DÉCLARER les retraités « utiles socialement » par leurs activités multiples, mais « improductifs » car aucune de leurs activités n’est considérée comme un travail producteur de valeur économique, c’est les amputer d’une dimension importante de la personne. A contrario, toute personne adulte doit être posée dans sa capacité de mener un travail productif jusqu’à sa mort.
Poser les personnes comme productives jusqu’à leur mort ne transforme pas toutes les activités des retraités en travail et n’est pas davantage une injonction qui leur serait faite de travailler : il faut distinguer soigneusement la validation sociale des activités comme travail (nécessairement aléatoire et intermittente) et la validation des personnes comme travailleuses (qui doit devenir permanente).
Si on ne résout pas l’aliénation dans le travail productif capitaliste en étant libéré du travail productif, mais en libérant le travail productif de sa soumission au capital, alors c’est un considérable déplacement de l’action collective, du voice, qui est en jeu. Il faut interroger deux tentations symétriques de renoncement au combat, d’exit: renoncement traditionnel qui s’exprime dans la conquête de temps de hors-travail (celui de la retraite en particulier) sans mobilisation pour la sortie du travail de sa folie capitaliste, renoncement plus nouveau avec la montée de l’aspiration à une société sans travail, sans valeur, sans monnaie, une société de l’activité où disparaîtrait magiquement la violence des choix nécessaires sur ce qui vaut et ce qui ne vaut pas…