Notes
Une ambition de long terme claire, dont la mise en œuvre implique des changements en profondeur
1Pour BNP Paribas, son ambition de long terme en matière de transition énergétique est claire. Comme l’affirmait Jean-Laurent Bonnafé, administrateur directeur général du Groupe, à La Tribune, le 5 décembre 2020, à l’occasion du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris, « L’avenir pour BNP Paribas se pense nécessairement [dans une logique] post-transition énergétique. Les entreprises qui n’auraient pas compris la nécessité de changer n’ont plus d’avenir et nous ne voyons aucun intérêt à poursuivre nos relations avec elles ». Dans cette optique, et soucieux d’être un leader en matière de finance durable (comme le souligne la Raison d’être du Groupe [1]), BNP Paribas a pour ambition d’aligner ses activités avec les objectifs climatiques de l’Accord de Paris, en veillant également à la préservation de la biodiversité et au développement de l’économie circulaire.
2Comment décliner l’horizon de moyen et long terme fixé par les Objectifs de développement de durable (ODD) de l’ONU et l’Accord de Paris en actions concrètes ? Pour être un leader de la finance verte et accompagner tous ses clients dans leur transition énergétique et écologique, BNP Paribas a lancé plusieurs chantiers transverses d’envergure et a développé et mis en œuvre plusieurs leviers d’action complémentaires.
Engagement de plusieurs chantiers transverses : données, définitions, outils de pilotage, scénarios et formation
3BNP Paribas a lancé plusieurs chantiers transverses d’envergure pour mettre en œuvre ses actions en faveur de la transition énergétique et écologique.
4Un premier chantier majeur est celui des données. Pour BNP Paribas, évaluer ses risques et opportunités liés au climat ou à la biodiversité requiert de disposer de données relativement précises sur les impacts environnementaux de ses clients (plusieurs dizaines de millions de clients dans plus de 70 pays) et des entreprises dans lesquelles le Groupe investit ; il peut s’agir des émissions de gaz à effet de serre, des pressions sur la biodiversité, ainsi que de données parfois plus qualitatives sur les stratégies de transition écologique. S’il est relativement facile de connaître les émissions de gaz à effet de serre des clients de BNP Paribas quand il s’agit de grandes entreprises dans les pays développés (surtout en Europe), c’est loin d’être le cas pour les entreprises plus petites ou exerçant dans des pays émergents. Accéder aux informations utiles, via des bases de données publiques ou en interrogeant directement les clients, puis les analyser et les traiter, sont des tâches complexes.
5Il faut en outre développer un cadre d’analyse et des définitions afin de classifier et de prioriser les différents axes d’une stratégie de transition écologique et énergétique : quelles activités, quelles entreprises, quels projets, quels produits, peuvent-ils être considérés comme « verts » ? Dans quelle proportion ? En effet, pour mettre en œuvre des actions, en mesurer les impacts et en suivre les progrès, il est nécessaire de définir le plus clairement possible ce qui relève, ou pas, de la transition énergétique et écologique, et de décliner cet effort de définition dans les systèmes d’information du Groupe, pour l’ensemble de ses métiers et de ses implantations géographiques. BNP Paribas participe également à certains travaux externes en cours destinés à définir de tels outils, comme ceux relatifs à la taxonomie européenne relative aux activités durables.
6Il est également nécessaire de développer des outils pour mesurer nos impacts, en rendre compte, piloter nos activités... BNP Paribas s’est notamment engagé en tant que membre fondateur et contributeur, avec quatre autres banques internationales, à décliner la méthodologie PACTA (Paris Agreement Capital Transition Assessment) pour les banques et à mesurer l’alignement de leurs portefeuilles de crédit avec l’objectif climatique de l’Accord de Paris dans cinq secteurs fortement carbonés (l’extraction d’énergies fossiles, la production d’électricité, le transport, l’acier et le ciment). BNP Paribas participe également depuis plusieurs années aux activités de la Taskforce on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) qui visent à développer et à homogénéiser les pratiques de reporting relatives aux risques et opportunités liés au climat. BNP Paribas s’est impliqué plus récemment dans les travaux de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) destinés à développer un cadre de reporting similaire pour la biodiversité.
