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Article de revue

Quand la sortie de la norme médicale interroge les normes intimes : l’exemple du coït interrompu

Pages 75 à 98

Notes

  • [1]
    Les mentions au préservatif dans l’article se réfèrent au préservatif externe (ou masculin) et non au préservatif interne (ou féminin), qui demeure très peu utilisé en France.
  • [2]
    Néanmoins, même dans ce cas, des spermatozoïdes peuvent passer dans le vagin via le liquide préséminal, qui ne contient pas lui-même de spermatozoïdes, mais peut en entraîner certains qui seraient restés dans l’urètre depuis l’éjaculation précédente.
  • [3]
    Cette enquête coordonnée par le médecin Pierre Simon, qui est également un des cofondateurs du Planning familial en France, s’appuie sur un échantillon représentatif de la population de 2 625 personnes âgées de 20 ans et plus. Elle vise à comprendre les évolutions de la sexualité au moment de la diffusion de la contraception médicalisée.
  • [4]
    On trouve des chiffres similaires pour d’autres pays où la contraception médicale est très majoritaire, comme les États-Unis, tant pour l’utilisation au moment de l’enquête que pour celle au cours de la vie (voir Jones et al., 2009 : 408).
  • [5]
    Le « script sexuel » au sens de John Gagnon et William Simon est une séquence narrative ordonnée, cet ordre ayant une signification pour les acteurs qui en rendent compte. C’est l’existence de cette séquence qui permet la naissance, la reconnaissance et la désignation du désir et de l’excitation, et donc qui rend possibles, puis intelligibles, les comportements sexuels. Le script est ainsi un récit déroulé par l’individu, et ce à trois niveaux différents et liés les uns aux autres : les scénarios culturels, les scripts interpersonnels et les scripts intrapsychiques.
  • [6]
    Les caractéristiques des enquêté⋅e⋅s cité⋅e⋅s dans l’article seront présenté⋅e⋅s en note de bas de page (profession, âge, statut conjugal, nombre d’enfants, méthode de contraception utilisée actuellement).
  • [7]
    Centre d’Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit.
  • [8]
    Suite à la plainte déposée par une jeune femme, Marion Larat, après un AVC qu’elle attribue à son utilisation d’une pilule de troisième génération, les pilules de troisième et quatrième génération ont finalement été déremboursées en mars 2013 du fait du risque trop élevé de thrombose qu’elles généraient (sur le sujet voir Rouzaud-Cornabas, 2019).
  • [9]
    Éducateur spécialisé, 33 ans, en couple et a des relations en dehors (sa compagne prend la pilule ; préservatifs sinon).
  • [10]
    Travaille « dans la musique », en reconversion vers l’animation, 35 ans, célibataire (parfois préservatifs ; contraception de ses partenaires).
  • [11]
    On constate la même polarisation sociale de l’utilisation de méthodes non médicales dans d’autres contextes, par exemple chez des couples palestiniens (Memmi et Desgrées du Loû, 2015 : 315).
  • [12]
    Chargée de projet, 28 ans, célibataire (retrait).
  • [13]
    Aide-soignante, 45 ans, mariée, deux enfants (ligature des trompes).
  • [14]
    Monitrice-éducatrice, 26 ans, célibataire (retrait ou préservatifs).
  • [15]
    Professeur en classes préparatoires, 35 ans, en couple (sa compagne prend la pilule, mais l’oublie souvent ; préservatifs).
  • [16]
    Étudiant, 21 ans, en couple (sa compagne prend la pilule et ils utilisent des préservatifs).
  • [17]
    Mère au foyer, 26 ans, trois enfants, en couple (pilule).
  • [18]
    Aide-soignante, 26 ans, mariée et pratique l’échangisme (enceinte ; stérilet au cuivre et préservatifs).
  • [19]
    Ingénieur, 26 ans, fréquente une jeune femme (elle prend la pilule, ils utilisent parfois un préservatif).
  • [20]
    De même que les méthodes d’abstinence périodique.
  • [21]
    Sur un autre plan, on peut aussi penser à certaines maladies qui, empêchant par exemple l’érection, amènent à devoir repenser le « normal » et le « pathologique » en matière de santé (sur le sujet voir par exemple Mouget, 2016 ; Braverman, 2019 ; Simard, 2019).
  • [22]
    Chargée de projet, 28 ans, célibataire (retrait).

1 En France, la contraception est aujourd’hui très largement médicalisée et assurée par les femmes (Thomé et Rouzaud-Cornabas, 2017 ; Le Guen et al., 2017), selon une norme qui se déploie en trois temps : utilisation du préservatif [1] en début de relation ou pour des rapports occasionnels, puis de la pilule contraceptive, et ensuite du dispositif intra-utérin (DIU, aussi appelé stérilet) après avoir eu un ou des enfants (Bajos et Ferrand, 2004 ; Bajos et al., 2014 ; Le Guen et al., 2021). Avant que ne se diffuse cette norme contraceptive, à partir de la légalisation de la contraception médicale par la loi Neuwirth de 1967, la France avait néanmoins déjà connu une « première révolution contraceptive » dès le XVIIIe siècle, devançant ainsi ses pays voisins, et après 1870, aucune génération n’a eu plus de 2,7 enfants en moyenne par femme encore en vie à 50 ans (Leridon et al., 1987 : 7). Une des méthodes (avec l’abstinence périodique) qui pourrait le plus vraisemblablement expliquer cette baisse est le coït interrompu, ou retrait. Or, contrairement à ce que l’on aurait pu anticiper, la « deuxième révolution contraceptive » qu’a représentée la diffusion des méthodes médicales à l’efficacité plus importante n’a pas mis fin à cette pratique contraceptive.

2 Le coït interrompu, qui intervient au cours de la pénétration vaginale dans le cadre d’un rapport sexuel hétérosexuel, consiste en la sortie du pénis hors du vagin peu de temps avant une éjaculation. Il implique donc une maîtrise précise de la temporalité de celle-ci afin d’éviter que le sperme ne puisse, via le vagin, rentrer en contact avec les ovocytes, et donc qu’une fécondation puisse advenir [2]. On sait très peu de choses quant à l’utilisation de cette pratique, pourtant restée majoritaire en France jusqu’au début des années 1970. L’enquête Simon [3], menée en 1970, permet de savoir que, un peu plus de deux ans après le vote de la loi Neuwirth – mais alors que les décrets d’application ne sont pas encore tous parus –, 54 % des hommes et 50 % des femmes ont déjà utilisé la méthode du retrait, loin devant le préservatif (33 % et 23 %), la méthode Ogino (15 % et 14 %), la pilule (11 % et 9 %) ou encore la méthode des températures (7 % pour les deux sexes) (Simon et al., 1972 : 331). Bien qu’interdit par l’Église (Sevegrand, 1995 ; Della Sudda, 2016), le retrait a ainsi, à l’époque, déjà été pratiqué par la moitié des couples.

