Notes
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L’article original a été rédigé en espagnol et traduit en français par Marie-Claude Lamarre, Directrice exécutive de l’Union internationale de Promotion de la Santé et d’Éducation pour la Santé (UIPES).
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Professeur, chercheur, titulaire de l’« Universidad Autónoma Metropolitana Xochimilco » de Mexico – Vice-présidente régionale de l’UIPES pour la région de l’Amérique latine (2007-2010) – Área de Investigación, Educación y Salud – Departamento de Atención a la Salud – Universidad Autónoma Metropolitana Xochimilco – Calzada del Hueso 1100 – Col. Villa Quietud – Delegación Coyoacán – C.P. 04960 – México D.F.
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Dans ce document, l’Amérique latine est définie selon le critère utilisé à l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé (UIPES), à savoir le Mexique, sept pays de l’isthme centroaméricain, deux des caraïbes de langue espagnole, cinq de la zone andine, le Brésil et les quatre pays du cône sud.
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L’expression « maladies du retard épidémiologique » fait référence aux conditions qui, du fait de l’existence d’une organisation sociale inéquitable, continuent d’être un problème majeur pour de grands groupes de la population. Le concept regroupe : a) les infections communes, b) les problèmes liés à la reproduction, c) les maladies associées à la malnutrition.
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Parmi les sujets qui ont généré le plus de recherches, on trouve : la pratique médicale, la participation populaire, le marché du travail des professions de santé et les facteurs sociaux déterminants de la morbidité et mortalité. L’éducation pour la santé, spécifiquement, n’a pas occupé une place remarquable, mais les analyses et publications sur les thèmes signalés ont motivé des changements dans ce domaine. Depuis ses débuts, le courant médico-social latino-américain a maintenu des liens étroits avec des intellectuels européens qui partageaient des cadres de référence semblables. On trouve parmi eux Giovanni Berlinguer, Vicente Navarro et Laura Conti.
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[6]
Les subjectivités du risque sont les formes sous lesquelles les personnes construisent leurs connaissances sur le risque dans le contexte de leur vie quotidienne et ainsi décident des pratiques de réduction du dommage qu’elles adoptent (Lupton, 1999 :104). Celles-ci peuvent faire partie de la biomédecine ou de savoirs non allopathiques (acuponcture, herboristerie, et autres).
Introduction
1L’une des principales difficultés des sciences sociales, comme le signale Pierre Bourdieu [1] tient au fait que les thèmes qu’elles étudient sont l’objet de luttes. Il n’y a pratiquement aucune matière dont ces disciplines s’occupent qui ne suscite polémiques, débats, censures et divisions. L’éducation pour la santé a recours aux sciences sociales pour élaborer des diagnostics de situation, construire son cadre théorique, ses méthodes d’analyse et d’intervention et caractériser les déterminants de la santé qui ne peuvent être expliqués par la biomédecine.
2D’où l’émergence, comme pour les sciences sociales, des débats sur le savoir et la pratique en éducation pour la santé qui parviennent parfois à rompre l’inertie des anciennes manières de procéder et à en introduire d’autres qui opèrent avec une logique distincte de la logique traditionnelle.
3En Amérique latine, comme cela s’est passé dans d’autres régions du monde, l’éducation pour la santé a été redéfinie au fil du temps. Ses bases conceptuelles, ses objectifs et ses outils se sont transformés. La dynamique de la pratique professionnelle a modelé et actualisé la définition de la discipline en incorporant de nouveaux éléments qui délimitent son objet, sa théorie et ses méthodes.
4L’intention de cet article est de décrire et d’analyser les principales tendances qui ont orienté la pratique, la recherche et la formation en éducation pour la santé, en Amérique latine, du début du xxe siècle à nos jours.
Méthodologie
5Les tendances générales communes aux différents pays de la région ont été établies à partir de la consultation de plusieurs sources d’information.
6Une recherche dans la Bibliothèque virtuelle en santé de BIREME, de SCIELO, dans Medline et dans d’autres bases de données a permis de localiser des articles, des rapports et des actes de conférences et séminaires sur le champ.
7Par ailleurs, un questionnaire avec des questions ouvertes a été transmis par courrier électronique à des acteurs sociaux « incontournables » dans le champ de la promotion de la santé et de l’éducation pour la santé.
8Les points de vue de 24 universitaires, représentants d’organismes gouvernementaux, de la société civile et d’agences internationales résidant dans 15 pays latino-américains, ont été recueillis par ce biais.
