L’enfant souhaité, Les naissances désirables, les grossesses à l’école, J. Courtejoie, A. Cailloux, BERPS, Kangu-Mayumbe, RD Congo, 2010 : 175 p. L’enfant malade, Comment le traiter au centre de santé, à l’hôpital, Le Manuel du médecin, BERPS, Kangu-Mayumbe, RD Congo, 2010 : 432 p.
1Ces deux ouvrages remarquables témoignent de l’incroyable vitalité du Centre pour la Promotion de la Santé, créé il y a 45 ans par le Docteur Jacques Courtejoie dans ce qui n’était pas encore la République Démocratique du Congo. Si le fondateur exerce toujours la fonction de conseiller technique, c’est aujourd’hui une équipe nationale qui anime le centre et diffuse, bien au-delà de la RD du Congo, des manuels appréciés dans toute l’Afrique francophone, par l’ensemble des professionnels de santé.
2Sans vouloir faire une liste exhaustive des publications, il est intéressant de citer quelques titres, pour montrer à quel point, le centre s’attache à fournir aux équipes de santé une documentation sur les problèmes d’actualité : « Maternité et santé, manuel d’obstétrique », « Pharmacologie pour les régions tropicales », « Le sida et la famille », « La femme et sa santé », « La santé des dents, notions de soins dentaires élémentaires », « Statistique et santé », « Les soins chirurgicaux en milieu tropical », etc.
3« L’enfant malade » est publié en 2010, manuel de pédiatrie très adapté à la pratique des centres de santé et des hôpitaux locaux. Publié également en 2010, « L’enfant souhaité : les naissances désirables, les grossesses à l’école » aborde un problème encore aigu en Afrique : les grossesses d’adolescentes. L’ouvrage est à la fois un guide très concret sur les problèmes de sexualité, et de planification familiale, et un « mode d’emploi » d’un matériel d’éducation pour la santé sur le même thème. Car la vocation du Centre est aussi, historiquement, l’éducation à la santé et la diffusion de dispositifs pédagogiques, en particulier des « boîtes à images », des brochures, des vidéos et des DVD. Les deux tiers des écoles d’infirmières de la RD du Congo ont vu leur bibliothèque équipée par le Centre, et plus de 1 250 élèves infirmiers et infirmières ont reçu une « mini-bibliothèque médicale », … pas si « mini » puisque comportant 24 manuels.
4Il faut saluer la qualité de cette documentation, et le travail accompli avec tant de constance par cette équipe dynamique, au plus proche de la problématique sanitaire africaine.
5Jean-Pierre Deschamps
Apprendre la santé publique, L’expérience pédagogique d’un programme de formation en santé publique de l’Université de Genève, Sous la direction de P. Chastonay, B. Bastard, Éditions Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg, 2009 : 275 p., ISBN : 978-2-88049-270-0
6Les acteurs de santé publique francophones savent qu’une livraison des éditions Médecine & Hygiène ne déçoit jamais. « Apprendre la santé publique » ne déroge pas à la règle. Il raconte une décennie de vie d’un programme pédagogique, d’une nombreuse équipe de contributeurs… et d’étudiants.
7Son intérêt dépasse largement les frontières du Canton de Genève et de la Romandie. Il est réflexion – et relation de la mise en pratique – sur les « principes fondamentaux pour l’enseignement de la santé publique » annoncés par le sommaire :
- Reconnaître la dimension politique des interventions de santé publique et questionner les pratiques professionnelles.
- Valoriser la dimension éthique.
- Agir dans la communauté et intégrer la dimension participative et le partenariat.
- Travailler dans l’interdisciplinarité et mobiliser différents apports disciplinaires.
8Suit une revue des disciplines contributives, de leur rôle dans la démarche de santé publique et de leurs modalités d’enseignement : épidémiologie, sciences sociales, économie de la santé, communication, planification. Et cette partie finit avec un beau chapitre sur un aspect de la santé publique où l’équipe genevoise est une des pionnières (avec J. Mann aux USA) et une référence incontestée : l’enseignement des droits humains fondamentaux dans leur lien avec la santé.
9Une troisième partie est consacrée à des témoignages d’étudiants (en fait des « apprenants », adultes déjà engagés dans la pratique professionnelle). Peut-être y manque-t-il ce que cette aventure pédagogique a apporté aux enseignants, qu’on imagine enrichis par cette confrontation avec les réflexions et les pratiques de professionnels venus d’ici et d’ailleurs, et immergés dans une pédagogie de participation qu’en général ils n’attendaient pas.