3 Cinquante ans plus tard, son utilisation a largement décru : d’après l’enquête Fecond 2013, seulement 5,1 % des femmes et 4,5 % des hommes déclarent l’utiliser actuellement comme méthode de contraception principale. Néanmoins, si l’on s’intéresse au fait de l’avoir déjà pratiqué, on remarque qu’il est loin d’avoir disparu : d’après Fecond 2010, 46,9 % des femmes et 50,6 % des hommes ayant déjà eu un rapport sexuel déclarent y avoir déjà eu recours au cours de leur vie [4], soit des chiffres proches de ceux de 1970. Mais les modalités du recours contemporain au retrait, qui concerne en particulier le haut et le bas de l’échelle sociale (Le Guen et al., 2015, 2021), n’ont pas été explorées.

Question de recherche et méthodologie

4 De même que l’on peut s’interroger, à la croisée de la sociologie de la santé et de celle des croyances, sur la persistance ou le renouveau du recours à des traitements non conventionnels, allant de l’homéopathie aux magnétiseurs en passant par la médecine chinoise (Bégot, 2007 ; Joël et Rubio, 2015), on peut se demander comment se justifie, aujourd’hui en France, dans le contexte d’une offre contraceptive médicale développée et fiable, la pratique du coït interrompu. Pour comprendre celle-ci, il faut s’intéresser aux représentations sociales qui entourent cette pratique. Plusieurs travaux, en particulier en santé publique et surtout menés aux États-Unis, visent à mieux cerner le recours au retrait. Ils montrent par exemple qu’il peut s’expliquer à partir d’une analyse des rapports de genre au sein du couple : le retrait permet à la fois à l’homme de décider des grossesses, et à la femme de ne pas avoir à porter cette responsabilité (Hirsch et Nathanson, 2001 ; Ortayli et al., 2005). Le fait que son utilisation, qui peut se substituer à celle du préservatif, permet une meilleure satisfaction sexuelle par rapport à celui-ci ressort également de ces travaux (Higgins et Wang, 2015 ; Arteaga et Gomez, 2016). Enfin, prendre en compte le peu de considération dont il fait l’objet de la part des professionnel⋅le⋅s de santé est nécessaire pour comprendre la manière dont les individus se représentent cette méthode, qu’ils l’utilisent ou non (Rogow et Horowitz, 1995 ; Jones et al., 2009, 2014).

5 En France, cette pratique a peu été interrogée par les recherches sur la contraception, a fortiori dans une perspective de sciences sociales, c’est-à-dire en ne la considérant pas comme une pratique contraceptive à bannir, mais bien comme une pratique intime à analyser. Deux raisons principales peuvent expliquer cela : d’une part, les difficultés à enquêter sur une pratique illégitime (car moins efficace que d’autres et hors de la sphère médicale), qui ne s’observe pas et que les individus peuvent omettre, à dessein ou non, de déclarer en tant que contraception, tant dans les enquêtes statistiques (Thomé, 2022) que lors d’entretiens semi-directifs. D’autre part, le fait que depuis que la contraception médicale a été légalisée, la recherche française en la matière est largement centrée sur les méthodes médicales, au détriment d’autres options qui échappent à la sphère des professionnel⋅le⋅s de santé, comme le retrait ou encore les « méthodes naturelles ».

6 Or, l’étude de la pratique du retrait permet de mettre au jour tant l’évolution des normes de santé en matière de contraception que celle des normes sexuelles. En particulier, elle éclaire la question de la responsabilité contraceptive et des négociations qui entourent son partage, dans la mesure où il s’agit d’une pratique mise en œuvre par les hommes, contrairement à la très large majorité des autres pratiques contraceptives en France aujourd’hui. En tant que technique constituant une interruption de la pénétration pénovaginale, elle conduit aussi celles et ceux qui la choisissent à interroger les normes incorporées en matière de sexualité et, à partir d’une pratique visant à éviter une grossesse, à questionner finalement le déroulement considéré comme « normal » du script sexuel [5] (Gagnon et Simon, 1973). Analyser la pratique contemporaine du retrait permet ainsi de questionner le genre des normes contraceptives et sexuelles en France.

7 L’article s’appuie sur une recherche interrogeant les effets de l’utilisation des différentes méthodes de contraception sur la sexualité et sur les rapports de genre. Celle-ci repose sur deux types de données. D’une part, l’analyse d’un corpus de 54 entretiens sur la vie sexuelle et contraceptive, menés entre 2014 et 2017 avec des femmes et hommes âgé·e·s de 20 à 49 ans ayant exclusivement ou majoritairement des rapports hétérosexuels [6]. Les entretiens ont été conduits avec 31 femmes, 22 hommes et un couple qui appartiennent majoritairement aux classes moyennes et supérieures et utilisent ou ont déjà utilisé une contraception. Les modalités de recrutement se répartissent comme suit : 20 personnes via un CIDAG [7] ou un Planning familial, 11 via Twitter, 9 par Doctissimo, 7 sur des sites internet d’associations ou des groupes de discussion (en particulier sur Facebook) spécialisés dans certaines méthodes, 6 par des contacts personnels ou la méthode boule de neige et 1 par le biais d’un médecin. D’autre part, et dans une moindre mesure, l’analyse des données des enquêtes Fecond (Fécondité – Contraception – Dysfonctions sexuelles, Inserm/Ined, 2010 et 2013). La première a interrogé 5 275 femmes et 3 373 hommes de 15 à 49 ans, la seconde, conduite trois ans plus tard dans le contexte de la « crise des pilules [8] », 4 453 femmes et 1 587 hommes de 15 à 49 ans.

8 L’article interroge dans une première partie les raisons qui expliquent le recours contemporain au retrait, et donc la rupture (occasionnelle ou de plus long terme) avec la norme contraceptive de responsabilité féminine telle qu’elle est promue par la santé publique et la sphère médicale. Il montre dans une seconde partie que le rapport à la norme contraceptive est aussi un rapport à la norme sexuelle, et que l’analyse du retrait ne peut se faire qu’en prenant en compte les scripts sexuels considérés comme satisfaisants par les individus.

Renoncer à la norme de la responsabilité médicale féminine ?