9La dernière étape a consisté à codifier les grands thèmes, c’est-à-dire, à identifier parmi les données réunies au moyen de l’analyse documentaire et des questionnaires, les sujets qui permettent de caractériser les principales tendances dans l’évolution de l’éducation pour la santé au cours de la période considérée.
L’Amérique latine : une région de contrastes et de ressemblances
10Quand on parle de l’Amérique latine, on se réfère à une région du monde qui comptait en 2011 près de 600 millions d’habitants répartis dans vingt pays [3], plus Porto Rico, un état libre associé aux États-Unis.
11Au cours des dix dernières années, la plupart des nations ont connu un accroissement de leur classe moyenne et sont restées stables en dépit de la crise financière mondiale. Une combinaison sans précédent de croissance et d’équilibre économiques a permis au cours des deux dernières décennies de sortir 74 millions de personnes de la pauvreté [2].
12Cela étant, l’Amérique latine reste très inégalitaire en termes de revenus, d’opportunités de participation, et également d’accès aux services de santé ou d’éducation, à l’eau potable, à l’électricité et à d’autres ressources.
13Certains indicateurs de santé montrent les disparités qui persistent encore dans cette région. En 2010, le taux de mortalité infantile (TMI) à Cuba était de 4 et en République dominicaine de 27 décès pour mille nouveau-nés vivants. Durant cette même année, l’indicateur de mortalité maternelle au Costa Rica était de 40 alors qu’en Bolivie il était cinq fois plus élevé, à savoir 190 décès pour cent mille nouveau-nés vivants. [3]
14Les disparités s’observent également entre différents groupes de population habitant dans un même pays. Le risque de mourir pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites d’une naissance est triple dans les municipalités de Mexico à population majoritairement indigène (70 % ou plus de population indigène), par rapport aux municipalités qui ont une population indigène moins importante (moins de 40 % de population indigène) [4].
15En résumé, l’éducation pour la santé s’est développée en ayant comme contexte un panorama épidémiologique extrêmement complexe. Les pays sont confrontés simultanément à divers maux résultant du développement industriel et de l’augmentation de l’espérance de vie : maladies non-transmissibles, accidents, incapacités…, alors qu’ils n’ont pas encore réussi à éradiquer les maladies dites « du retard épidémiologique » [4]. Il est important de réitérer, finalement, que ce qui ressort de ce contexte, c’est le manque d’équité qui affecte différentes classes sociales et groupes ethniques vivant dans la région. Certains auteurs insistent sur le fait que le manque d’équité ne peut s’éliminer simplement en apportant des soins médicaux plus équitables. Il ne peut y avoir d’équité en santé sans équité économique. [5]
Antécédents
16Tout au long de la première moitié du xxe siècle et jusqu’à la fin des années 60, dans la plupart des pays latino-américains, l’éducation pour la santé a servi principalement d’instrument pour éviter la diffusion de maladies transmissibles et autres maux résultant des conditions inadéquates de vie dans lesquelles subsistaient de larges segments de la population.
17Cet objectif était considéré comme particulièrement important pour les personnes et familles immigrant dans les grandes métropoles, auxquelles il était recommandé de fournir des informations, notamment sur la consommation de l’eau et sur l’hygiène personnelle et collective [6].
18De la même façon, les actions éducatives cherchaient à persuader les groupes résidant en zones rurales de ne pas dédaigner la biomédecine et de la considérer comme un ensemble de savoirs et de pratiques beaucoup plus efficaces sur le plan diagnostic et thérapeutique que les médecines dites traditionnelles.
19La littérature produite dans les années 50, 60 et 70 par des éducateurs, anthropologues et hygiénistes sur le changement social dirigé, la théorie de la diffusion culturelle, la transculturation et les mécanismes pour parvenir à la collaboration des usagers des services de santé, est considérable. Ces publications présentaient une vision dichotomique des sociétés : le civilisé par opposition au primitif, la pensée rationnelle par opposition à la pensée irrationnelle et le scientifique par opposition au magique.