7La mesure de l’alignement du portefeuille de crédit de BNP Paribas avec les objectifs de l’Accord de Paris requiert de s’appuyer sur des scénarios climatiques. Pour être utiles, ceux-ci doivent être intrinsèquement pertinents (être fondés sur une méthodologie et des données à jour, conçus et diffusés par une organisation de confiance, transparents, etc.), être relativement faciles à appliquer aux activités de BNP Paribas (périmètre géographique, périmètre sectoriel, granularité suffisante, etc.) et s’appuyer sur des hypothèses sur lesquelles les experts du Groupe sont d’accord (en termes de croissance du produit intérieur brut, de progrès technologique, etc.). BNP Paribas a analysé les scénarios climatiques développés par de nombreuses organisations externes, avant d’en sélectionner quelques-uns. Le Groupe s’appuie notamment sur différents scénarios élaborés par l’AIE (Agence internationale de l’énergie).
8Un autre chantier essentiel est celui de la formation et de la sensibilisation des collaborateurs, afin d’obtenir un engagement de tous, à tous les niveaux de l’entreprise. BNP Paribas propose à ses collaborateurs des formations variées sur ces sujets, allant des plus génériques (formation « We Engage » à destination de tous les collaborateurs, Fresque du climat) aux plus spécifiques (pour les clients entreprises : modules de formation aux offres liées à la transition énergétique pour les chargés de clientèle travaillant avec les entreprises d’un secteur d’activité déterminé ; pour les clients particuliers en France : formation à la rénovation énergétique des 9 000 conseillers bancaires et des 450 experts immobilier du Groupe en 2020).
9Ces chantiers impliquent un véritable travail de transformation de l’entreprise et s’inscrivent dans un mouvement plus large consistant à introduire des critères environnementaux et sociaux au cœur des décisions et des processus opérationnels du Groupe.
De nombreux leviers d’action mobilisés pour accompagner l’ensemble des clients dans leur transition énergétique et écologique
10BNP Paribas souhaite être en mesure d’accompagner tous ses clients ‒ investisseurs, entreprises et particuliers ‒ dans leurs efforts de transition énergétique et écologique. Pour cela, le Groupe développe de nombreux leviers d’action, dans tous ses métiers et dans les différents pays où BNP Paribas opère.
11Un premier levier d’action est d’agir sur l’empreinte carbone du portefeuille de crédit. Il s’agit tout d’abord de moins soutenir les activités les plus émettrices de gaz à effet de serre. Dans cette optique, BNP Paribas a notamment annoncé l’arrêt de ses activités de financement en direction des entreprises qui tirent l’essentiel de leurs revenus des hydrocarbures non conventionnels, et l’arrêt d’ici à 2030 de ses financements au secteur du charbon thermique dans les pays de l’Union européenne et de la zone OCDE et d’ici à 2040 pour le reste du monde. Il s’agit également de soutenir davantage les secteurs les moins émetteurs de gaz à effet de serre : ainsi, à la fin de l’année 2019, les financements consacrés par BNP Paribas aux énergies renouvelables ont atteint un montant de 15,9 milliards d’euros, en hausse de 120 % en quatre ans. Il s’agit plus généralement d’encourager l’ensemble des clients à développer des produits et des activités de moins en moins carbonés et de leur proposer des financements adaptés.