9 Malgré ses recompositions, en particulier la diffusion du DIU chez des femmes plus jeunes et sans enfants (Rahib et al., 2017 ; Le Guen et al., 2020), la norme française contemporaine en matière de contraception demeure organisée en trois temps : l’utilisation du préservatif en début de vie sexuelle et pour les rapports occasionnels ; celle de la pilule pour les relations durables ; celle du stérilet après avoir eu le nombre d’enfants désirés (Bajos et al., 2014). Cette norme est largement soutenue par les praticien⋅ne⋅s (Roux et al., 2017). Dans la mesure où la responsabilité de l’utilisation du préservatif masculin peut également être assurée par les femmes (Thomé, 2016), la contraception apparaît ainsi largement comme relevant de leur compétence – et ce d’autant plus que la vasectomie est extrêmement marginale en France (Le Guen et al., 2015).

10 L’analyse des entretiens permet de bien mettre en évidence que le retrait est soit invisibilisé – les enquêté⋅e⋅s ne pensant pas à le déclarer –, soit stigmatisé – les enquêté⋅e⋅s renâclant à le déclarer. Cela s’explique par plusieurs facteurs : d’abord, le fait qu’il s’agisse d’une méthode ne nécessitant ni ordonnance (comme les méthodes médicales), ni achat particulier (comme le préservatif) ; ensuite, son efficacité réputée moindre que celle des méthodes médicales, voire inexistante ; enfin, les effets directs qu’il a sur le script sexuel (interruption, jeux sexuels autour de l’éjaculation, etc.) – en parler revient donc à évoquer une technique sexuelle intime, et non la prise d’un médicament prescrit par un⋅e médecin. S’ils et elles sont réticent⋅e⋅s à le déclarer, certain⋅e⋅s enquêté⋅e⋅s n’en pratiquent pas moins le retrait : comment expliquer alors l’utilisation de cette méthode non médicalisée et masculine ? Tout comme l’abandon du préservatif peut être plus ou moins formel (Thomé, 2016 : 80-83), concerté ou non (Rubio, 2019 : 79-86), le recours au retrait peut être la conséquence de parcours et de motivations variés.

Pallier l’absence de contraception médicale

11 Si le retrait est encore utilisé, même sporadiquement, c’est qu’il a plusieurs avantages : il s’agit d’abord d’une pratique gratuite, ne nécessitant pas de prescription et qui peut être mise en place à tout moment, donc toujours « disponible ». Cela explique qu’il soit particulièrement déclaré par les hommes nés hors de France, par ceux indiquant avoir des difficultés financières et par ceux ayant le niveau de diplôme le plus faible (aucun diplôme) (Le Guen et al., 2015 : 48-49). Cela le rend notamment pertinent lorsqu’il est plus difficile pour les femmes d’avoir accès à la contraception médicalisée, soit parce que l’entrée dans la vie sexuelle se fait sans que des connaissances contraceptives précises aient été acquises (Amsellem-Mainguy, 2009 : 28), soit du fait de l’appartenance à un milieu social où les connaissances médicales et les capitaux pour y avoir recours sont faibles (Bretin, 1990 : 227-228 ; Fonquerne, 2020 ; Ancian, 2021).

12 Mais même lorsque l’accès à des méthodes médicales est possible, le retrait peut être choisi en tant que solution « faute de mieux », par exemple lorsque la contraception n’est pas « assurée » par la partenaire, en cas d’« oubli » de pilule notamment, ou lorsqu’une partenaire occasionnelle n’a pas de contraception. Ce type de récit d’utilisation met en évidence la naturalisation de la responsabilité féminine. Dans ce cadre, le retrait n’apparaît que comme un palliatif ponctuel ou temporaire. Un enquêté ayant régulièrement des rapports extra-conjugaux, Matthieu [9], explique ainsi que « si la personne prend pas la pilule, je vais jamais prendre le risque d’éjaculer en elle » et qu’il vaut « mieux ça plutôt que de risquer que la fille tombe enceinte ». Lorsque sa partenaire ne prend pas en charge la contraception, le retrait remplace ainsi le préservatif, que Matthieu préfère éviter. On peut s’interroger alors sur la marge de manœuvre de sa partenaire : si la « coercition contraceptive » est surtout étudiée du point de vue de la relation soignant⋅e-patiente (Senderowicz, 2019), elle peut également exister au sein du couple, où, face à l’absence de contraception médicale féminine, la pratique du retrait peut constituer un dernier recours face à un refus masculin d’utiliser un préservatif. L’évidence de la norme de responsabilité féminine de contraception transparaît également dans ce récit de Rémi [10], qui se repose généralement sur la contraception de ses partenaires occasionnelles :

13

Il m’est arrivé d’avoir une relation avec une fille […]. Et on n’en avait pas discuté, je sais pas pourquoi j’étais sûr qu’elle prenait un contraceptif, je sais pas pourquoi d’ailleurs, je me suis mis ça dans la tête, donc là par contre pendant le rapport elle m’a dit [ton un peu paniqué] « Au fait ! Fais attention ! »

14 Dans ces cas, la prise en charge masculine de la contraception pallie l’absence de contraception médicale, à laquelle s’ajoute une impossibilité matérielle ou un renoncement à utiliser le préservatif.

15 Mais Fecond 2013 montre que des utilisations plus durables existent également, qui peuvent se donner à voir dans une analyse statistique qui interroge sur la « méthode principale » (ce qui peut conduire à éliminer le retrait, en tant que méthode moins légitime et moins efficace, s’il est utilisé très sporadiquement ou en association avec une autre méthode). La pratique du retrait comme méthode principale augmente alors avec l’âge : pour les hommes, elle passe ainsi de 0,9 % entre 15 et 19 ans à 4,0 % entre 25 et 29 ans et 6,6 % entre 40 et 49 ans ; pour les femmes, les chiffres sont un tout petit peu plus élevés, mais l’augmentation semblable : 2,0 %, puis et 5,3 % et 5,6 % pour les mêmes catégories d’âge – la différence pouvant s’expliquer par le fait que les femmes ont en moyenne des partenaires plus âgés qu’elles (Bergström, 2018). Pour autant, cette utilisation comme méthode principale n’est pas forcément durable.

16 La pratique du retrait peut en effet être transitoire, lorsque la responsabilité contraceptive n’est pas assurée par la femme sur une courte période, soit entre deux contraceptions médicales, soit encore après un accouchement. La période transitoire peut aussi être celle entre une contraception médicale et une grossesse : après avoir fait retirer son DIU, une enquêtée et son mari ont ainsi pratiqué le retrait quelques mois afin de retarder la conception. Le fait de ne pas être complètement opposée à l’idée d’être enceinte, sans être pour autant dans la recherche active d’une grossesse, peut d’ailleurs motiver le recours à cette méthode (Higgins et Wang, 2015 : 324 ; Claro, 2018 : 429-430). Au contraire, lorsque la volonté d’éviter une grossesse est très importante, le retrait peut être utilisé en même temps qu’une autre méthode, en tant que protection supplémentaire (Jones et al., 2014). Dans ces différents cas, et même lorsque la contrainte financière n’est pas présente comme c’est le cas pour la majorité des enquêté⋅e⋅s, le retrait fait alors l’objet d’une négociation entre les partenaires, le choix de la méthode contraceptive s’inscrivant dans des rapports de pouvoir – de genre bien sûr, mais aussi d’âge – qui tiennent lieu de cadre à la prise en compte du confort, de la satisfaction sexuelle et de la santé de chaque partenaire.

