Introduction
1 Les maladies cardio-vasculaires (MCV) représentent une des causes majeures de mortalité en France. Elles sont à l’origine de près de 220 000 décès par an, dont 25 % affectent des personnes de moins de 75 ans [1]. Les circonstances de survenue de ces maladies dépendent essentiellement de l’âge et de facteurs de risques associant des comportements individuels (tabagisme, déséquilibre nutritionnel, sédentarité) et des conditions environnementales, potentialisant des susceptibilités individuelles acquises ou génétiques familiales (obésité, hypercholestérolémie, diabète de type 2, hypertension artérielle). Comme il n’est pas possible d’agir sur les marqueurs de risque, les stratégies de prévention reposent donc essentiellement sur la promotion de comportements positifs pour la santé et la réduction des facteurs de risques comportementaux à tout âge de la vie (tabac, alimentation, sédentarité notamment), par leur repérage et par une prise en charge adaptée [2].
2 Chez les personnes souffrant de troubles psychiques au long cours (TPLC), comme les personnes souffrant de schizophrénie, les études épidémiologiques rapportent une incidence plus élevée (26,5 % ; odds-ratio [OR] = 1,76) de MCV que dans la population générale [3, 4]. Les prévalences respectives de l’obésité (45 à 55 %), du tabagisme (50 à 80 %), du diabète (10 à 15 %), de l’hypertension artérielle (19 à 58 %), de la dyslipidémie (25 à 69 %) et du syndrome métabolique (37 à 63 %) sont au moins deux fois plus importantes que celles observées en population générale [4, 5]. Dans ce contexte, le risque de maladies coronaires est de 2 à 3,6 fois plus haut chez les patients souffrant de schizophrénie par exemple, comparé à la population générale [6, 7]. Les MCV sont l’une des causes majeures de surmortalité de ces populations en dehors des causes liées au suicide [8].
3 En pratique, pour les personnes souffrant de TPLC, la Fédération Française de Psychiatrie recommande, de faire une recherche systématique des facteurs de risques cardio-vasculaires (RCV) : tabagisme, obésité, syndrome métabolique, dyslipidémie, hypertension, diabète et de veiller à ce que les patients reçoivent le traitement adéquat [9]. Par ailleurs, une évaluation de l’hygiène alimentaire, de l’activité physique, des conduites addictives et des conditions socio-économiques est recommandée car ces facteurs contribuent à détériorer le profil de risque [9].
4 Il est triste de constater que les modalités de réduction du RCV ont une pénétrance moindre pour les personnes ayant un TPLC, alors même que le risque de MCV est clairement identifié et que les recommandations pour la prise en charge de ces troubles sont connues de tous les soignants. Des études montrent que le gap d’espérance de vie entre la population générale et les personnes souffrant de TPLC continue de s’accroître [8]. Le mode de vie des patients, les processus pathologiques intrinsèques de la maladie mentale, les effets indésirables des traitements médicamenteux et l’insuffisance de soins s’intriquent de manière complexe et génèrent une surmortalité élevée [3, 7, 8].
5 À notre connaissance, il n’existe pas de stratégies efficaces pour une prise en charge des soins du risque RCV chez les personnes souffrant de TPLC, dans la mesure où les conséquences de la maladie mentale semblent avoir un rôle critique dans la promotion des soins de santé physique. Il a été toutefois démontré que l’admission volontaire au traitement plutôt que l’admission forcée peut être utile pour augmenter les niveaux de motivation aux soins prescrits chez les patients psychiatriques [10, 11]. Dit autrement, la prise en charge « médicale » d’une maladie est d’autant plus efficace que le patient est impliqué dans son projet de soin, qu’il a une vision plus ou moins objective de sa situation de santé, point crucial d’un engagement dans l’acte de se soigner et/ou de prendre soin de sa santé.
6 Partant de ce constat, nous formulons l’hypothèse (étude Copsycat [Programme de Recherche pour la Performance su Système de Soins (PREPS) financé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS]) qu’une des clés pour réduire le RCV serait la prise en compte de l’expérience et des représentations de ce risque, plus particulièrement ceux liés aux comportements et aux habitudes de vie, par toutes les personnes concernées par cette problématique de santé : les personnes ayant un TPLC, mais aussi leurs aidants, les professionnels de santé primaire et les professionnels de la psychiatrie. Les éléments de ce risque ainsi identifiés permettront la co-construction d’une intervention de promotion de la santé visant à relativiser l’importance du système de soins face aux déterminants de la santé.
7 Le but de cet article est d’identifier, selon le point de vue de professionnels de soins primaires et de la psychiatrie, leurs attentes et leurs besoins pour apporter aux usagers une meilleur prise en charge médicale et paramédicale du RCV ainsi que d’approfondir la compréhension des facteurs responsables d’une limitation, voire d’un non accès aux soins de santé physique.
Matériels et méthodes
Schéma de l’étude
8 Il s’agit d’une étude qualitative prospective et multicentrique réalisée en deux temps :
9 Étape 1 : Une phase exploratoire, par entretiens individuels, en début d’étude afin de permettre la création des grilles d’entretiens collectifs ad hoc.
