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Article de revue

Analyses de livres

Pages 283 à 285

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Rapport final du Programme national de recherche « Fin de vie » – Suisse, Fonds national suisse de la recherche scientifique, Fin de vie programme national de recherche PNR67, Comité de direction du PNR 67 Fin de vie, Berne, 2017 : 68 p. ISBN : 978-3-907087-41-1

1À fin 2017 a été publié le Rapport de synthèse du Programme national de recherche suisse n° 67 (disponible sur www.pnr67.ch), qui a porté sur cinq ans, avec 33 projets. Les éléments ci-dessous résument des résultats dignes d’attention.

2Décisions en fin de vie. « Dans 4 cas sur 5 de morts “non inattendues”, les médecins prennent une ou plusieurs décisions au risque ou avec l’intention d’abréger la survie. Une telle décision a été plus souvent prise que voici seulement douze ans. Dans 3 décès sur 10, la raison en était la lutte contre les symptômes ou les douleurs ».

3Aspects éthiques et juridiques. « Les institutions et les associations professionnelles doivent assurer la mise en place de principes médico-éthiques, par exemple le respect de l’autodétermination, et encourager la prise de décision partagée ». « Dans la prise en compte de la volonté du patient, la capacité de discernement joue un rôle central. Aucun instrument valable pour évaluer cette capacité n’a été établi ; de nombreux médecins se sentent dépassés par cette tâche. Il faut donc clarifier avec précision les critères employés ». NB : il en va de même quand la loi dit qu’il convient de tenir compte de la « volonté présumée » de la personne en fin de vie et (vs ?) de ses « intérêts » objectifs – distinguer ces deux aspects.

4Ne pas vouloir être une charge. « Le sentiment d’être une charge est fréquent chez les personnes gravement malades (…) Il s’accompagne de sentiments de faute, de honte voire de haine de soi, mais aussi de souci ou d’amour pour les proches ».

5Proches aidants. « Les proches contribuent largement à la prise en charge et à éviter des erreurs de traitement – mais ils se sentent souvent fatigués, livrés à eux-mêmes et incompris. Il faut à cet effet des décisions politiques pour soutenir les proches aidants sur les plans financier, émotionnel et pratique ».

6Soins intensifs ? « Une interface importante à l’hôpital se situe entre la médecine interne et la médecine intensive : dans quelles conditions et pourquoi un patient à un stade avancé est-il transféré en soins intensifs ? Selon une étude aux Hôpitaux universitaires de Genève, les critères comprennent l’indication médicale mais aussi des facteurs contextuels, la volonté du patient et la qualité de la communication entre les médecins ».

7Soins palliatifs. « Les soins palliatifs doivent être mieux ancrés. Les divers acteurs importants ne sont bien connectés entre eux que dans de rares régions et la prise en charge est fragmentée. Le personnel de santé possède souvent des connaissances insuffisante ». Les soins palliatifs comprennent aussi l’accompagnement psychosocial et spirituel. « Les conceptions exprimées en soins palliatifs montrent que des éléments tels que maîtrise de la douleur, conservation de la qualité de vie, adieux et réconciliation, communication et conscience sont tenus en haute estime ».

8Sédation profonde. « Un nombre notable de patients meurent sous sédation profonde continue. En 2013, c’était le cas pour une personne en fin de vie sur six. Cette sédation dure jusqu’à la mort et va de pair avec un arrêt des apports en nourriture et en liquides ».

9Religiosité alternative. « Les conceptions et pratiques de religiosité alternative prennent de plus en plus d’importance. De nouvelles conceptions de la fin de vie et de la mort se répandent, avec des systèmes de valeurs et des idéaux hétérogènes – liés au relâchement des liens avec l’Église et à l’accent mis sur l’individualité. (…) L’assistance spirituelle classique de l’Église est en général ressentie comme une aide, à condition que les patients lui donnent son accord et que les assistants spirituels aient assez de temps et de compétences ».

10Défi sociétal. Vu l’évolution démographique, la prise en charge des personnes en fin de vie aura de plus en plus d’importance. « Tout individuelle que soit la fin de vie, elle est très influencée par les conditions politiques, économiques et culturelles. Elle est un défi qui demande une réponse collective et réfléchie. » Le chapitre conclusif du rapport, avec onze impulsions, souligne que « c’est à la société qu’il incombe de permettre à ses citoyen-ne-s de pouvoir mourir dans la dignité et l’autodétermination, en bénéficiant d’un accompagnement approprié et autant que possible libérés des peurs et des souffrances ».