17 Ainsi, le retrait apparaît souvent comme un « second choix », souvent temporaire (occasionnel ou transitoire) et visant à remédier à l’absence (ou à compléter l’utilisation) d’une méthode féminine médicale plus efficace et – donc – plus légitime.

Chercher à éviter l’utilisation d’une contraception médicale

18 Mais le coït interrompu peut aussi être choisi pour ses avantages propres, en particulier car il est valorisé comme étant une pratique plus « naturelle » que les méthodes de contraception médicales. Il est ainsi particulièrement utilisé également à l’extrémité supérieure de l’échelle sociale [11], par les hommes dont le niveau de diplôme est le plus élevé (master ou plus), alors même que l’accès à la contraception médicale ne constitue pas une difficulté (Le Guen et al., 2015 : 48-49). Il peut donc être valorisé dans ces milieux diplômés où grandit le rejet des méthodes hormonales (Bajos et al., 2014 ; Koechlin, 2019) et où l’égalité des sexes constitue une norme légitime (sans être pour autant toujours mise en pratique). On retrouve d’ailleurs ce type de discours concernant d’autres méthodes contraceptives, reposant sur l’observation du cycle menstruel, par exemple chez les catholiques pratiquant⋅e⋅s (Maudet et Thomé, 2021), mais également d’autres sphères de la santé génésiques comme l’accouchement (Quagliariello, 2017) ou encore l’allaitement (Déplaude, 2020). Le retrait est ainsi promu comme une méthode « naturelle », là où les méthodes médicales sont assimilées à une forme d’artifice propre au social et, donc, « contre-nature » (Bertron et Vitores, 2019). C’est alors principalement dans le cadre de couples stables, où existe une relation de confiance, que le retrait peut être choisi comme méthode principale : selon Fecond 2013, seuls 1,8 % des hommes n’ayant pas de partenaire actuellement et 0,2 % des hommes ayant une partenaire depuis moins d’un an déclarent le retrait comme méthode principale, alors que c’est le cas de 5,9 % des hommes en couple depuis plus d’un an.

19 Compte tenu des caractéristiques sociales de l’échantillon, cette valorisation du retrait comme pratique « naturelle » apparaît dans le discours de certain⋅e⋅s utilisateurs/trices de la méthode, comme Clémence [12], qui juge que « le retrait c’était très naturel, on le faisait sans même y penser, alors que le préservatif il fallait y penser ». Chez Clémence, cette adoption du retrait s’inscrit dans un parcours contraceptif problématique : elle a en effet utilisé la pilule huit ans, avant de l’arrêter suite à des mycoses à répétition et de la remplacer par un DIU au cuivre, qui a finalement dû lui être retiré à cause d’un risque d’infection. Ce sont ainsi souvent des contre-indications ou un rejet des autres méthodes du fait de leurs répercussions sur la santé ou la sexualité qui, en perturbant le schéma contraceptif classique, mènent à adopter le retrait comme méthode régulière. Le cas de Clémence l’illustre bien :

20

Il m’a dit « Je comprends que tu veuilles pas prendre d’hormones », je lui ai dit « Voilà, y’avait la possibilité du stérilet, mais pour le moment on me dit que ce n’est pas possible, et je ne souhaite pas revenir sur ma décision ». Il m’a dit « Oui, mais alors du coup, comment on fait ? » Il m’a dit « Écoute, voilà, je pense que je peux me contrôler, je peux sentir les choses, et la solution qu’on a c’est éventuellement que je me retire à la fin de chaque rapport, bien avant si il faut. » Et ça a une conséquence sur, bien évidemment, le rapport en tant que tel hein, mais… Avec les choix qu’on avait, les cartes qu’on avait dans les mains, c’est ce qui m’a semblé à l’époque la meilleure décision. Et effectivement, c’est ce qu’on a fait à chaque fois, pendant deux ans et demi.

21 Le retrait apparaît comme une méthode utilisée à l’initiative de la femme, mais qui demeure coopérative, son choix étant présenté comme un aboutissement logique et rationnel à partir des « cartes que l’on a en mains », là où l’utilisation de la pilule n’aurait pas suscité de justification. Il faut néanmoins accepter de se reposer sur son partenaire – et le fait de ne pas avoir, jusqu’à présent, vécu de grossesse non désirée à cause de cette technique explique largement que cela soit envisageable. Clémence témoigne ainsi de sa « confiance absolue » dans son précédent partenaire : « il sentait les choses assez finement pour savoir quand il serait mieux de le faire, et si il fallait prendre les précautions et qu’il se retire bien avant, c’est ce qu’il faisait ». Il y a ainsi, chez les femmes qui ont opté pour le retrait et pour lesquelles cette méthode a fonctionné jusqu’à présent, une forme de lâcher-prise dans la gestion contraceptive : ce n’est plus à elles de « maîtriser » ce domaine, mais à leurs compagnons de maîtriser leurs corps. L’idée répandue que la gestion masculine de la contraception serait impossible du fait d’un refus de la part des femmes (Oudshoorn, 1999) ne semble donc pas vérifiée ici, du moins pas dans le cadre de relations de couple et dans un contexte où la contraception d’urgence est accessible.

22 Comme c’est le cas pour Clémence, le retrait peut en outre être privilégié par rapport au préservatif, par exemple lorsque celui-ci constitue un obstacle à l’érection, et donc au rapport sexuel lui-même. Ainsi, le mari de Béatrice [13] se retirait lors de ses oublis de pilule par aversion du préservatif :

  • Non, non non, on faisait la méthode du retrait, là ! Mais jamais de préserv’, non non, on n’en a pas remis, comme on n’est pas du tout fans de ça… On faisait attention comme ça, comme on pouvait, comme ça… Et puis voilà.
  • Et le retrait ça vous embêtait moins que le préservatif, en fait ?
  • Ouais, c’est pas top non plus, mais bon… Y’avait pas de plastique entre nous [rire], quoi ! Déjà ! Voilà !

24 Lorsque la contraception n’est pas (ou n’est plus) assurée par la partenaire, l’attitude face au préservatif apparaît ainsi comme un déterminant à prendre en compte pour comprendre l’utilisation du retrait (Higgins et Wang, 2015 : 324). L’homme assure ainsi un rôle dans la contraception, ce qui peut être valorisé au sein du couple (Hirsch et Nathanson, 2001 ; Ortayli et al., 2005), tout en évitant d’introduire entre les partenaires une méthode barrière souvent considérée de manière négative (Braun, 2013).