10 Étape 2 : Une étude qualitative proprement dite qui s’inscrit dans la lignée de l’anthropologie médicale, de la sociologie des systèmes de santé et des recherches sur les déterminants psychosociaux des facteurs de RCV. Partant des réalités du terrain dans leur variété clinique, on privilégiera l’approche inductive et abductive par le biais des Focus Groups (FG) [12] en s’inscrivant dans la perspective de la théorie ancrée ou enracinée [13].
Déroulement chronologique de l’étude
Étape 1 : Étude exploratoire monocentrique
11 La phase exploratoire a été réalisée à Dijon. Elle a consisté en : la création et la validation de l’outil propre à la conduite des FG (grilles d’entretiens collectifs) qui repose sur :
- les données issues de la revue de littérature et,
- la conduite d’entretiens semi-directifs exploratoires, auprès de professionnels de santé de soins primaires et professionnels de la psychiatrie, par un sociologue de la santé. Le nombre de participant aux FG oscillait entre 5 et 7 professionnels [14]. Un travail d’expertise (méthode Delphi) a ensuite été mené par les membres du Comité de Pilotage afin de dégager du corpus exploratoire les éléments nécessaires à la création des guides d’entretiens collectifs.
Étape 2 : Étude qualitative multicentrique
12 Phase 1 : Après recueil de l’accord oral et inclusion des participants dans l’étude qualitative, les FG (6 à 8 personnes/FG) ont été conduits par deux sociologues. Tous les FG ont été conduits jusqu’à saturation des données.
13 Phase 2 : Analyse thématique et conceptuelle des données de l’intégralité du corpus et triangulation des codages par le Comité de Pilotage de l’étude.
Stratégie d’analyse
14 Afin de réduire les biais d’analyse et d’assurer la validation croisée des données (triangulation), les données issues des entretiens ont été analysées et interprétées par les deux sociologues engagés sur le terrain, puis en réunion interdisciplinaire avec le comité de pilotage de l’étude, composé entre autres d’usagers. Pour la phase exploratoire comme pour les entretiens de la phase opérationnelle, les méthodes de passation des entretiens collectifs et d’analyse des données s’inspirent des méthodes d’analyse des données qualitatives décrites par Paillé, Mucchielli et al., [15]. Celles-ci ont l’avantage d’être réplicables et de s’appuyer solidement sur les écrits des théoriciens de la recherche qualitative.
Critères d’inclusion
15 Professionnels de soin primaire (médecins généralistes, IDE, diététiciens, pharmaciens…) en exercice, suivant au moins une personne ayant un trouble psychique au long cours avec une Affection de Longue Durée (ALD 23).
Nombre de sujets nécessaires
16 Le nombre de sujets à inclure dans l’étude qualitative est défini par le seuil de saturation des concepts à environ 30 sujets [13, 15].
Considérations éthiques
17 Cette recherche a reçu l’approbation du Comité de Protection des Personnes (CPP IDF XI, 11 avril 2019), et la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
Résultats
18 Dans un premier temps nous donnerons les résultats issus des FG des professionnels de la psychiatrie puis ceux des soins primaires.
Points de vue des professionnels de la psychiatrie
Population
19 Les données présentées sont issues de quatre focus groupes conduits auprès des professionnels hospitaliers des centres de Angers, Dijon, Lille et Tours. Parmi les 30 professionnels hospitaliers de psychiatrie interrogés, 21 (70 %) étaient des femmes et l’âge moyen de l’ensemble des professionnels était de 43 ans. Parmi eux, 27 % étaient médecins (psychiatres, généralistes), 60 % IDE, 10 % cadres de santé et 3 % ergothérapeutes.
Analyse du corpus
20 L’analyse du corpus a permis d’identifier trois thématiques principales (Figure 1).
Analyse du point de vue des professionnels de la psychiatrie
Analyse du point de vue des professionnels de la psychiatrie
Les problématiques identifiées
Des difficultés à aller vers le soin
21 Parmi les freins identifiés par les professionnels hospitaliers, on repère prioritairement la difficulté des patients à aller vers le soin. Ces réticences peuvent être alimentées par la crainte de devoir subir une intervention invasive (opération, ablation) :
« Un patient qui a une suspicion de cancer, au niveau de la base de la langue, il refuse les examens, parce qu’il veut mourir entier… »
23 Cela peut entrainer des délais assez longs avant la réalisation des examens prescrits.
« Ce n’est pas toujours facile, les patients ont du mal à aller faire une prise de sang, (…). »
25 De fait, les professionnels hospitaliers disent avoir tendance à « pousser » les patients vers la médecine de ville, observant que ces derniers peinent à s’y rendre spontanément.
« L’hôpital de jour aussi pousse chaque patient pour qu’il y ait un médecin de ville, un médecin généraliste référent, ça c’est aussi un point qui est très important, même si on a des freins parfois. ».
27 Les freins identifiés chez les patients peuvent être liés à de mauvaises expériences antérieures. Par exemple, celle d’avoir été exposé à un discours stigmatisant ou accusateur, plus particulièrement autour de l’hygiène de vie.