11Jean Martin

Emploi, Formation et Tutorat en santé mentale Des innovations nécessaires en Europe, Laurence Fond-Harmant, Jocelyn Deloyer (sous la direction de), Coll. Logiques Sociales, Paris, L’Harmattan, 2017 : 205 p. ISBN : 978-2-343-12219-9

12Cet ouvrage dresse un constat. Il existe en Europe « une crise professionnelle évidente » en psychiatrie, une crise des vocations, et donc une pénurie de soignants et de travailleurs sociaux. On note aussi un manque d’évaluation des pratiques professionnelles. Il est nécessaire de former de nouvelles générations de professionnels, mieux formés, porteurs de compétences nouvelles compte tenu de l’évolution actuelle de la santé mentale.

13Ce livre original, publié simultanément en français et en anglais, est un travail collectif rassemblant une diversité inédite d’auteurs : psychologues, sociologues, infirmiers, épidémiologistes, économistes de la santé, psychiatres, administrateurs, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, acteurs de santé publique… Le projet des auteurs est de renouveler la pratique psychiatrique, de parler plutôt de bien-être mental que de maladie mentale, de promouvoir une santé mentale positive, non plus vue comme l’absence de maladie mentale, mais comme la satisfaction de la vie, le bien-être émotionnel, l’optimisme, l’espoir, l’estime de soi, la résilience, la spiritualité. Pour mettre en œuvre cette psychiatrie renouvelée, un programme européen de recherche opérationnelle en promotion de la santé mentale a été construit et mené à terme (2014-2017), le programme « TuTo », qui a mobilisé une centaine de professionnels dans 10 pays. Il s’est agi de créer des réseaux internationaux de tutorat de jeunes professionnels. C’est ce processus que décrit le livre, en présentant des analyses, des études, des retours d’expérience et des évaluations. L’ouvrage fournit les preuves de l’utilité de réseaux internationaux et des approches multisectorielles visant à promouvoir une action rénovée en santé mentale.

14Jean-Pierre Deschamps

La santé mentale des jeunes, Mohamed El Moubaraki, Émile-Henri Riard (sous la direction de), Éditions L’Harmattan, 2017 : 254 p. ISBN : 978-2-343-11679-2

15Ne verrait-on pas sur la couverture le logo de l’Association Migration Santé, on n’aurait pas l’idée que ce livre concerne les jeunes « issus de l’immigration ». Il s’agit d’un ouvrage collectif constitué d’« articles » relatifs à des jeunes venus – ou dont les familles sont venues – du Maroc, de Turquie, du Vietnam, et observés en France, mais aussi d’Amérique Latine et rencontrés au Brésil.

16On sait depuis longtemps la qualité du travail de l’Association Migration Santé France, et le présent ouvrage en témoigne encore. Il décrit ce que le processus migratoire entraîne de ruptures et de problèmes de santé (de santé psycho-sociale disent les auteurs), de difficultés économiques, de difficultés d’élaborer un projet professionnel. Les relations intrafamiliales se construisent en fréquentes contradictions avec les exigences de la société, de l’école en particulier. La puberté aggrave souvent ces difficultés. Beaucoup de jeunes se sentent « étrangers à eux-mêmes et à leur entourage ». Ces ruptures sont vectrices de difficultés multiples, de rejet de la culture traditionnelle, qui s’expriment, parmi les formes les plus récentes, par la fréquence des cyberdépendances, par un mélange d’attirance et de répulsion à l’égard de la culture du pays d’accueil, source de déviance pouvant aller jusqu’à l’extrémisme dont on mesure aujourd’hui les ravages.

17En fin d’ouvrage, les auteurs, évoquant la diversité des situations, et le fait que celles-ci soient trop peu souvent considérées de manière positive, empêchant de savoir « pourquoi un certain nombre de jeunes, peut-être la majorité, ne rencontrent pas de difficultés particulières dans la construction de leur projet, ce qui permettrait sans doute de mieux comprendre ceux (…) qui sont en difficulté ».

18Un ouvrage intéressant sur une problématique parfois abordée, mais rarement, comme ici avec cette diversité des cultures concernées et des points de vue.

19Jean-Pierre Deschamps

La parentalité à l’épreuve de la maladie ou du handicap : quel impact pour les enfants ?Jacqueline Wendling, Émilie Boujut, Thomas Saïas (sous la direction de), Éditions Champ social, 2017 : 190 p. ISBN : 979-1-0346-0081-6

20Quel sont les conséquences, pour le développement et le devenir de l’enfant, des maladies ou handicaps des parents (le livre s’intéresse surtout aux mères) ? Comment gérer la vulnérabilité ? Les auteurs ont fait la revue de la littérature scientifique internationale (plus de 400 références retenues à partir l’année 2000) concernant la pathologie psychiatrique (les troubles psychotiques et les syndromes bipolaires, les dépressions, les addictions), les maladies somatiques (cancers, diabète, sclérose en plaques), les handicaps moteurs et sensoriels, et les déficiences mentales, et même le « syndrome de Münchhausen par procuration », pas aussi rare qu’on pourrait le penser.