25 Néanmoins, lorsque l’homme échoue dans sa « tâche » et qu’une grossesse a lieu, c’est à la partenaire d’en subir les conséquences en prenant la pilule du lendemain (que le couple va parfois acheter ensemble), ou bien en s’occupant de l’avortement (Bajos et al., 2003). C’est par exemple ce que raconte Camille [14], qui avait arrêté la pilule suite à des effets indésirables et parce qu’elle l’oubliait trop au profit du « calcul de son cycle », de l’utilisation du préservatif et du retrait en période d’ovulation. C’était sur son compagnon, qu’elle prévenait dans ces périodes, que reposait donc la responsabilité contraceptive lorsqu’elle a découvert qu’elle était enceinte :

  • Ce jour-là, il a pas tenu compte de ce que je lui ai dit, il a pas fait attention et du coup… Du coup bah ça a pas loupé. Je suis tombée enceinte. […]
  • Et du coup… Tu sais pourquoi il s’est pas arrêté, en fait ?
  • Bah c’était un matin, il était pas bien réveillé, et du coup… Je crois que… Pfou… Il s’en foutait un peu. […] Et du coup ouais je pense, égoïstement, pfou, il s’est pas trop pris la tête, et… Et voilà. Ça a pas loupé.

27 Camille a avorté, en étant d’ailleurs « peu soutenue » par son compagnon, qui est parti faire une randonnée au moment où elle prenait les médicaments abortifs : « il m’a un peu laissé vivre mon truc toute seule ». Ainsi, le retrait nécessite un accord entre les deux partenaires et une réelle responsabilisation masculine, sans quoi c’est à la femme d’en assumer les éventuelles conséquences. Son utilisation est tributaire des rapports de pouvoir entre les partenaires. Le fait que Camille, qui ne voulait plus prendre la pilule, ait été seule à l’origine du choix de la surveillance de son cycle et du préservatif/retrait comme modes de contraception a sans doute joué.

28 Le recours au retrait peut donc être la conséquence d’un manque – ponctuel ou non – d’accès à la contraception médicale, qui s’explique pour les femmes par leur position sociale et pour les hommes par leur refus d’utiliser un préservatif face à une partenaire n’assurant pas la responsabilité contraceptive telle qu’elle est attendue d’elle. Mais elle peut également résulter d’un rejet des méthodes médicales et d’une valorisation du retrait en tant que « méthode naturelle », qui permet par ailleurs une implication plus importante du partenaire dans la contraception. Ainsi, le contexte et le positionnement vis-à-vis des autres méthodes contraceptives apparaissent primordiaux pour comprendre cette sortie de la norme contraceptive, de même que les rapports de pouvoir entre les partenaires (de genre, mais aussi de classe et d’âge, en particulier). Mais c’est également le rapport à d’autres normes intimes, celles qui régissent la sexualité, qui est à interroger pour comprendre la pratique contemporaine du retrait.

Questionner les normes sexuelles à partir d’une pratique marginale

29 L’utilisation du retrait interrompt ce qui est considéré comme le script classique de la sexualité : des caresses et/ou des pratiques bucco-génitales, souvent désignées sous le terme de « préliminaires », avant une pénétration pénovaginale qui s’achève après l’éjaculation de l’homme (qui marque aussi la fin du rapport sexuel). Si la recherche en sciences sociales et féministe sur la sexualité a bien démontré l’aspect construit de ce script et la place secondaire qu’y occupent désir et plaisir féminins (Ferrand et al., 2008 ; Andro et al., 2010 ; Dworkin, 2019 [1987]), il reste considéré comme une norme en matière de sexualité. Or, le retrait vient perturber cette norme.

Entre santé et masculinité, l’apprentissage du retrait

30 Le recours au retrait peut s’expliquer par l’absence d’un autre moyen plus efficace, ou bien par le refus d’avoir recours à des méthodes médicales. Dans les deux cas, la femme doit accepter de faire « confiance » à son partenaire, ce qui est en partie dépendant de la durée de la relation : dans le cadre d’un couple installé ensemble, ayant déjà des enfants et/ou des desseins communs concernant le fait d’en avoir ou non, le partenaire est ainsi responsable d’un projet de couple. Mais cette confiance des femmes peut être difficile à honorer pour les hommes, tant la maîtrise de cette pratique est inégale parmi eux, en particulier en fonction de leur âge, mais également de leur habitude d’y avoir recours.

31 Les hommes interrogés insistent ainsi souvent sur les difficultés que peut engendrer le retrait, sauf lorsqu’il constitue la pratique habituelle. Ainsi, Olivier [15] m’explique ne l’avoir jamais utilisé :

  • Et est-ce que vous avez déjà utilisé le retrait, comme méthode de contraception ?
  • Non. […] J’en serais honnêtement incapable.
  • Vous en seriez incapable ?
  • Enfin, incapable… Non, pas tout à fait, mais bon… Non.
  • Qu’est-ce qui vous semble…
  • Bah, en fait ça me paraît très dur à gérer, quoi. Déjà, bon… Honnêtement, ça peut, ça peut venir très rapidement, et… Ouais, on n’est jamais à l’abri, qu’il y ait pas une petite goutte qui perle, ou quelque chose comme ça, enfin… C’est vraiment pas évident, quoi.
  • Ouais, ça vous semble pas sûr…
  • Non, ça me semble vraiment pas sûr, et c’est vraiment… s’interrompre au moment où ça devient intéressant ! [rires]

33 Olivier indique être « incapable » d’utiliser le retrait ; néanmoins, il n’est pas tout à fait à l’aise avec ce qui apparaît comme un aveu, et il nuance rapidement sa première affirmation. Le fait d’être face à une jeune femme, qui plus est étudiante (alors qu’il est professeur en classes préparatoires), entre sans doute en jeu lorsqu’il s’agit de ne pas se laisser diminuer dans sa masculinité par ce qui peut apparaître comme un manque de maîtrise de soi et de sa sexualité (Braverman, 2019). Embrayer sur les limites du retrait en matière d’efficacité, même lorsque l’homme se retire à temps, et sur une vision de la sexualité en lien avec le plaisir, lui permet alors de « sauver la face » (Goffman, 1973 [1959] ; Thomé, 2020).