« J’ai un patient qui a déjà fait un infarctus y a plusieurs années, qui doit voir un cardiologue régulièrement, j’ai réussi à le ramener chez le cardiologue et en fait sa grosse crainte c’est la peur du jugement. »
La mauvaise hygiène de vie
29 De façon assez unanime, les professionnels hospitaliers observent une mauvaise hygiène de vie chez les patients en psychiatrie. Ils insistent en particulier sur la consommation de tabac, les mauvaises habitudes alimentaires et la sédentarité.
« Nous on les suit, on les accompagne et c’est toujours un peu difficile parce que malgré les soins apportés, y a le tabac qui est toujours présent (…). »
31 Mais de façon paradoxale, les professionnels hospitaliers souscrivent à l’idée qu’arrêter de fumer serait non prioritaire pour les patients.
« Même chez les professionnels quand on a commencé à en parler, y avait des freins en disant : mais c’est tout ce qui leur reste (…) ils n’arrêteront pas, ça sert à quoi. »
33 Ainsi, les considérations d’ordre éthique ne sont jamais très éloignées dès lors que sont évoquées les problématiques liées au tabac ou à l’alimentation, comme si la notion de libre arbitre (ou de plaisir) en venait à supplanter la présence réelle du risque ou tout au moins rentrer en considération dans la balance bénéfices/risques pour les professionnels interrogés.
34 Par ailleurs, les enquêtés observent chez les patients des pratiques alimentaires qui ne sont pas favorables à la santé. Ces derniers auraient tendance à trop manger ou à manger mal.
« Moi je me suis mise dans un rayon avec un patient, en gros il prenait ce qu’y avait sur le passage, y aurait eu qu’un rayon dans le magasin, c’était pareil. »
36 Enfin, les soignants émettent de sérieux doutes sur le fait que les patients connaissent les recommandations au sujet de la nutrition, sur leurs capacités à s’approprier et à mettre en pratique ces préconisations nutritionnelles (exemple des cinq fruits et légumes par jour).
« Après, ils disent souvent aussi que c’est les médicaments qui leur donnent envie de manger (…), c’est les médicaments qui empêchent de faire du sport, parce que ça les ralentit. »
Le cloisonnement ville-hôpital
38 Les professionnels hospitaliers reviennent en général assez longuement sur les insuffisances au niveau du maillage ville-hôpital. Le manque est plus particulièrement identifié au niveau de la circulation des informations, ce qui complique le suivi des patients.
« (…) mais c’est le lien qui est difficile des fois à faire. (…) quelques fois, le patient il sait plus, qui il est allé voir (…). »
40 Les soignants témoignent également d’un « manque de retours » suite aux consultations des patients auprès des professionnels de santé de ville. Certains disent que le suivi a lieu uniquement lorsque les retours sont négatifs, pour acter par exemple un refus de continuer à recevoir tel ou tel patient.
« Et avec les secrétariats centralisés, on n’arrive plus à joindre les médecins, (…). On a du mal à les avoir en direct (…). »
42 Par ailleurs, les perceptions des professionnels de la psychiatrie au sujet de la médecine de ville apparaissent traversées par un ensemble de connotations négatives. Outre une moindre proximité avec les patients, le suivi en extra-hospitalier se caractériserait par un défaut d’intérêt ou de compréhension des problématiques liées à la santé mentale.
« À partir du moment où y a une étiquette psychiatrie, y a un certain rejet. »
44 Les soignants disent qu’ils poussent les patients à « sortir de l’hôpital » pour aller vers la médecine de ville. Mais cette dernière ne réserverait pas toujours un accueil approprié à ces patients considérés comme à besoins spécifiques : préjugés, manque de considération, de tact, rejet, incompréhension, crainte…
« Parce qu’ils ont peur (…). »
46 De cette façon, la médecine de ville est par endroit appréhendée comme un vecteur de stigmatisation. Cela peut aller de pair avec une vision hiérarchisée entre le volet psychiatrique qui serait pour ainsi dire prédominant relativement au volet somatique.
« Je pense aussi qu’à l’inverse, on a trop de connaissances (…). En fait, ce qui nous parait évident et facile, pour les autres c’est une montagne (…) »
Les principaux leviers
Aller vers plus d’échange d’informations
48 Les professionnels de la psychiatrie sont assez unanimes sur le fait que les patients sont plus faciles à mobiliser à partir d’un support écrit. Ils pointent un besoin de visualisation chez les patients, qui leur permet de mieux mémoriser, honorer leurs rendez-vous, et in fine réaliser les examens prescrits.
« Le médecin traitant, il a écrit sur une ordonnance, ce qu’il fallait qu’elle fasse en termes de rendez-vous, (…) du coup, ça l’a soutenue, je pense que pour elle ça a été un support finalement. »
50 Un outil partagé de type « Check-list » pourrait faciliter le suivi médical des professionnels positionnés autour d’un usager. Cela rejoint à la marge le principe du Dossier Médical Partagé (DMP). Même si des réserves sont émises en rapport avec des enjeux de confidentialité des données et de sécurité des personnes
« Faut leur accord, ça c’est une certitude, (…). »
52 Les autres solutions avancées en vue de mutualiser l’information résident dans le travail de mise en réseau, par exemple, des praticiens en médecine de ville pourraient s’engager à assurer le suivi des patients de secteur psychiatrique. Des dispositifs de type CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé), pourraient répondre à ce besoin de coordination.