20À partir de la fin des années 60 et surtout dans les années 70 et 80 au Brésil, en Argentine, au Mexique, en Colombie et dans d’autres pays latino-américains, un vaste débat sur l’importance des déterminants sociaux de la santé a commencé à se développer. Pendant cette période, le courant médico-social ou de santé collective latino-américain a commencé lui aussi à prendre forme. Le débat [5] a imprimé un caractère dynamique à la production et à la diffusion de connaissances, a donné naissance à de nouvelles questions et a ouvert le chemin à des propositions théoriques et méthodologiques novatrices. Au cours de ces années, les activités d’éducation pour la santé réalisées par des organisations de la société civile et des acteurs du secteur gouvernemental ont incorporé à leurs travaux et études, la conceptualisation et les procédures de l’éducation dite populaire ou éducation libératrice qui s’est appliquée à alphabétiser les adultes en s’appuyant sur les écrits du pédagogue brésilien Paulo Freire.
21Un autre trait marquant de cette époque a été l’abandon des explications sur le retard culturel des communautés qui, au cours des décennies antérieures, ont justifié un nombre important d’actions éducatives en santé.
22Malgré l’hétérogénéité des différents pays, il est possible d’affirmer qu’une autre caractéristique a été la reconnaissance de la nécessité d’inclure en tant que protagonistes les personnes et les groupes locaux dans la conception, le développement et l’évaluation des programmes et actions de santé publique, dont les programmes d’éducation pour la santé. Le renforcement de la participation communautaire, l’autonomisation des populations et la reconnaissance des déterminants socioculturels et économiques de la santé ont été des éléments présents dans de nombreuses interventions éducatives de cette étape.
23Toutefois cette perspective a cessé d’être majoritaire dans cette région du monde quand des pays d’Amérique du sud et centrale ont dû vivre sous des dictatures militaires ou des gouvernements autoritaires.
Le commencement d’un nouveau siècle : promotion de la santé et éducation pour la santé
24À partir de la décennie des années 90, certains bureaux et programmes gouvernementaux latino-américains ont mis de côté la dénomination éducation pour la santé en lui substituant celle de promotion de la santé pour suivre les principes de la charte d’Ottawa obtenus par consensus, ainsi que les accords et politiques de différents organismes supranationaux [7, 8]. Ces changements n’ont pas toujours été bien accompagnés par des actions de diffusion pour éclairer en quoi consistait la démarche de promotion de la santé ou quelles étaient ses différences et ses similitudes par rapport au cadre conceptuel et à la pratique développés par les éducateurs en santé.
25Il persiste dans le secteur professionnel de ces derniers, un climat de mal-être parce qu’ils perçoivent un processus d’« invisibilisation » de leur discipline, de son domaine d’action et des processus éducatifs en santé mis en œuvre au niveau individuel et collectif. Un éducateur d’un pays du Cône sud lançait cette réflexion : prononcer les termes « éducation pour la santé » a quelque chose de tabou ; c’est pour cela que les activités revêtent des noms très variés : éducation à la vie, éducation communautaire, éducation pour le développement des compétences… [9]
26Jusque vers la décennie des années 80, les éducateurs en santé d’Amérique latine ont été formés au niveau tertiaire ou technique à travers des formations offertes par les ministères de la Santé ou les universités publiques. Par la suite, les conditions requises pour intégrer une formation ont été modifiées, comme cela a été le cas pour la profession d’infirmière. Les cursus de formation et la durée des études, ont eux aussi changé, élevant à quatre le nombre d’années pour obtenir un équivalent de la licence.
27Dans un premier temps, ce changement a accru leur légitimité à occuper des postes plus élevés dans la hiérarchie des structures institutionnelles. Depuis le début du xxie siècle, plus de 40 universités du secteur public et privé ont créé des programmes de deuxième cycle en Promotion de la Santé, Santé communautaire, Soins de santé et Santé collective. Ces diplômés finissent par se retrouver en concurrence avec les éducateurs sanitaires au moment d’accéder à une même niche du marché du travail. [11]
28Porto Rico est l’un des rares lieux où cette situation ne semble pas se présenter probablement du fait de ses caractéristiques sociopolitiques et économiques et de son activité de formation systématique dans le champ.
29Depuis les débuts de ce siècle, le travail de ces professionnels ne se situe pas de manière prédominante dans le secteur public de l’appareil gouvernemental parce qu’il existe différentes opportunités d’emploi dans le secteur privé : dans des organismes sociaux, des laboratoires pharmaceutiques et des compagnies d’assurance en santé.