34 Mais même parmi les hommes interrogés coutumiers de cette pratique, elle peut parfois s’avérer problématique, en particulier chez les plus jeunes, en début de vie sexuelle. Ainsi, Martin [16], 21 ans, qui a commencé sa vie sexuelle trois ans plus tôt, tente de me prendre à témoin de la difficulté physique que cela peut représenter, en me racontant une fois où il ne s’est pas retiré à temps (sa compagne a pris la pilule du lendemain) :

  • C’était avec mon ex-copine. Et on n’avait pas mis de préservatif, et en fait j’avais l’habitude plus de sortir à la fin, et […] en fait là j’étais à moitié sorti [sourire], et… Je sais pas si tu le sais, mais faut savoir que c’est l’un des, une des choses les plus dures à faire de sortir à ce moment-là ! [rires]
  • J’avoue que j’ai pas d’expérience dans ce domaine-là !
  • Voilà, donc je peux te le dire c’est une des choses les plus dures à faire de sortir à ce moment-là, euh… Plus dur que de se lever le matin à six heures, quand il fait froid dehors et tout.

36 Cependant, que ce soit dans les récits des partenaires ou dans ceux des hommes pratiquant régulièrement le retrait, dans la majorité des cas la difficulté que représente pour les hommes cette technique semble ne pas être considérée : le fait de pratiquer ou non le retrait est plutôt évoqué comme relevant d’une décision à prendre que d’une technique à maîtriser. Dans les cas où le retrait est la méthode choisie par le couple, et où la femme a donc accepté de se reposer sur son partenaire, la « maîtrise » de l’éjaculation paraît alors constitutive de la masculinité – ce qui est sans doute accentué par le fait qu’un idéal d’égalité entre les sexes est largement présent parmi les hommes interrogés, appartenant très majoritairement aux classes moyennes et supérieures. Cette nécessité « d’assurer » pour être à la hauteur de la confiance de leurs partenaires peut alors induire pour les hommes un obstacle supplémentaire à témoigner d’une éventuelle difficulté en la matière devant celles-ci. Sortir de la norme contraceptive médicalisée qui implique une responsabilité féminine conduit ainsi à faire reposer cette responsabilité sur une compétence dont la dimension technique est souvent invisibilisée.

D’une pratique contraceptive à une pratique sexuelle

37 Par ailleurs, l’adoption de cette pratique non-médicale a des effets directs sur la sexualité. Comme l’ont montré les chercheuses féministes, la diffusion des méthodes médicales de contraception (en particulier la pilule et le DIU) a largement contribué à naturaliser un script dans lequel la pénétration et l’éjaculation dans le vagin sont centraux (Delphy, 2001 [1988] ; Vandelac, 2004 [1981]), et ce malgré la diffusion d’autres types de pratiques, désignés généralement comme des « préliminaires » (Bozon, 2008). Or, le retrait a également des effets sur le script sexuel : ceux qui sont le plus souvent signalés, en particulier parmi les enquêté⋅e⋅s ayant pratiqué ou pratiquant le retrait de manière épisodique, sont des effets négatifs, qui se donnent à voir en comparaison avec le script plus connu de la sexualité avec contraception médicale. La frustration de ne pas « aller au bout », en interrompant la pénétration, concerne ainsi tant les hommes que les femmes. Si l’on suit Maeva [17], c’est d’autant plus le cas lorsque l’homme se retire tôt, sans doute pour être sûr de ne prendre aucun risque :

  • Et le retrait, c’était pas trop frustrant du coup pour votre copain ? Ou pour vous ?
  • Euh… Bah en général… Enfin il traînait pas trop, avant de se retirer, donc… Enfin c’était plutôt pour moi, je « Ahhhh » [cri de frustration, rires]. Donc moi c’est pas évident le retrait, du coup. Surtout quand la personne te prévient pas, donc… Enfin à chaque fois j’allais pas lui dire « Ouais tu me préviens quand tu te retires », non j’allais pas lui dire ça à chaque fois ! Donc je pense que c’est mieux de prendre la pilule !

39 Pour Maeva, le retrait était d’autant plus frustrant qu’il dépendait entièrement de son partenaire. Comme elle l’explique dans l’entretien, parler avec lui de sexualité ne lui semble pas envisageable (« On la fait, mais on n’en parle pas ! [rire] »), ce que leur position sociale (elle n’a pas de diplôme et est femme au foyer, il est chaudronnier-soudeur de formation, mais ne peut plus travailler depuis quatre ans suite à des problèmes de dos) peut contribuer à expliquer, le dialogue sur l’intimité apparaissant plus difficile dans les couples de classes populaires (Diter, 2015 ; Schwartz, 2018), et la question de la sexualité pouvant se heurter, pour les femmes, à celle de la respectabilité (Skeggs, 2015 [1997]). C’est peut-être d’autant plus le cas pendant l’acte : Maeva est ainsi surprise lorsque son conjoint se retire et reste frustrée de l’interruption du rapport sexuel. Dans ce cas précis, le retrait ne semble pas s’accompagner de pratiques alternatives permettant à Maeva de prendre autant de plaisir qu’elle le désirerait, et le fait d’écourter la pénétration l’empêche finalement d’accéder à l’orgasme. Le manque de scripts alternatifs à la pénétration participe du rejet de cette pratique au profit de la pilule.

40 Du côté des hommes, il semble que ce qui pose problème n’est pas forcément le fait de ne pouvoir aller « jusqu’au bout ». En effet, cela reste possible en dehors de la pénétration, par exemple par masturbation buccale ou manuelle – ce qui peut ajouter une dimension érotique, par exemple avec le choix d’une partie du corps de la partenaire pour éjaculer, qui rejoint les scripts de certains films pornographiques (Vörös, 2020). Mais cela peut également ajouter des contraintes logistiques, comme le fait de devoir se préoccuper du sperme (en particulier ne pas en répandre n’importe où et l’essuyer). Le problème le plus fréquemment soulevé est celui des contraintes qu’impose le retrait en termes de maîtrise de soi. Flora [18], lorsqu’elle évoque la pratique de l’éjaculation externe, qu’elle et son mari apprécient beaucoup, fait d’ailleurs bien la distinction entre celle nécessitée par le retrait et celle qui relève d’un choix :

41

[Le retrait] c’était surtout frustrant en fait. […] De devoir y penser, de pas pouvoir se laisser aller tout simplement, c’était ça. […] Il fallait qu’il se contrôle pour se retirer avant de vraiment sentir la montée de plaisir, donc c’était… Fallait qu’il y ait un contrôle quelque part quoi, c’était pas un retrait spontané parce que l’envie lui prenait de finir sur moi, ou dans ma bouche, ou peu importe donc…

42 Devoir adopter une pratique alternative à la pénétration, même si elle est appréciée, peut être vécue de manière négative car elle représente une contrainte distincte de « l’envie » et de la « spontanéité ». Par ailleurs, la nécessité d’un « contrôle » est problématique pour Flora et son mari – ce dont témoigne aussi un autre enquêté, Nicolas [19] :

  • Et ça a pas été trop compliqué [le retrait], la première fois ? Parce que c’est pas évident, pour un mec, de…
  • Bah c’est… un peu frustrant, après, compliqué, non, enfin… C’est vrai que faut pas, faut sortir au bon moment [sourire], parce que sinon c’est… Mais bon enfin on le sent venir, en général, c’est pas dans la technique, c’est plus dans l’aspect frustration.
  • D’accord. Vous trouvez que c’est frustrant, du coup ?
  • Bah pour moi oui, en tout cas, de devoir vraiment se contrôler à la fin, juste se retirer, enfin être vraiment dans le contrôle jusqu’au bout, c’est pas forcément… Enfin on se relâche pas vraiment quoi. Ce qui est pas forcément le but de ce moment-là, enfin c’est d’arriver à lâcher un peu prise, donc du coup là c’est… Enfin faut quand même se surveiller, ce qui est pas forcément très agréable tout le temps, quoi.