« La mise en place des CPTS, quand elles existent, permettent d’avoir un interlocuteur unique et central pour l’ensemble du suivi somatique des patients (…) Il faut aller vers ces systèmes ! »
54 Parallèlement, les bilans tels que ceux proposés par la CPAM pouvaient constituer une aide précieuse pour remettre de l’ordre dans les dossiers des patients et favoriser un retour vers le soin :
« (…) ça m’est arrivé souvent de commencer par un bilan Sécurité Sociale, (…) donc, en fait suite au bilan sanguin de la Sécu, moi je peux orienter les soins sur lesquels je vais conduire le patient, et ça moi personnellement ça m’a énormément aidée, certains n’avaient pas du tout de médecin généraliste, on a pu reprendre un médecin généraliste et puis commencer les soins. »
56 Enfin, les médecins de ville qui s’efforcent d’observer une communication avec l’hôpital constituent une ressource rare mais précieuse :
« C’est vrai que c’est facilitant quand on a des généralistes qui font l’effort de prendre leur téléphone et d’appeler le CMP, ou de répondre quand nous on les appelle. »
58 La culture professionnelle des soignants est largement marquée par une éthique relationnelle, d’écoute et de respect des besoins des patients. Ainsi, respecter les besoins du patient c’est aussi parfois savoir renoncer aux soins pour privilégier la qualité de vie.
« Et finalement, c’est la qualité de vie qui compte, si lui, il préfère mourir entier avec son cancer de la langue, (…), j’ai l’impression que l’objectif de toutes nos prises en charge, c’est de les ramener le plus vite possible vers notre normalité… »
Favoriser l’accompagnement
60 C’est la culture d’une prise en charge globale qu’il faut étendre jusqu’à la médecine de ville. Cela peut, en partie, expliquer pourquoi les soignants se retrouvent dans un rôle d’accompagnants, précisément en réponse aux peurs ou appréhensions des patients face aux soins.
« Avec un accompagnement on arrive quand même à faire en sorte qu’ils aient leurs examens, (…). »
62 Le but est donc de favoriser un accès à l’autonomie. Au bout de plusieurs séances considérées comme concluantes, le soignant laisse le patient aller seul à ses rendez-vous médicaux.
« En fin de compte, l’objectif c’est qu’à un moment donné, ils puissent être suffisamment en sécurité pour pouvoir aller voir l’autre. »
64 Au-delà d’un accompagnement assumé en réponse aux besoins des patients en vue de favoriser l’accès aux soins, il en vient à être conçu comme un levier de décloisonnement. En effet, l’accompagnant permettrait d’opérer une forme de médiation entre l’hôpital – les services de psychiatrie – et la médecine de ville.
« Même chez les médecins généralistes, quand on les emmène, les secrétaires nous disent : « Vous l’accompagnerez ? ». Faut qu’il y ait quelqu’un parce qu’ils savent que si la personne vient comme ça toute seule, ça va être ingérable. »
66 En ce sens, la présence d’un accompagnant devient une réponse à un besoin réciproque, celui de rassurer à la fois les patients et les professionnels peu habitués aux troubles psychiatriques. Les enquêtés indiquent à plusieurs reprises que cet accompagnement ne devrait pas nécessairement être le fait d’un professionnel de la psychiatrie. Cela étant, la place des aidants est relativement peu abordée par les professionnels hospitaliers de façon spontanée.
« Les aidants familiaux sont en épuisement vite… »
68 En outre, si les participants s’accordaient à dire qu’il était nécessaire et intéressant de sensibiliser les aidants, il était important de veiller à ne pas toujours les mélanger aux usagers lors des interventions éducatives.
« Je trouve que mélanger les patients avec les aidants, ça peut mettre un peu une confusion. C’est bien qu’ils aient chacun leur espace (…). »
Actions à mettre en place
Favoriser les bonnes pratiques
70 Les professionnels hospitaliers insistent sur le manque de connaissances par les professionnels de ville des maladies psychiques, ce qui complique l’accueil et le suivi des patients.
« Je pense qu’il faudrait déjà qu’on forme les professionnels extérieurs à la psychiatrie pour mieux accueillir nos patients (…). »
72 Les messages visent surtout à faire tomber des idées préconçues, et plus largement à neutraliser les logiques de stigmatisation.
« Le patient il n’est pas plus dangereux qu’un autre, (…), il a besoin d’explications simples (…). »
74 Il semble également plus pertinent de construire des programmes d’éducation à la santé à partir des demandes des patients. Cela implique de comprendre les difficultés réelles que ces derniers peuvent rencontrer, comme par exemple les problèmes de mémorisation.
« On essaye de refaire la recette et de la refaire une deuxième fois et la troisième fois (…). »
76 Ces bonnes pratiques pourraient être associées au renforcement des liens entre la médecine de ville et les soignants en psychiatrie. Par exemple, via l’utilisation de logiciels qui permettent une meilleure communication, par l’établissement de protocoles pour certains traitements médicaux par exemple, ou encore à partir d’une présentation des ressources médicales aux nouveaux entrants dans la médecine de ville.
