]. Toutefois, l’élément le plus controversé est sans aucun doute le retour à des rôles normaux comme critère de rétablissement, cet aspect étant particulièrement contesté par les personnes utilisatrices [50]. Celles-ci valorisent plutôt l’épanouissement dans la performance de rôles, que ceux-ci soient performés ou non dans des cadres normatifs.

33En lien avec le continuum de la santé mentale positive, les états de santé mentale languissante, modérée et florissante ont été principalement étudiés chez des personnes ayant des troubles de dépression ou d’anxiété. Des travaux additionnels sont nécessaires pour valider les critères diagnostiques de santé mentale positive auprès de personnes ayant des troubles mentaux sévères, comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. Tels que proposée par Keyes, l’opérationnalisation de la santé mentale positive repose sur l’évaluation subjective du bien-être et des mesures objectives découlant du jugement clinique demandent à être développées. Cet aspect est des plus importants puisque l’utilisation de questionnaires est déconseillée chez les personnes ayant peu d’insight ou présentant des déficits cognitifs sévères. D’autres travaux sont aussi requis pour préciser le critère de durée qui s’applique aux trois diagnostics de santé mentale positive. Bref, d’autres définitions opérationnelles du rétablissement sont encouragées à partir d’une vision complète de la santé mentale, incluant le recours à des approches dimensionnelles ou typologiques.

Perspectives de recherche

34L’avancement de connaissances sur le rétablissement implique le développement de nouveaux outils de mesure pour évaluer la santé mentale positive chez les personnes en voie de rétablissement, les conceptions hédonique et eudaimonique du bien-être offrant de solides bases théoriques. D’autres travaux sont aussi nécessaires pour valider des questionnaires qui sont actuellement disponibles, dont le Mental Health Continuum-Short Form [51], auprès de personnes ayant des troubles mentaux sévères.

35Un autre domaine de recherche est l’étude de mécanismes permettant de mieux comprendre comment l’expérience de restauration à l’égard de la maladie mentale peut contribuer à l’optimisation de la santé mentale positive, et vice versa, les deux expériences étant indépendantes bien que reliées. Une première hypothèse concerne les ressources développées au cours du processus de restauration (par ex., pouvoir d’agir sur la maladie, récupération d’habiletés) et le rôle qu’elles peuvent possiblement jouer pour promouvoir la santé mentale positive, en plus de prévenir l’exacerbation de la maladie. Une seconde hypothèse réside dans la possibilité qu’un état de santé mentale florissante puisse contrecarrer la réapparition de la maladie, agissant comme un tampon [7]. Une dernière hypothèse se rapporte à l’étude de la santé mentale languissante comme un facteur potentiel de risque de la maladie mentale. À titre d’exemple, il se peut que des personnes en rémission et ayant une santé mentale languissante aient moins d’options pour maîtriser le stress et deviennent plus vulnérables à la rechute [7].

Conclusion

36Le rétablissement a été ici redéfini comme une expérience de santé mentale complète reposant sur la restauration à l’égard de la maladie mentale et l’optimisation de la santé mentale positive. Cette définition recoupe deux dimensions de la santé mentale qui sont à la base du Plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 [52], les troubles psychiatriques et la santé mentale positive.

37Sur le plan des pratiques, les interventions qui ne visent qu’à l’amélioration de la maladie sont vues comme insuffisantes pour promouvoir le rétablissement et requièrent l’ajout d’autres interventions orientées vers la promotion de la santé mentale positive. Celles-ci comprennent, entre autres, des ateliers de créativité et des activités de loisirs et bien que parfois perçus comme des aspects périphériques au traitement, les travaux sur la santé mentale complète renforcent leur pertinence et leur accordent une plus grande légitimité au plan scientifique. Par ailleurs, cela n’exclut pas le développement de nouveaux modèles d’interventions, que ce soit à l’aide de techniques cognitivo-comportementales, d’approches psychothérapeutiques ou d’autodéveloppement, et visant à soutenir les personnes dans leur quête de bien-être subjectif.

38Conflits d’intérêts : aucuns.

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Mots-clés éditeurs : guérison, reconstruction, santé mentale, sociothérapie, concept

Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.1684/ipe.2010.0659

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