12Autre levier, BNP Paribas développe de nombreux produits financiers pour aider ses clients dans leur transition énergétique et écologique. Les outils de financement des entreprises comme les green bonds ou les Sustainability Linked Loans (SLL ‒ crédits permettant de moduler le taux du crédit en fonction de l’atteinte d’objectifs environnementaux et/ou sociaux par l’emprunteur) en sont des exemples largement médiatisés, dont le développement est significatif depuis le milieu des années 2010. De façon générale, la plupart des produits financiers peuvent être déclinés en version « verte » (de la couverture de taux de change aux offres de leasing). Plusieurs filiales spécialisées du Groupe développent d’autres produits financiers liés à la transition écologique :
- Arval, filiale spécialisée dans la location de véhicules et la mobilité, propose des offres de mobilité durable intégrée, depuis la définition de la stratégie jusqu’au leasing de véhicules électriques ou hybrides ;
- BNP Paribas Leasing Solutions a récemment lancé la co-entreprises BNP Paribas 3 STep IT, qui propose aux entreprises un service complet de gestion de leurs équipements technologiques à chaque étape de leur cycle de vie ;
- ClimateSeed aide les organisations à contribuer de manière transparente à des projets de réduction des émissions carbone [2].
13Bien évidemment, travailler avec les seules entreprises ne suffit pas ; c’est l’ensemble des citoyens qu’il faut aussi embarquer dans la transition. BNP Paribas propose à ses clients particuliers des outils de sensibilisation (comme « Mon empreinte carbone », disponible sur l’application de la banque de détail, qui permet aux clients de calculer l’empreinte carbone liée à leurs transactions bancaires) ou de financement (prêts à taux réduits comme Energi-Bio pour financer des travaux de rénovation énergétique, ou prêt Auto Écologique pour financer, notamment, l’achat d’un véhicule électrique).
14Un autre levier est d’orienter les flux financiers, d’inciter les investisseurs à financer en priorité des activités en ligne avec des objectifs environnementaux. BNP Paribas développe ainsi des fonds spécifiques : par exemple, un fonds dédié à l’économie circulaire ou un fonds doté d’un mécanisme de compensation des émissions de carbone. Le Groupe développe également des produits pour accompagner les particuliers dans l’orientation de leur épargne. En France, BNP Paribas Banque privée propose à ses clients un simulateur pédagogique, « myImpact », pour les aider à orienter leur épargne vers les thématiques responsables qui leur correspondent le mieux (de l’Investissement socialement responsable (ISR) à la philanthropie).
15BNP Paribas dialogue en outre avec ses clients et les entreprises dans lesquelles le Groupe investit pour réfléchir avec eux aux moyens les plus adéquats à la définition et à la mise en œuvre d’une stratégie de transition énergétique et écologique. Il est d’ailleurs frappant de noter que depuis peu de temps le climat, voire la biodiversité sont dans bien des cas devenus aujourd’hui des sujets majeurs de discussion entre les entreprises et leur banque, ce qui n’était presque jamais le cas il y a encore cinq ans. En ce qui concerne la gestion d’actifs, BNP Paribas Asset management est reconnu [3] comme étant l’un des gestionnaires d’actifs les plus volontaires dans le domaine de l’engagement actionnarial en faveur de la transition énergétique : dialogue avec les entreprises sur leur stratégie climat et sur leurs activités de lobbying et d’influence associées, dépôt de résolutions relatives au climat, soutien des résolutions portant sur ce thème, etc.
Une question ouverte : quel est l’impact réel de la finance verte sur la transition énergétique et écologique ?
16Je souhaite conclure ce bref tour d’horizon de quelques-uns des chantiers engagés et des leviers de la finance verte en évoquant une question majeure, celle de l’impact réel de cette dernière sur la transition écologique globale. Les actions des acteurs financiers dans ce domaine se multiplient, mais quels effets de celles-ci pouvons-nous constater dès à présent ?
17Un premier effet me semble très important : développer des green bonds ou des SLL, entre autres, a permis d’introduire la durabilité au cœur même des directions financières. Il ne s’agit plus d’un sujet annexe, venant se greffer à des sujets financiers « sérieux » : les directeurs financiers des entreprises ayant eu recours à de tels outils de financement « verts » se sont penchés sérieusement sur les indicateurs et objectifs environnementaux associés.