« Après pour les médecins qui s’installent en campagne, (…) est-ce que l’on ne pourrait pas proposer quelque chose à l’installation, qu’ils aient une présentation du réseau, de ce qui est possible, (…) qu’ils sachent un peu déjà ce qui est proposé sur le territoire. »
78 Un travail sur les représentations réciproques semble pour le moins incontournable afin d’induire un décloisonnement porteur de bonnes pratiques.
« Le mot qui a permis d’apaiser les choses, c’est de dire que nous aussi on avait les mêmes difficultés (…). »
Promouvoir le rapprochement du soma et du psyché
80 Les pistes d’actions à promouvoir sont, enfin, largement conçues autour de cette nécessité d’articuler davantage les champs du soin psychiatrique et du soin somatique. Concrètement, cela signifierait de parler du risque métabolique en psychiatrie et de sensibiliser les professionnels du somatique aux spécificités de la psychiatrie. Cette approche est d’autant plus pertinente que les professionnels hospitaliers disent parvenir à mobiliser davantage les patients à partir des bilans sanguins. Comme si prendre appui sur les données objectives qui figurent sur les comptes-rendus d’analyses permettait une prise de conscience propice à l’adoption d’attitudes favorables à la santé ou à l’inscription dans une démarche de soins.
« J’ai vraiment l’impression que ce qui fait peur et ce qui alerte plus les patients c’est : « votre bilan sanguin n’est pas bon », (…), du coup, j’ai l’impression que ça marche (…) ».
82 Un autre type d’action mis en exergue par les professionnels et qui semblait remporter une forte adhésion chez les participants, ce sont les campagnes de dépistage du RCV en direction des patients souffrant de TPLC.
« Peut-être qu’il faudrait faire comme la population général (…), nous à 50 ans, on a un dépistage du cancer du sein, un dépistage pour les cancers du côlon, etc. Peut-être, il faudrait faire une campagne du RCV chez ces personnes vulnérables de manière globale. »
84 De fait, les soignants s’appuient sur leurs observations concernant les convocations de la CPAM, prises particulièrement au sérieux par les patients. Le principe de gratuité serait également facilitant. Enfin, l’intérêt serait lié au fait qu’ils ne se sentent pas « visés » en tant que patients souffrant de TPLC mais qu’ils soient intégrés à une campagne qui s’adresse à une population plus large. Autrement dit, la cible de cette campagne devrait être le RCV et non la maladie mentale.
Points de vue des professionnels des soins primaires
Population
85 Les données présentées ici sont celles issues des quatre focus groupes conduits auprès des professionnels de soins primaires des centres de Angers, Lille, Tours et Picauville (Manche). Parmi les 26 professionnels de soins primaires interrogés, 15 (58 %) étaient des femmes et l’âge moyen de l’ensemble des professionnels était de 44 ans. Parmi eux, 46 % étaient médecins généralistes, 27 % infirmiers diplômés d’État, 15 % pharmaciens, 8 % chirurgiens-dentistes et 4 % diététiciens. En ce qui concerne leur expérience professionnelle, 30 % avait moins de 5 ans d’expérience et 38 % plus de 15 ans.
Analyse du corpus
86 L’analyse des focus groups conduits auprès des professionnels de soins primaires a permis l’émergence de trois thématiques (Figure 2).
Analyse du point de vue des professionnels des soins primaires
Analyse du point de vue des professionnels des soins primaires
Les difficultés rencontrées
Les difficultés rencontrées liées aux patients
87 La variabilité des profils des usagers, concernant les caractères et la sévérité des troubles, sont autant de situations inédites auxquelles les professionnels doivent faire face, avec des connaissances limitées dans le domaine de la psychiatrie.
« J’avoue que je suis très intéressée, je connais un peu la psychiatrie mais disons dans le monde libéral on a aussi un petit peu peur par méconnaissance des comportements justement (…). »
89 Cette méconnaissance des troubles peut également s’exprimer sous les traits d’un défaut de lisibilité des pathologies psychiatriques :
« (…) ce n’est quand même pas tout à fait pareil parce que l’anxieux il va dire « J’ai mal dans la poitrine, ça fait des pics », (…) alors que les autres ils vont négliger un peu leur santé et du coup, voilà, on ne va pas savoir quoi faire (…) ».
91 Certains de ces patients sont d’ailleurs dans le déni de leurs troubles, notamment par crainte de la stigmatisation, refusent le soin et témoignent d’une grande méfiance à l’égard des traitements.
« Ils ne vont pas nous parler des difficultés qu’ils ont, parce que souvent, en effet, pour ne pas être stigmatisés, ils vont dire « tout va bien (…) ».
93 On comprend également que l’accueil de ces patients est plus compliqué à gérer pour les professionnels libéraux, entre les rendez-vous manqués et les situations qui dégénèrent parfois en salle d’attente. À terme, cela peut entrainer un refus d’accueillir ces patients par certains praticiens de ville.