10Ce livre est un vrai manuel pour les enseignants de santé publique… et pour les apprenants. Sa dédicace témoigne de la continuité de l’équipe de Genève, puisqu’elle est faite à André Rougemont, (qui avait lui-même succédé à Olivier Jeanneret, grand Monsieur de la santé publique internationale), et à Jean-Jacques Guilbert, grand Monsieur de la pédagogie de la santé à l’échelle mondiale.
11Jean-Pierre Deschamps
Clinique de l’exil, chronique d’une pratique engagée, Sous la direction de B. Goguiklian Ratcliff, O. Strasser, Collection Médecine Société, Éditions Georg, Groupe Médecine & Hygiène, Chêne-Bourg, 2009 : 237 p., ISBN : 978-2-8257-0977-1
12Voici à nouveau, un ouvrage publié par le Groupe Médecine et Hygiène à Genève, plus précisément par les Éditions Georg, depuis 150 ans vouées aux sciences humaines.
13Alors que les publications sur la santé physique et mentale des migrants sont nombreuses, rares sont celles qui évoquent la situation sanitaire des personnes exilées. Ce livre relate, à plusieurs voix, « une pratique engagée » auprès de personnes contraintes à un exil forcé, de demandeurs d’asile, réfugiés victimes de persécutions, personnes traumatisées par les guerres, les massacres, les génocides, les tortures, les viols collectifs. Auprès de ces personnes, écrit Françoise Sironi dans sa belle préface, « des pratiques cliniques sont inévitablement des pratiques engagées […]. Le positionnement éthique du clinicien consiste à être aux côtés des patients marqués par la criminalité politique, dans une position de témoin engagé, mais sans jamais se départir d’une parfaite et rigoureuse objectivité professionnelle ».
14Près de vingt cliniciens et chercheurs se sont associés, psychologues et psychiatres ; beaucoup sont formés à l’ethnopsychiatrie, beaucoup aussi ont une expérience de travail humanitaire dans les pays où se pratique la « criminalité politique », et quelques-uns en sont eux-mêmes originaires. À l’origine de leurs engagements se trouve, pour une large part, l’ONG « Appartenances » fondée en 1993 à Lausanne par le Docteur Jean-Claude Métraux, et sa sœur cadette, « Appartenances-Genève ». Ces associations sont nées lors de l’arrivée massive de demandeurs d’asile venus de « l’Europe balkanique » alors que se déchiraient les populations de l’ancienne Yougoslavie, avec les massacres et les violences de tous ordres que l’on sait.
15L’expérience clinique des auteurs permet « une approche renouvelée de la psycho-pathologie de l’exil » à travers les chapitres sur la consultation transculturelle, la communication triadique (patient, soignant, interprète communautaire) en consultation, l’impact des violences collectives et de la migration forcée chez les enfants, le problème des femmes victimes de violences sexuelles collectives. De leur pratique clinique, les auteurs tirent la formulation de « principes thérapeutiques d’une pratique engagée », et, pour eux, « la manière de comprendre les besoins des migrants en exil et d’y répondre, constitue un des principaux défis [qu’ils] devront relever dans les années à venir ».
16Clinique de l’exil est un ouvrage fondamental pour tous ceux, professionnels de santé et travailleurs sociaux, qui sont en contact avec des personnes exilées, dans leur pratique institutionnelle ou associative.
17Jean-Pierre Deschamps
La santé des jeunes en Pays de la Loire. 15-25, Observatoire régional de la santé des Pays de la Loire, ORS Pays de la Loire, Nantes, 2009 : 299 p., ISBN : 2-908417-35-9
18Un excellent exemple de ce que peut être une étude sur la santé d’une population. C’est parfait, dans le fond et dans la forme…
19Le choix des indicateurs est remarquable, donnant la priorité à la santé perçue et déclarée, à la qualité de vie, à la « santé mentale positive », aux déterminants de l’état de santé. La présentation est d’une rare qualité : deux pages sur « l’essentiel » débutant chaque chapitre, des graphiques clairs, jouant sur une importante palette de couleurs, et clairement légendés, une mise en perspective des résultats régionaux avec les études nationales, une annexe méthodologique témoignant de la rigueur du travail.
20L’équipe de l’Observatoire Régional de la Santé des Pays de la Loire a accompli un travail de titan, et donne ainsi aux « décideurs » une base objective pour une politique de l’adolescence et de la jeunesse, en leur rappelant dans l’introduction, de manière opportune, que « si des programmes et actions visant les 15-25 ans sont indispensables, c’est sans doute bien avant qu’il faut agir, et dans un cadre qui dépasse le seul champ de la santé ». Fait rare, l’ouvrage est présenté conjointement par le Président du Conseil régional (qui a été à l’origine du travail) et par le Préfet de Région ; espérons que de cette concertation entre une collectivité territoriale et l’État émergera une vraie politique en direction des jeunes « et sans doute bien avant » la jeunesse.