18Un deuxième impact marquant concerne la capitalisation boursière des entreprises, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’automobile. Aux États-Unis, la capitalisation boursière de Tesla dépasse celle cumulée de General Motors, Ford Motor et Fiat Chrysler automobiles, les trois constructeurs automobiles historiques américains, tandis que la capitalisation boursière de NextEra Energy, spécialiste des énergies solaire et éolienne, a momentanément dépassé celle d’ExxonMobil, le champion international de l’industrie pétrolière et gazière. En France, McPhy, spécialiste de la production d’hydrogène bas-carbone, vient de faire son entrée dans l’indice boursier SBF120. Les investisseurs sont de plus en plus attirés par des entreprises qui semblent incarner le futur de la transition énergétique.
19D’autres impacts sont eux aussi bien réels, mais plus difficiles à évaluer avec précision. Lorsque les investisseurs réunis au sein d’une initiative, comme Climate Action 100+, dialoguent étroitement avec des entreprises pour les inciter à développer une stratégie de gestion des risques et des opportunités liés au climat, cela finit souvent par porter ses fruits ; l’évolution de la stratégie climatique de ces entreprises est donc due à l’action de ces investisseurs, au moins partiellement puisqu’elle est influencée par d’autres facteurs. De même, quand une institution financière décide d’arrêter de financer certaines activités ou entreprises (comme la production électrique à partir de charbon), celles-ci peuvent parfois trouver d’autres sources de financement ; de fait, l’impact concret de leur activité sur l’environnement ne peut donc qu’être limité. Ici encore, l’enjeu-clé est bien de susciter des actions collectives : un acteur financier agissant seul n’aura pas beaucoup d’impact ; s’il s’agit d’une large coalition d’acteurs financiers (par exemple, les 206 banques qui ont rejoint les PRB [4] des Nations Unies, s’engageant ainsi à aligner leur stratégie avec l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable), il est alors possible de changer les pratiques de place, des efforts de transition collectifs dont l’impact pourrait se traduire par une contribution significative à la réduction des émissions et à l’atteinte des objectifs environnementaux globaux.
En guise de conclusion
20La finance verte ne peut être pleinement efficace que si les institutions financières travaillent avec l’ensemble des acteurs économiques pour s’engager collectivement dans une transition énergétique et écologique globale. En effet, la banque appartient à un écosystème d’acteurs publics, d’entreprises, de leaders d’opinion et de citoyens et ne peut pas prendre de décisions qui la déconnecteraient de cet écosystème. Elle peut en revanche contribuer fortement à la transformation de cet écosystème en facilitant la réallocation de ressources vers des priorités identifiées collectivement. Ce faisant, elle peut contribuer, à sa mesure, au futur de la planète tout en œuvrant à son propre avenir, car son métier est de financer et d’orienter l’épargne vers des projets pérennes. Or, seules les activités ayant intégré la transition énergétique sont pérennes à moyen terme.
21Nous sommes actuellement dans une phase cruciale, dans laquelle les acteurs financiers développent les outils nécessaires pour mesurer leurs impacts, mais aussi ceux de leurs clients et des entreprises dans lesquelles ils investissent, et pour piloter leurs portefeuilles. Les acteurs financiers mettent en œuvre des leviers d’action de plus en plus nombreux et, a fortiori, intégrés à leur cœur de métier pour inciter et aider leurs clients (investisseurs, entreprises et particuliers) et les entreprises dans lesquelles ils investissent à s’engager résolument dans une nécessaire transition écologique et énergétique. Développer encore davantage ces leviers, mesurer leur efficacité et leur impact, les faire adopter par le plus grand nombre d’acteurs, ce sont là les grands chantiers de la finance verte d’aujourd’hui comme pour les années à venir.