« Quand ils ont rendez-vous, ils ne viennent pas, donc 1 fois, 2 fois, 3 fois, puis ils sont black-listés, ou alors ils viennent quand ils n’ont pas rendez-vous en exigeant d’être vus d’une façon un peu véhémente, alors ils mettent le bazar dans la salle d’attente. »
95 Ils déplorent également la mauvaise hygiène de vie des usagers (tabac, alimentation, sédentarité). Des freins financiers sont aussi évoqués comme pistes explicatives.
« Ils ont un tabagisme… Si on parle de maladie cardiovasculaire, ils ne font pas de sport, ils sont devant la télé toute la journée, ils fument beaucoup, ils mangent mal. ».
97 De plus, il est suggéré que ces patients se focalisent sur leur santé mentale au détriment de leur santé générale.
« En cabinet libéral, je pense que les psychotiques, ils ont du mal à consulter peut-être parce qu’ils sont suivis régulièrement par le psychiatre, et du coup, ils sont focalisés sur leurs troubles psy (…) ».
99 Réciproquement, les professionnels eux-mêmes reconnaissent qu’il leur arrive de se focaliser davantage sur la pathologie mentale, ou d’être prioritairement attentifs aux effets des traitements, ce qui peut les induire en erreur. Il en résulte une difficulté plus grande à diagnostiquer certaines pathologies, y compris en matière de RCV.
« Souvent on a plus tendance à se focaliser sur (…) on pourrait passer à côté sans le vouloir, parce qu’on est plus focalisé sur la pathologie mentale (…) ».
101 Les professionnels interrogés considèrent que les usagers ont une mauvaise connaissance de leur traitement, et refusent de communiquer sur leur santé mentale. S’ajoutent, en effet, des difficultés pour connaître les antécédents de ces patients.
« On récupère des gens, on ne sait pas ce qu’ils ont (…) Ils vont voir ailleurs, ils ne disent pas leurs antécédents (…) ».
103 De plus, le suivi médical est compliqué par l’instabilité psychique des patients et leur difficulté à effectuer correctement certaines démarches, telle que la prise de rendez-vous ou la préparation aux actes médicaux.
« Ah c’est des patients difficiles parce qu’ils prennent du temps, (…) il faut prendre les rendez-vous nous-même chez le spécialiste (…) ils n’ont pas compris qu’il fallait faire une préparation avant une coloscopie ».
105 Les professionnels interrogés ont questionné le droit et la pertinence, pour les usagers, de dévoiler leur statut psychiatrique à tout le monde. Concernant le rétablissement et l’autonomie, ce sont des notions vagues et la qualité de vie est jugée plus importante.
« L’autonomie… Ils sont autonomes à partir de quand ? Est-ce qu’on considère qu’un patient est autonome quand il est chez lui, qu’il a une indépendance au niveau du domicile et qu’il arrive à rester chez lui correctement mais, à côté de ça, il dépend des structures, il dépend des soignants, … Est-ce que c’est une vraie autonomie ! »
Les difficultés rencontrées liées au système de santé
107 L’ensemble des participants ont rapporté un important problème de communication entre la médecine de ville et l’hôpital. Il en résulte une impossibilité de connaître les pathologies des patients (psychiatriques comme somatiques), une augmentation des coûts par la répétition des actes, de la iatrogénie et une perte de chance
« La psychiatrie ça reste malgré tout un domaine pour lequel les transmissions d’informations sont quand même très réduites (…). »
109 Un tel fonctionnement cloisonné constitue, selon les professionnels de ville, un écueil majeur au niveau du partage et de la transmission d’informations. Ils disent être constamment obligés d’aller « à la pêche aux informations », et critiquent les lenteurs et la lourdeur du système hospitalier. Certains indiquent qu’il leur faut, par exemple, attendre deux à trois semaines avant d’obtenir une réponse. Ce défaut de communication peut être relié à l’absence d’un dossier médical partagé (DMP), même si la question du partage de données confidentielles pose questions.
« Si jamais le patient ouvre la lettre et qu’il la lit, eh bien, il ne reviendra pas ! Ou il porte plainte pour discrimination (…) »
111 Concernant l’éducation thérapeutique (ETP), les professionnels enquêtés en ont une perception plutôt favorable, mais ils mettaient en avant différentes contraintes empêchant sa mise en œuvre comme : des contraintes de formation, de lieu adapté, de création d’un programme… De plus, certains participants ne connaissaient pas du tout l’ETP.
« Par manque de place ! Parce qu’il faut qu’il y ait un local séparé, isolé, pour qu’il y ait quelque chose de confidentiel (…) ».
113 Si les infirmières ont été identifiées comme pouvant prendre le relais pour certains actes réalisés à domicile, le problème de la rémunération des infirmières pour ces actes réalisés a été évoqué. Le frein financier est important pour des professionnels rémunérés à l’acte, surtout s’il est nécessaire de consacrer davantage de temps aux patients.
« C’est mal coté (…) On ne peut pas demander à une infirmière de faire des actes si ce n’est pas rémunéré (…). ».
115 Un autre problème soulevé concernait le manque de communication sur les dispositifs existants (sport, ateliers cuisine, bien-être, etc.) pour les usagers. Les soignants savent que des dispositifs existent, mais n’ont pas d’informations précises et ne savent pas où orienter leurs patients.