44 La représentation de la sexualité de Nicolas implique l’utilisation d’une méthode de contraception invisible et extérieure à l’acte lui-même – une méthode médicale, prise en charge par sa partenaire, qui lui permet dans l’acte un « laisser-aller » qui lui manque dans le retrait.

45 Mais cette sortie de la norme contraceptive peut aussi avoir des effets positifs sur le script sexuel et, en particulier, sur le rapport au plaisir et au désir. Si l’on suit les résultats des enquêtes Fecond, on remarque ainsi que le retrait est, avec l’abstinence périodique, une des méthodes pour lesquelles les effets déclarés sur le désir et le plaisir sont les plus importants, tant pour les hommes que pour les femmes – mais également, et cela peut sembler surprenant, que ces effets déclarés peuvent être aussi bien positifs que négatifs (voir tableaux 1 et 2).

Tableau 1.

Effet déclaré de la méthode contraceptive sur le désir d’avoir des rapports sexuels (en %)

Méthode contraceptive principaleFemmesHommes
Plutôt positifPlutôt négatifPas d’effetTotalPlutôt positifPlutôt négatifPas d’effetTotal
Pilule1198010025372100
DIU1548110017479100
Autres méthodes hormonales1757810029467100
Stérilisation1158410032266100
Préservatif151471100182062100
Abstinence périodique1957510043354100
Retrait31106010038854100
Ensemble1587710023968100

Effet déclaré de la méthode contraceptive sur le désir d’avoir des rapports sexuels (en %)

Champ : hommes et femmes utilisant une contraception de 15 à 49 ans.
p < 0,001
Source : enquête Fecond 2013, Inserm/Ined.
Tableau 2.

Effet déclaré du mode contraceptif sur le plaisir au moment des rapports sexuels (en %)

Méthode contraceptive principaleFemmesHommes
Plutôt positifsPlutôt négatifsPas d’effetTotalPlutôt positifsPlutôt négatifsPas d’effetTotal
Pilule16381100----
DIU18379100----
Injection, patch, anneau121078100----
Implant18874100----
Stérilisation3716210027667100
Préservatif seul192160100312841100
Méthodes naturelles331750100303040100
Ensemble18676100----

Effet déclaré du mode contraceptif sur le plaisir au moment des rapports sexuels (en %)

Champ : hommes et femmes de 15 à 49 ans utilisant une contraception.
p < 0,001 pour les femmes, p = 0,09 pour les hommes.
Source : enquête Fecond 2010, Inserm/Ined.

46 Ainsi, selon Fecond 2013, près d’un tiers des femmes déclarent que le retrait a un effet positif sur leur désir d’avoir des rapports sexuels ; du côté des hommes, près de 40 % des individus interrogés déclarent un effet positif sur leur désir. On retrouve des chiffres proches dans Fecond 2010 en ce qui concerne l’effet sur le plaisir au cours des rapports sexuels. Ces taux importants de personnes déclarant que le retrait a un effet positif sur leur désir et/ou leur plaisir sexuel peuvent sembler surprenants. Ils s’expliquent en fait de différentes manières. La première, et la plus évidente peut-être, est le biais d’échantillonnage : ce sont les utilisateur⋅trice⋅s actuel⋅le⋅s qui l’ont déclaré directement (sans question de rattrapage) comme méthode principale qui sont interrogé⋅e⋅s, ils et elles sont donc peut-être plus satisfait⋅e⋅s de la méthode que d’autres. Par ailleurs, cet « effet positif » est mesuré par rapport aux autres moyens contraceptifs essayés au préalable, dont on peut penser qu’ils n’ont pas apporté satisfaction. Il s’agit donc d’un positif par contraste, et non dans l’absolu, car le retrait est rarement choisi en première instance [20]. Mais sa pratique peut également entraîner des modifications du script sexuel conjugal qui sont finalement jugées positives et font que la sexualité avec retrait n’est pas vécue comme un mode dégradé de la sexualité avec contraception médicale [21]. Si l’on s’intéresse à nouveau à Clémence [22], elle indique, à propos des périodes où elle utilisait le retrait avec son ancien compagnon :

47

On trouvait d’autres façons qu’il y ait de l’excitation et du plaisir, et du coup ça ne provoquait pas de frustration. Je me souviens pas du tout avec lui avoir eu une vie sexuelle frustrante, et pourtant c’est la seule personne avec qui je n’allais pas jusqu’au bout dans les rapports.

48 Pour Clémence, c’est ainsi tant le plaisir que le désir qui doivent être pris en compte pour éviter la frustration – et le retrait ne s’oppose ni à l’un ni à l’autre, tant que « d’autres façons » de les atteindre peuvent être trouvées. De même, elle ne considère pas que cela coupe le script en empêchant d’aller « au bout » :

49

On n’allait pas au bout par la pénétration, mais on allait au bout autrement. Et du coup bah c’était quelque chose qui nous convenait à tous les deux. C’est sûr, ça se construit avec la personne avec qui on est.

50 Dans le cadre d’une relation où la sexualité fait l’objet de discussions et d’accords entre les partenaires – ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle s’abstrait des rapports de pouvoir existant – choisir le retrait peut ainsi conduire à réfléchir aux scénarios culturels existants, en particulier dans le cadre conjugal, mais aussi à déterminer des manières de les détourner et à construire ensemble d’autres types de scripts, qui sans cela n’auraient pas forcément été envisagés.

Conclusion

51 Pratique marginale et marginalisée, le retrait a été très peu étudié en France. Cela s’explique par des difficultés méthodologiques (Rogow et Horowitz, 1995 ; Jones et al., 2014 ; Thomé, 2022), mais également par le triple décalage normatif qu’il implique. En effet, dans un contexte où la norme d’une responsabilité contraceptive médicalisée, féminine et invisibilisée est largement naturalisée, le retrait est une pratique non médicale, devant être gérée par les hommes – même si les femmes peuvent rappeler leurs partenaires à l’ordre – et interrompant le script sexuel le plus courant.