30L’Université de Porto Rico abrite le siège du Bureau régional latino-américain de l’UIPES (UIPES-ORLA) et depuis 1996 celui du Consortium interaméricain des Universités et Centres de Formation du Personnel en Éducation pour la Santé et Promotion de la Santé (CIUEPS). Les travaux de ce réseau se sont renforcés au cours des dix dernières années. Plus de 50 institutions latino-américaines en font partie, y puisent des conseils et initient des actions de formation en promotion de la santé et en éducation en santé. [10] Le CIUEPS a réalisé également un inventaire des cours existants dans ces domaines, mis en œuvre dans la région. Actuellement les Universités d’Argentine et de Porto Rico offrent deux enseignements de troisième cycle, du niveau maîtrise, en éducation pour la santé, dans lesquels se forment des étudiants nationaux et également d’autres pays. Depuis l’an 2000, deux autres programmes en promotion de la santé ont été créés au Pérou et au Brésil et un troisième à Cuba sur promotion de la santé et éducation en santé.
31La longue tradition de travaux éducatifs en santé dans la région fait que la totalité de ces maîtrises intègrent dans leur cursus des modules d’enseignement-apprentissage qui s’appuient sur une conception de l’éducation pour la santé qui souligne l’importance de cette discipline, sans la subordonner à la promotion de la santé, mais en considérant les deux champs comme complémentaires. [12]
32La conception d’interventions éducatives fondées sur le résultat d’études sur la manière dont les personnes perçoivent les situations de vulnérabilité et de risque et se comportent vis-à-vis d’elles est une tendance qui s’est renforcée en Amérique latine [6] [13] et qui a fait l’objet de nombreuses publications depuis l’an 2000.
33Après la deuxième moitié des années 90, la plupart de ces travaux se sont portés sur le risque d’infection par le VIH/sida. Au cours des huit ou neuf dernières années, les résultats de projets sur la santé environnementale et professionnelle sont à l’origine de programmes éducatifs qui articulent la recherche et l’action. À partir de cette perspective, des plans et programmes d’information, d’éducation et d’autonomisation des populations ont été mis en œuvre pour les former à la gestion des risques liés à l’exposition à différents agents chimiques et physiques (hauts niveaux de particules en suspension et d’ozone dans l’air, intoxication par le plomb par l’usage de vaisselle fabriquée artisanalement, etc.) et de phénomènes hydrométéorologiques, produits du changement climatique, comme les ouragans et les inondations.
34L’éducation pour la santé joue également un rôle important en ce qui concerne la prévention des urgences ou des crises sanitaires, en termes de préparation, de réponse et de récupération. Il existe des exemples de ce type d’interventions qui ont été réalisées avec succès : en particulier en 2009 et au cours des années suivantes, dans les institutions éducatives mexicaines pendant et suivant l’apparition de la pandémie de grippe par le virus H1N1 ; ou encore les activités éducatives développées par des organisations écologistes sud-américaines pour éviter l’usage inadéquat de pesticides dans les zones rurales du Brésil, de la Colombie, de l’Équateur et de la Bolivie. La plupart des actions dans ces domaines spécifiques et dans d’autres sont élaborées et réalisées en cherchant à promouvoir des décisions autonomes, favorables à la santé, au niveau individuel et collectif. On essaye par ailleurs de faire disparaître les frontières institutionnelles et sectorielles qui limitent la réussite des programmes. Indubitablement, cela ne marche pas toujours et dans certains domaines ou environnements, il subsiste une vision instrumentale de l’éducation pour la santé conçue comme un processus de simple transmission d’informations, comme un outil pour contrôler les comportements des personnes et des communautés.
