1Vous avez dit : « Croissance verte ? » Notre langage s’enrichit régulièrement d’expressions qui, à elles seules, résument une certaine vision de l’évolution de notre société et de notre économie. Certaines de ces expressions, comme, par exemple, la « nouvelle économie », ont vu leur succès initial largement remis en cause par les événements qui ont suivi leur apparition. D’autres, à l’instar du « développement durable », sont désormais considérées comme des références incontournables pour appréhender l’avenir.
2L’expression « croissance verte » délivre implicitement un message simple : l’idée que non seulement la prise en compte des préoccupations environnementales est une nécessité pour le développement de notre société (ce qui correspond au concept de développement durable), mais qu’elle est aussi, en soi, une opportunité de développement économique et de création d’emplois. Loin de s’opposer au développement économique, la prise en compte de l’environnement deviendrait donc un des principaux moteurs de notre croissance future…
3S’il est séduisant, ce concept correspond-il bien à la réalité ?
4A chacun de se faire son opinion, à la lecture des différents témoignages apportés dans ce numéro des Annales des Mines.
5Nous soulignerons ici deux points.
6En premier lieu, l’essentiel des actions et des programmes lancés sous le label de « croissance verte » concernent (directement ou indirectement) le secteur de l’énergie, qu’il s’agisse des économies d’énergie ou des nouvelles technologies énergétiques (isolation des bâtiments, réseaux électriques intelligents, énergie solaire, véhicules électriques…). Le point focal de tous ces programmes est la double réduction, à la fois de nos émissions de CO2 et de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. A ce titre, l’expression « transition énergétique » serait sans doute plus appropriée. Par ailleurs, le secteur du nucléaire reste le grand absent de ce débat : trop controversé pour bénéficier du label de « croissance verte », il continue néanmoins à se développer de façon substantielle en France et il connaît un certain renouveau (bien que timide) à l’étranger.
7En second lieu, la notion de croissance fait généralement référence à la croissance nominale de notre produit intérieur brut (PIB). Or, comme le rappelle dans ce numéro Didier BLANCHET, une catastrophe écologique génère (du fait qu’elle va générer d’importants travaux pour remettre l’environnement en son état initial) un surcroît d’activité, qui va se traduire par une augmentation du PIB, mais qui ne correspond pas à une augmentation réelle du bien-être global. A ce titre, l’ensemble des actions que nous allons devoir entreprendre durant les prochaines décennies pour accompagner la transition énergétique constitueront, assurément, au niveau national, un volume de créations d’emplois et un volume d’activité conséquents, ainsi qu’une source d’opportunités considérables de développement à l’international.
8Mais la réponse à la question de savoir si cette transition énergétique s’accompagnera d’une augmentation du bien-être général ou bien si elle demandera à chacun de sacrifier une partie de son confort et de son niveau de vie, n’est malheureusement pas encore connue à ce jour.