52 Or, l’étudier permet de mettre en évidence que son usage n’est pas seulement occasionnel et contraint par une absence d’accès aux méthodes médicales (méthodes hormonales et DIU) ou au préservatif. Il peut représenter un choix, considéré d’une part, comme plus « naturel », en particulier en ce qu’il permet d’éviter à la fois les hormones de synthèse et l’utilisation d’un objet extérieur et, d’autre part, comme potentiellement plus égalitaire en termes de genre, dans la mesure où il nécessite une implication masculine. Son étude met également au jour la manière dont cette pratique marginale met en jeu une association entre masculinité et maîtrise sexuelle et dont elle s’inscrit dans des rapports de pouvoir préexistants et contraignants. Surtout, elle met en évidence la nécessité de prendre en compte les pratiques sexuelles déjà existantes et celles qui se révèlent – ou non – possibles tout en étant sources de plaisir pour analyser les raisons du choix d’une méthode contraceptive. Accepter une modification du script sexuel, avec en particulier une éjaculation externe, est ainsi indispensable pour celles et ceux qui ont recours au retrait.

53 Dans la lignée de la littérature internationale sur le sujet, cet article permet d’abord de renseigner les modalités du choix de la pratique du retrait en France, en tenant compte en particulier du point de vue des hommes, rarement interrogés sur les pratiques contraceptives. Mais il adopte surtout une perspective novatrice en ce qu’il resitue cette pratique dans les rapports inégaux entre partenaires, en mettant en évidence en particulier le poids des normes de genre et des représentations de la masculinité dans les classes moyennes et supérieures ainsi que celui, rarement interrogé depuis le prisme de la contraception, des scripts sexuels. Finalement, pour comprendre une pratique de santé – en l’occurrence, une pratique contraceptive – il ne faut donc pas s’en tenir à une analyse qui serait seulement médicale ou épidémiologique. Cet article montre qu’il est nécessaire de s’intéresser aux normes intimes dans lesquelles cette pratique s’inscrit et qu’elle peut entériner, déplacer ou encore remettre en cause.

Liens d’intérêts : l’autrice déclare ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.

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Mots-clés éditeurs : normes, sexualité, contraception, retrait, genre

Date de mise en ligne : 29/09/2022

https://doi.org/10.1684/sss.2022.0233

Notes

  • [1]
    Les mentions au préservatif dans l’article se réfèrent au préservatif externe (ou masculin) et non au préservatif interne (ou féminin), qui demeure très peu utilisé en France.
  • [2]
    Néanmoins, même dans ce cas, des spermatozoïdes peuvent passer dans le vagin via le liquide préséminal, qui ne contient pas lui-même de spermatozoïdes, mais peut en entraîner certains qui seraient restés dans l’urètre depuis l’éjaculation précédente.
  • [3]
    Cette enquête coordonnée par le médecin Pierre Simon, qui est également un des cofondateurs du Planning familial en France, s’appuie sur un échantillon représentatif de la population de 2 625 personnes âgées de 20 ans et plus. Elle vise à comprendre les évolutions de la sexualité au moment de la diffusion de la contraception médicalisée.
  • [4]
    On trouve des chiffres similaires pour d’autres pays où la contraception médicale est très majoritaire, comme les États-Unis, tant pour l’utilisation au moment de l’enquête que pour celle au cours de la vie (voir Jones et al., 2009 : 408).
  • [5]
    Le « script sexuel » au sens de John Gagnon et William Simon est une séquence narrative ordonnée, cet ordre ayant une signification pour les acteurs qui en rendent compte. C’est l’existence de cette séquence qui permet la naissance, la reconnaissance et la désignation du désir et de l’excitation, et donc qui rend possibles, puis intelligibles, les comportements sexuels. Le script est ainsi un récit déroulé par l’individu, et ce à trois niveaux différents et liés les uns aux autres : les scénarios culturels, les scripts interpersonnels et les scripts intrapsychiques.
  • [6]
    Les caractéristiques des enquêté⋅e⋅s cité⋅e⋅s dans l’article seront présenté⋅e⋅s en note de bas de page (profession, âge, statut conjugal, nombre d’enfants, méthode de contraception utilisée actuellement).
  • [7]
    Centre d’Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit.
  • [8]
    Suite à la plainte déposée par une jeune femme, Marion Larat, après un AVC qu’elle attribue à son utilisation d’une pilule de troisième génération, les pilules de troisième et quatrième génération ont finalement été déremboursées en mars 2013 du fait du risque trop élevé de thrombose qu’elles généraient (sur le sujet voir Rouzaud-Cornabas, 2019).
  • [9]
    Éducateur spécialisé, 33 ans, en couple et a des relations en dehors (sa compagne prend la pilule ; préservatifs sinon).
  • [10]
    Travaille « dans la musique », en reconversion vers l’animation, 35 ans, célibataire (parfois préservatifs ; contraception de ses partenaires).
  • [11]
    On constate la même polarisation sociale de l’utilisation de méthodes non médicales dans d’autres contextes, par exemple chez des couples palestiniens (Memmi et Desgrées du Loû, 2015 : 315).
  • [12]
    Chargée de projet, 28 ans, célibataire (retrait).
  • [13]
    Aide-soignante, 45 ans, mariée, deux enfants (ligature des trompes).
  • [14]
    Monitrice-éducatrice, 26 ans, célibataire (retrait ou préservatifs).
  • [15]
    Professeur en classes préparatoires, 35 ans, en couple (sa compagne prend la pilule, mais l’oublie souvent ; préservatifs).
  • [16]
    Étudiant, 21 ans, en couple (sa compagne prend la pilule et ils utilisent des préservatifs).
  • [17]
    Mère au foyer, 26 ans, trois enfants, en couple (pilule).
  • [18]
    Aide-soignante, 26 ans, mariée et pratique l’échangisme (enceinte ; stérilet au cuivre et préservatifs).
  • [19]
    Ingénieur, 26 ans, fréquente une jeune femme (elle prend la pilule, ils utilisent parfois un préservatif).
  • [20]
    De même que les méthodes d’abstinence périodique.
  • [21]
    Sur un autre plan, on peut aussi penser à certaines maladies qui, empêchant par exemple l’érection, amènent à devoir repenser le « normal » et le « pathologique » en matière de santé (sur le sujet voir par exemple Mouget, 2016 ; Braverman, 2019 ; Simard, 2019).
  • [22]
    Chargée de projet, 28 ans, célibataire (retrait).

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