21Jean-Pierre Deschamps
Santé des enfants et des adolescents, Propositions pour la préserver, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Expertise opérationnelle, 2e édition, Les éditions Inserm, Paris, 2009 : 187 p., ISBN : 978-2-85598-813-6
22L’enthousiasme avait été grand à la lecture de « La santé des jeunes en Pays de la Loire » (cf. analyse ci-dessus). Sur le même sujet, mais évidemment avec des objectifs très différents, la seconde édition de l’expertise collective de l’Inserm sur la santé des enfants et des adolescents, laisse une impression plutôt mitigée.
23Quand 16 experts reconnus et appréciés dans leur domaine d’activité travaillent ensemble, analysent la littérature internationale sur le sujet et émettent, sur cette base, des propositions d’action, on s’attend à un feu d’artifice. Des centaines d’études scientifiques au service de propositions de prévention, quel enjeu prometteur !
24Mais à l’arrivée, déception… Certes, les synthèses sont belles, mais pourquoi les propositions d’action qui en découlent, sont-elles d’une telle généralité, d’une telle tiédeur ? Pourquoi ne permettent-elles pas de dessiner ce que pourrait être une politique globale de santé de l’enfance et de l’adolescence, alors que la seule étude de l’ORS des Pays de la Loire, sans l’annoncer, suggérait clairement les actions à mener sur la base d’un diagnostic argumenté ?
25Ne soyons pas injustes : dans les « propositions d’actions pour la santé des jeunes » du chapitre III (pourquoi donc, alors que le titre de l’ouvrage est « santé des enfants et des adolescents » le sommaire n’évoque-t-il pas « la santé des jeunes », alors que l’OMS propose des définitions différentes de l’enfance, de l’adolescence… et de la jeunesse ?), dans ces propositions donc, apparaissent des « exemples d’action » souvent concrets. Leur réunion en un récapitulatif de 17 actions (page 165) donne cependant l’impression d’un inventaire disparate.
26N’y a-t-il pas, dès le départ, un problème de cohérence et de coordination ? L’accent est mis sur trois priorités de santé ayant fait l’objet d’expertises collectives antérieures, ainsi que sur l’expertise des programmes de prévention et de leurs modes d’évaluation. Ce choix est acceptable, mais il aboutit à des propositions d’actions formulées selon le même plan : « promotion de la santé physique » (pour l’obésité), « promotion de la santé mentale », « prévention du risque alcool », « formation et recherche en éducation pour la santé ».
27Dès lors, la « promotion de la santé physique » n’est plus que l’éducation nutritionnelle et le développement de l’activité physique, la « prévention du risque alcool » est mise à distance de la promotion de la santé mentale. On ne peut pas construire une politique de santé sur une telle argumentation, dissociant santé physique et santé mentale, comme si l’obésité n’avait aucun rapport avec la santé mentale, comme si l’activité physique – pensons aux adolescents – n’était pas liée à la perception de l’image du corps, qui relève bien de la santé mentale, etc.
28Cette deuxième édition, simple actualisation de celle de 2003, aurait mérité mieux.
Jean-Pierre Deschamps
Santé de l’enfant, Propositions pour un meilleur suivi, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Expertise opérationnelle, Les éditions Inserm, Paris, 2009 : 240 p., ISBN : 978-2-85598-871-3
29Si l’expertise sur la santé des enfants et des adolescents peut décevoir (cf. analyse précédente), ce travail sur le suivi de la santé des enfants, au contraire, formule des propositions claires et pratiques.
30Certes, l’objectif en est plus circonscrit : il s’agit du suivi régulier des enfants par des examens réguliers, tels qu’il en est réalisé depuis des décennies en santé maternelle et infantile, en santé scolaire ou dans la pratique médicale en secteur libéral. Le contenu et la périodicité de ces examens ont à être adaptés en fonction des recherches récentes, des méthodes et des dispositifs disponibles. Là où les propositions concernant les enfants et les adolescents étaient fragmentées et non coordonnées, ici « le suivi des enfants s’inscrit dans une démarche globale constitué d’un ensemble d’actions de promotion de la santé physique et mentale, d’interventions préventives et de soins ».
31Après l’état des recherches sur les troubles sensoriels, les troubles des apprentissages et les troubles du comportement, l’ouvrage fait le point sur les dispositifs existants en matière d’examens de santé, puis, pour chaque âge, les examens de santé (à la naissance, à 9-12 mois, à 24 mois et à 6 ans) sont analysés en termes d’« état des lieux et perspectives ».
32Ce travail, réalisé par un groupe réunissant des chercheurs, des responsables de services de l’enfance et d’associations, est exemplaire.
Jean-Pierre Deschamps