35En Amérique latine, l’adoption du cadre axiologique et des domaines stratégiques plantés par la charte d’Ottawa pour la Promotion de la Santé ne s’est pas faite du jour au lendemain. Dans certains cas, les changements ont été purement formels. Pourtant, dans tous les pays, la philosophie de la promotion de la santé, faisant partie d’une nouvelle rhétorique [14], a été décisive pour renforcer les visions les plus avancées sur le travail éducatif en santé : celles qui, depuis les trois dernières décennies du xxe siècle, postulaient pour une éducation libératrice fondée sur le dialogue et orientée de façon à ce que les classes sociales les plus défavorisées puissent accéder à davantage de pouvoir pour transformer le monde dans lequel il leur appartient de vivre. [15]
36La philosophie de la charte d’Ottawa a également contribué à retrouver et à rediffuser les valeurs du groupe de partisans de la salutogenèse qui, dans l’Europe de l’après-guerre, fondèrent l’Union internationale de l’Éducation pour la Santé de la Population (UIESP devenue par la suite UIES puis plus tard, en 1993, UIPES, en y incorporant l’initiale de la promotion). En d’autres termes, elle a permis de diffuser les conceptions selon lesquelles l’éducation pour la santé n’était pas un simple exercice technique mais une façon spécifique de faire de la politique : le processus qui permet aux citoyens de participer et de s’engager dans leur environnement et dans la défense de la santé individuelle et collective. [16]
37Les travaux qui se déroulent au Brésil à l’initiative de l’ANEPS (Articulación Nacional de Educación Popular y Salud) représentée dans les 26 États du pays, sont emblématiques de cette vision. Des membres d’Organisations de la société civile, des conseillers municipaux, des universitaires, des chercheurs, des professionnels de la santé, de l’éducation, du travail social, de l’environnement, etc., participent à ce réseau et ont fait partie du Mouvement de la Réforme sanitaire d’où est issu le Système unique de Santé (SUS). Au cours des dix dernières années, l’ANEPS a contribué à la définition et à l’évaluation systématique de la Politique nationale d’Éducation permanente en Santé qui est mise en place à partir du SUS, l’un des systèmes publics de santé parmi les plus importants du monde.
38Ce type de projets témoigne d’un engagement significatif dans les droits, la dignité et l’autonomie des personnes et des collectivités. En reconnaissant le caractère relationnel du pouvoir et le manque d’équité dans la répartition des ressources entre les différents secteurs de la société, ces visions de l’éducation pour la santé contribuent également à la repolitisation du débat socio-sanitaire.
Remarques finales
39Dans son rapport de l’année 2012 [3], l’Organisation panaméricaine de la santé fait remarquer que, malgré des progrès jamais atteints jusqu’alors en Amérique latine en termes d’augmentation de l’espérance de vie et d’éradication de divers problèmes de santé, dans la plupart des pays, non seulement le manque d’équité persiste mais dans certains cas, il a augmenté.
40L’analyse des tendances de l’éducation pour la santé dans le laps de temps compris entre le début du xxie siècle et aujourd’hui, indique qu’émergent différentes expériences qui cherchent à modifier l’absence d’équité à partir de multiples secteurs, niveaux et lieux en Amérique latine.
41Sans vouloir nier l’hétérogénéité socioéconomique, politique, ethnique, culturelle et épidémiologique existant dans les pays de la région, les données dont nous disposons laissent entendre qu’au cours de la dernière décennie, on a assisté à un rapprochement notable et une complémentarité entre le cadre conceptuel et opérationnel de la promotion de la santé et de l’éducation pour la santé. Cette dernière a élargi son horizon en incorporant des référents théoriques et méthodologiques du champ de la santé collective de même que des sciences sociales et anthropologiques.
42Toutefois cette tendance n’est pas majoritaire. Il subsiste dans les pays de cette région du monde des visions biomédicales et unidirectionnelles du processus éducatif en santé focalisées sur l’individu et la responsabilité personnelle, qui minimisent l’importance des facteurs structurels et des organisations sociales. On retrouve fréquemment cette approche dans les actions des ministères de la Santé mais aussi, dans une moindre mesure, de l’Éducation, du Travail et de l’Environnement.
43Une diffusion accrue et l’adoption de propositions centrées sur la santé (et non la maladie), sur ses déterminants sociaux et sur la recherche d’une plus grande équité, exigent, dans l’avenir immédiat, que l’on réalise un effort soutenu et synergique au niveau local, national et régional, dans lequel doivent participer et s’engager les agences internationales, les organisations sociales et les différents secteurs des gouvernements latino-américains.
44Aucun conflit d’intérêts déclaré
Références
- 1Bourdieu P. Cuestiones de sociología. Madrid: Akal; 2000.
- 2Lustig N, Lopez-Calva L, Ortiz-Juarez E. Declining Inequality in Latin America in the 2000s. The Cases of Argentina, Brazil, and Mexico. Washington DC: The World Bank. Latin America and the Caribbean Region. Poverty, Equity and Gender Unit; October 2012.
- 3Organización Panamericana de la Salud/Organización Mundial de la Salud, Información y Análisis de Salud (HSD/HA): Situación de Salud en las Américas: Indicadores Básicos 2012. Washington, DC : OPS-OMS ; 2012.
- 4Programa de las Naciones Unidas para el Desarrollo. Informe sobre Desarrollo Humano de los Pueblos Indígenas en México. El reto de la desigualdad de oportunidades. México : PNUD ; 2010.