21Pour chaque type de pathologie, sont analysées les conséquences pour l’enfant, les modalités d’accompagnement des familles et leur considérable diversité. Les auteurs formulent des propositions, des pistes de travail pour l’accompagnement à la parentalité dans ces conditions difficiles, accompagnement médical et psychologique mobilisant les soignants mais aussi les aidants familiaux, la famille élargie, l’école, la communauté, les travailleurs sociaux, les réseaux associatifs. Ils plaident pour que la parole soit donnée aux enfants et adolescents concernés pour connaître leurs représentations de la déficience parentale et de ses conséquences sur leur bien-être, leur scolarité, leurs relations sociales. Des pistes sont proposées pour une meilleure formation des professionnels concernés et les recherches à entreprendre.

22C’est un livre nécessaire, venant combler une insuffisance de considération et de prise en charge des familles et des enfants exposés à ces situations.

23Jean-Pierre Deschamps

Réduire les inégalités sociales de santé. Une approche interdisciplinaire de l’évaluation, Nadine Haschar-Noé, Thierry Lang, Santé sociétés, PUM, Toulouse, 2018 : 522 p. ISBN : 978-2-8107-0525-2

24Une trentaine d’auteurs a collaboré à cet impressionnant ouvrage de plus de 500 pages. Le titre en est général, mais le sous-titre est plus précis : « Une approche interdisciplinaire de l’évaluation ». C’est bien d’interdisciplinarité et d’évaluation qu’il s’agit, avec un éventail impressionnant de disciplines : santé publique, épidémiologie, bio-statistique, psychologie sociale, sociologie, sciences politiques, etc. Cette conjonction a été permise par la mise en place, depuis une dizaine d’années, du programme AAPRISS (Apprendre et agir pour réduire les inégalités sociales de santé), lui-même porté par l’Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires en Santé Société que dirige Thierry Lang à Toulouse. La démarche sur laquelle est fondé le projet AAPRISS est de revoir l’ensemble des politiques de santé, de prévention et les politiques hors du système de santé vis-à-vis des inégalités sociales de santé (ISS). « Il ne s’agit pas d’une intervention supplémentaire, mais d’un méta programme, dont l’objectif est d’analyser les politiques de santé avec les acteurs, de proposer ensemble des réorganisations, des remaniements des interventions de santé publique et si nécessaire promouvoir des actions complémentaires à celles existantes, en se donnant les moyens de réfléchir à l’évaluation de cette démarche ». L’approche interdisciplinaire était indispensable pour aborder un objet de recherche décrit comme « frontière entre la sociologie et l’épidémiologie » (« les méthodes de l’épidémiologie sont inadaptées, ou du moins insuffisantes pour évaluer »), pour mobiliser des déterminants qui concernent l’ensemble du système économique et social, bien au-delà du système de soins, et qui intéresse chaque citoyen. Les inégalités sociales de santé sont « un objet socialement et politiquement construit », « une construction sociale et historique » (depuis Villermé…). La santé est vue comme « un des avatars des inégalités sociales » et les auteurs citent Didier Fassin évoquant la « sanitarisation du social », et la prise en compte du « bio-pouvoir » (curieusement sans citer Foucault). Il s’agit d’une recherche interventionnelle, soulignant l’importance du contexte, non comme un élément à neutraliser (au sens épidémiologique du mot), mais comme un élément à prendre en compte dans l’intervention. L’évaluation, un des buts ultimes de la recherche, est, elle aussi, forcément interdisciplinaire puisque les modèles expérimentaux d’évaluation en santé publique ne sont pas suffisants. Parmi les interventions analysées figurent deux dispositifs régionaux, le processus d’observation des ISS par l’Agence Régionale de Santé d’Aquitaine, et le fonctionnement des Contrats locaux de santé. En fin d’ouvrage, les auteurs jugent que l’évaluation des interventions, dans le cadre et avec les méthodes d’APPRISS, est possible et ils témoignent de leur transférabilité.

25Il est difficile de rendre compte en peu de lignes de cet imposant travail, au demeurant écrit en courts chapitres par des auteurs ou des groupes d’auteurs multiples, entraînant des répétitions et des doublons. C’est un livre de chercheurs, écrit pour des chercheurs, mais utile pour tous ceux qui s’intéressent aux ISS, ou qui agissent pour les réduire, et qui a l’immense mérite de les aborder en profondeur, de manière interdisciplinaire, entreprise unique à ce jour dans le paysage très excessivement encombré de la littérature française sur le sujet.

26Jean-Pierre Deschamps


Date de mise en ligne : 07/08/2018

https://doi.org/10.3917/spub.182.0283

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