« Je ne sais même pas si l’on connait l’étendue de l’offre en psychiatrie, je ne connais pas les structures, je ne sais pas comment c’est articulé (…) ».
117 Face à ce constat, un besoin de centralisation des données a ainsi été exprimé (coordonnée par exemple par les ARS, les CMP, les secteurs de psychiatrie…)
L’optimisation du suivi des patients
L’optimisation du suivi des patients s’appuyant sur le milieu médical
118 S’appuyer sur des supports écrits, de type compte-rendu ou carnet de liaison, constituerait une aide appréciable notamment pour les personnes suivies à domicile. D’une manière générale, lorsque les médecins et les infirmiers arrivent à définir un mode de communication (mail, sms), cela s’avérait facilitant pour le suivi des patients.
« Ce qui est bien et simple à faire pour les gens qui restent à domicile, c’est le carnet de liaison, (…) c’est vrai que c’est facile ! On va regarder : dernière prescription, dernier bilan biologique. »
120 Dans un même ordre d’idées, le recours à un outil de recueil d’informations du type questionnaire médical favorise l’identification des pathologies psychiatriques par les professionnels de ville.
« Nous on fait remplir systématiquement un questionnaire médical, donc effectivement, il y a certaines alertes et on va les rentrer tout de suite dans le dossier (…), on va tout de suite savoir où on va, sauf s’ils taisent évidemment leur pathologie ou leur prescription (…). ».
L’optimisation du suivi des patients s’appuyant sur les usagers
122 Dans ce contexte, l’importance des pairs aidants et des infirmiers a largement été évoquée dans leur rôle d’accompagnement, notamment au début du parcours de soin, lorsqu’ils sont particulièrement méfiants vis-à-vis du système de soin, ou pour ceux qui sont très isolés, afin de faciliter la venue aux rendez-vous.
« (…) ils viennent, ou avec un infirmer ou avec un éducateur ou avec un pair aidant. Ça, c’est un peu perdu, mais avant on en avait, et ça permettait au moins de pouvoir assurer le suivi. »
124 Cet accompagnement permet au professionnel d’être plus efficace pendant sa consultation.
« Préparer le terrain » et d’adapter au mieux la prise en charge (…), en général la personne qui accompagne vient avec le dossier médical, avec les prescriptions. »
Actions à mettre en place
126 L’ETP semble être appréciée par les participants qui redoutent toutefois que les usagers n’arrivent à s’engager rigoureusement dans le programme.
« Vous savez combien de choses on les voit commencer et pas continuer… ».
128 La sensibilisation et la formation apparaissent essentiels : sensibiliser davantage les psychiatres aux problèmes somatiques et former les professionnels de soins primaires sur les troubles psychiatriques et les manières de les appréhender. Outre les supports de communication, il s’agirait ainsi de travailler sur une évolution des mentalités. Pour certains, cela se joue dès la formation initiale, soit en amont de la pratique et pendant le processus d’acculturation professionnelle. C’est comme si le besoin de décloisonnement devait être impulsé à même le système de formation professionnelle.
« Le cloisonnement il est lié aussi au mode de formation des professionnels de santé, c’est en train d’évoluer, on peut espérer que l’évolution du système de formation des personnels de santé permette peut-être un peu plus de cohésion et peut-être des profils différents (…) pour l’instant c’est très cloisonné effectivement. »
130 Il serait utile d’Informer/former les usagers sur leurs traitements ainsi que d’accompagner les aidants dans leur rôle pour qu’ils puissent prendre soin de leur proche. Toutefois, concernant les aidants, il a été rappelé qu’ils devaient veiller à se fixer des limites afin de ne pas mettre en péril leur propre santé.
« La famille se fixe ses propres limites de recevabilité autrement on se retrouve avec tout un paquet de malades, et là on vient dans les limites de ce système. »
132 Un axe d’évolution, dont témoignent les professionnels, est celui concernant le besoin d’opérer un changement auprès des usagers, en établissant avec eux une relation de confiance. Il serait ainsi possible de revaloriser l’importance et les bienfaits des traitements et de l’hygiène de vie, de renforcer leur bonne expérience de l’activité physique, de les aider à maintenir la motivation en ce sens (sport, alimentation…).
« (…) ça renvoie à la confiance en soi qui les rassure et qui va leur permettre de comprendre (…), s’ils ont ce traitement, ce n’est pas parce que on leur donne, c’est parce que, eux, en ont besoin pour prendre soin d’eux »
134 Les usagers ressentent une certaine « fierté » à consulter en médecine de ville « comme tout le monde » et il apparait important d’encourager ce sentiment positif.
« Une fois qu’ils savent, la première fois ils viennent avec l’éducateur, après ils viennent seuls et là, ils sont super contents, super fiers (…) ».
136 Il a également été noté que les patients ayant un traitement adapté et équilibré avaient un meilleur équilibre dans la qualité de vie d’une manière générale. De la même manière, les patients qui « vont bien » vont plus facilement vers le soin.