- 5Braverman P, We are failing on health equity because we are failing on equity. Aust. N. J. Public Health. 2012;36(6):515.
- 6Villaseñor F, Gómez F. Manual de educación higiénica. México : Centro Regional de Ayuda Técnica ; 1956.
- 7Organización Panamericana de la Salud- Organización Mundial de la Salud, Plan de acción regional para la promoción de la salud de la salud en las Américas. XXXVII Reunión del Consejo Directivo de OPS. Washington DC: OPS-OMS; 1993.CD 37/17.
- 8Organización Panamericana de la Salud- Organización Mundial de la Salud. Promoción de la salud y equidad. Declaración de la Conferencia Internacional de Promoción de la Salud de Santafé de Bogotá. Bogotá: OPS-OMS. Ministerio de Salud de Colombia; 1992.
- 9Carlos. Entrevista realizada el 30 de octubre de 2012.
- 10Cardaci D. ¿Profesionalizar la Promoción de la Salud? Glob Health Promot. 2012;19(2):82-3.
- 11Arroyo H. La formación de recursos humanos y el desarrollo de competencias para la capacitación en promoción de la salud en América latina. Glob. Health Promot. 2009;16(2):66-72.
- 12Arroyo H. Coordinador de CIUEPS. Entrevista realizada el 8 de octubre de 2012.
- 13Lupton D. Risk. Nueva York: Routledge; 1999.
- 14Cardaci D. Promoción de la Salud: ¿cambio cultural o nueva retórica? In: Bronfman M, Castro R. (Ed.). Salud, cambio social y política. Perspectivas desde América Latina, México: Instituto Nacional de Salud Pública – International Forum for Social Sciences in Health. 1999:403-23.
- 15Freire P. La educación como práctica de la libertad. Buenos Aires: Siglo XXI Editores; 1969.
- 16Seppilli A. Educazione Sanitaria e Salute Publica. L’Educ. Sanit, 1958;3(3-4):265-8.
Mots-clés éditeurs : promotion de la santé, Amérique latine, éducation pour la santé
Date de mise en ligne : 09/07/2013
https://doi.org/10.3917/spub.133.0161Notes
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L’article original a été rédigé en espagnol et traduit en français par Marie-Claude Lamarre, Directrice exécutive de l’Union internationale de Promotion de la Santé et d’Éducation pour la Santé (UIPES).
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Professeur, chercheur, titulaire de l’« Universidad Autónoma Metropolitana Xochimilco » de Mexico – Vice-présidente régionale de l’UIPES pour la région de l’Amérique latine (2007-2010) – Área de Investigación, Educación y Salud – Departamento de Atención a la Salud – Universidad Autónoma Metropolitana Xochimilco – Calzada del Hueso 1100 – Col. Villa Quietud – Delegación Coyoacán – C.P. 04960 – México D.F.
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Dans ce document, l’Amérique latine est définie selon le critère utilisé à l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé (UIPES), à savoir le Mexique, sept pays de l’isthme centroaméricain, deux des caraïbes de langue espagnole, cinq de la zone andine, le Brésil et les quatre pays du cône sud.
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L’expression « maladies du retard épidémiologique » fait référence aux conditions qui, du fait de l’existence d’une organisation sociale inéquitable, continuent d’être un problème majeur pour de grands groupes de la population. Le concept regroupe : a) les infections communes, b) les problèmes liés à la reproduction, c) les maladies associées à la malnutrition.
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Parmi les sujets qui ont généré le plus de recherches, on trouve : la pratique médicale, la participation populaire, le marché du travail des professions de santé et les facteurs sociaux déterminants de la morbidité et mortalité. L’éducation pour la santé, spécifiquement, n’a pas occupé une place remarquable, mais les analyses et publications sur les thèmes signalés ont motivé des changements dans ce domaine. Depuis ses débuts, le courant médico-social latino-américain a maintenu des liens étroits avec des intellectuels européens qui partageaient des cadres de référence semblables. On trouve parmi eux Giovanni Berlinguer, Vicente Navarro et Laura Conti.
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Les subjectivités du risque sont les formes sous lesquelles les personnes construisent leurs connaissances sur le risque dans le contexte de leur vie quotidienne et ainsi décident des pratiques de réduction du dommage qu’elles adoptent (Lupton, 1999 :104). Celles-ci peuvent faire partie de la biomédecine ou de savoirs non allopathiques (acuponcture, herboristerie, et autres).