« Alors, moi j’en ai eu un, à partir du moment où il avait trouvé l’équilibre du traitement, qu’il allait mieux, il me dit « J’ai repris la marche ! ». Donc, l’équilibre appelle l’équilibre. Et à l’inverse, dès qu’on n’est pas bien, on a plus envie de rien faire ! »
138 Enfin, concernant le « savoir expérientiel », il apparait possible de s’appuyer sur les connaissances acquises par les patients. En effet, les patients de longue durée développent au fil du temps une forme d’expertise, pas toujours visible de prime abord. Il faut les accompagner pour qu’ils prennent conscience de leur savoir et de la légitimité de celui-ci.
« (…), et puis, d’un seul coup, on leur demande et en fait, y a plein de choses qui ressortent… ».
Discussion-conclusions
140 Les résultats concernant les professionnels de la psychiatrie témoignent d’une volonté d’ouverture vers la médecine de ville. Les enquêtés s’accordent, en effet, sur la nécessité d’une meilleure coordination avec les soignants en dehors de l’hôpital, et notamment avec les médecins généralistes, ce qui va dans le sens des derniers engagement pris par l’État avec « ma santé 2022 » [16]. À cela s’ajoute l’aspect paradoxal de certains résultats. En ce sens, même si une ouverture est prônée, on observe un rappel incessant des spécificités de la psychiatrie et l’importance d’une prise en compte générale de ces spécificités. L’appui sur des instances, dispositifs ou supports de partage d’informations voire de transfert de connaissances émerge à son tour comme un levier à fort potentiel. Il s’agirait de construire de la sorte un maillage étroit autour des patients, et capable également de favoriser une diffusion des bonnes pratiques. Pour cela, un atout serait de privilégier un appui sur les dispositifs qui bénéficient d’un ancrage local.
141 En ce qui concerne les perceptions des professionnels libéraux vis-à-vis du suivi médical des patients atteints de TPLC, ils rendent compte des difficultés rencontrées, qu’elles soient liées aux spécificités des usagers eux-mêmes ou bien à la structuration du système de santé. Les ressources mobilisées pour faire face à ces difficultés restent à géométrie variable. On observe également que les besoins sont nombreux, notamment en matière de coordination et de circulation des informations, et rejoignent les demandes et attentes des professionnels de la psychiatrie sur ce sujet.
142 Les professionnels libéraux témoignent d’une volonté de mieux connaître les troubles, pathologies et traitements psychiatriques, dans la mesure où le diagnostic psychiatrique ressort comme une information stratégique à laquelle les professionnels libéraux peinent à accéder. Cela faciliterait grandement la prise en charge de ces patients considérés à besoins spécifiques et à « démystifier » la prise en charge somatique et psychique de ces personnes. À noter que l’utilisation possible d’un support facilitant la communication et le partage d’informations, tel le DMP, est largement plébiscitée.
143 Les recommandations issues de ce travail sont les suivantes :
- Un rapprochement entre la ville et l’hôpital, et pour cela un dossier partagé serait utile pour aller vers une prise en charge globale.
- L’accompagnant de ces personnes est indispensable et peut se concevoir comme un élément de rapprochement entre la ville et l’hôpital.
- Lutter contre la stigmatisation et aller vers l’autonomisation du patient.
- Concevoir des fiches type « Check List » pour les patients.
- La formation initiale et continue des professionnels de santé doit être renforcée dans le domaine de la psychiatrie pour les professionnels de soins primaires.
- Les structures extra-hospitalière CMP, CPTS ont un rôle important à jouer pour la promotion de la santé et la coordination des parcours de soins des personnes souffrant de TPLC.
- Des campagnes de dépistages ciblées du risque cardio-vasculaire sont plébiscitées avec la gratuité des examens en découlant.
- Insister sur l’hygiène de vie et la qualité vie en prenant soin de s’appuyer sur les ressources locales existantes (club de sport, associations d’usagers…). Il est important que ces ressources soient connues des professionnels de santé pour qu’ils puissent les recommander et les intégrer dans un plan de soins.
144 Le croisement de ces résultats avec les attentes et les besoins des usagers et des accompagnants permettra, en toute hypothèse, d’affiner ces premières pistes de propositions, en vue de concevoir des interventions appropriées susceptibles d’induire des effets probants sur les pratiques et les organisations en santé sur le long terme. Intégrer dans le système de santé les 5 % de la population qui lui échappent est l’enjeux de l’étude Copsycat. Les conditions pour réduire le RCV sont parfaitement connues, mais des approches et organisations spécifiques doivent être mises en avant pour agir efficacement sur les déterminants de ce risque en stimulant leur capacité d’agir pour « aller vers » l’amélioration de leur qualité de vie.
145 Aucun conflit d’intérêts déclaré
Les auteurs remercient l’ensemble des participants des soins primaires et de la psychiatrie ayant participé à cette étude.
Financement
Cette étude est financée par le Ministère français de la Santé (Direction Générale de l’Offre de Soins) : Programme de Recherche sur la Performance du Système des Soins (PREPS 2017).
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Mots-clés éditeurs : santé mentale, soins somatiques, risque cardiovasculaire, troubles psychiques sévères
Date de mise en ligne : 28/12/2022
https://doi.org/10.3917/spub.225.0621